Little Italy
ou
ChinatownChinatown ou le
Little Italy
Salad Bowl
Melting Pot
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Little Italy
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UPLE PROJET COSMOPOLIS de Manhattan ne nous dit rien sur la composition et les destins des communautés d’origine chinoise de New York.
Derrière cette volonté d’uniformiser et d’extraire la diversité, se cache la crainte des tensions que pourraient créer une réelle cohabitation des pluralités culturelles, ethniques et religieuses dans l’espace public. Une peur du désordre, une peur du chaos que pourrait provoquer un véritable mélange des hommes qui portent ces cultures. On empêche le laisser vivre la pluralité ethnique, on refuse au métissage des peuples la possibilité de réaliser son propre destin. On bride le résultat aléatoire. On ethnicise la ville, l’empêchant de se métisser. On veut bien de Cosmopolis, mais on redoute Chaosmopolis ! Little Italy ou Chinatown d’aujourd’hui on tolère. Leurs versions historiques, à savoir concentration de pauvreté, lieux de trafics, d’insalubrité, de survie, non merci. Lors de leur développement, on ne venait pas faire du tourisme dans le Chinatown ou le Little Italy de New York.
« En Amérique du Nord, les villes se sont employées à patrimonialiser de nombreuses zones commerciales ethniques (les petites Patries) ou bien, selon les cas, à les transformer en quartiers touristiques. » (L’espace public à l’épreuve des religions : des paysages pluriels à négocier ? Annick Germain, Laurence Liégeois, Heidi Hoernig, 323)
Le degré de marchandisation de la diversité ethnique ainsi que sa mise en scène diverge par exemple entre la France et les États-Unis. Aux États-Unis, les communautés font partie du récit national, et les quartiers ethniques racontent l’Histoire de la ville. La figure du Salad Bowl a remplacé celle du Melting Pot, et les politiques multiculturelles encouragent l’affirmation des différences. Les communautés sont donc encouragées à mettre en scène une culture dont il s’agit de grossir les traits lorsque le quartier se veut touristique. En France, où le modèle assimilationniste républicain prime, le quartier ethnique est encore souvent vu comme un dysfonctionnement, et associé au communautarisme.
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui la tendance à promouvoir la ville par le biais de sa diversité culturelle s’affirme quel que soit le continent et la politique de gestion de la diversité à l’œuvre. Ainsi l’organe promotionnelle de la région Paris Ile-de-France a pris la mesure de la valeur positive véhiculée par la diversité et le cosmopolitisme, et propose sur son site une thématique « Cultures du Monde », dont voici l’accroche : « Ici pas besoin de passeport pour partir à la découverte d’autres cultures : quand le monde entier se donne rendez-vous à Paris, le dépaysement est garanti ! ». Il propose un circuit « Tour du monde en forme de capitale » qui nous emmène du Japon à la Chine, et de l’Inde au Maghreb.
Cette diversité n’est pas utilisée que par les organes de promotion touristique, mais par les politiques eux-mêmes. Ainsi, en 2003, l’adjoint au Maire de Londres mettait en avant les 300 langues parlées dans le Grand Londres, et affirmait sa volonté de faire de la diversité londonienne un véritable atout économique.
La Ville de Toronto a elle basée en grande partie son image et sa communication sur son aspect multiculturel. « Diversity our strenght », ou encore « Toronto, la ville la plus multiculturelle du monde », deux mantras qui montrent à quel point la diversité a été érigée en carte de visite pour cette Ville-Monde redynamisée par l’immigration. L’argument est porté par les habitants eux-mêmes, les réunissant dans une même communauté de destin. La diversité fait consensus. Elle n’est plus seulement un argument marketing, elle constitue l’identité-même de la cité.
La diversité culturelle fait donc partie intégrante de l’identité cosmopolite de la Ville-Monde. Et le discours urbain entre en contradiction avec le discours national homogénéisant. Pour l’État, la diversité est encore souvent synonyme de problème et de perte d’identité nationale. Intérêts et discours de la Ville-Monde et de l’État divergent.
Si l’aseptisation via la promotion touristique ou les caméras surveillance font leur œuvre pour vider nos espaces publics du véritable caractère cosmopolite des villes, un autre phénomène contribue à reléguer la diversité hors des centres villes. Il s’agit du réinvestissement des quartiers centraux par des populations de la classe moyenne en quête de loyer bon marché, ou par des bobos en quête de quotidien cosmopolite, et qui contribuent par leur présence et leurs standards de vie à modifier l’essence de ces lieux et à chasser les populations plus pauvres.
Ainsi les centres des villes-monde s’homogénéisent, et finissent par ressembler à tout l’inverse de l’image qu’ils véhiculent. Ils deviennent non plus des lieux de coprésence des différences, mais des lieux vidés des différences. Le cœur de la Ville-Monde est dévolu au business. La diversité doit être canalisée, pas diverse, elle doit se résumer au commerce et au tourisme. La diversité-pauvreté et pas assez domestiquée sera admise en périphérie.
Aujourd’hui, l’ethnicisation marketing conduit à produire de la ségrégation spatiale. Conduit à faire rimer bien souvent ethnicité et pauvreté dans les cités périphériques. La relégation spatiale selon des critères socio-ethniques conduit à la désagrégation de quartiers qui peuvent devenir ghettos et théâtre de violences urbaines. Ce à quoi les autorités auront tendance à répondre par davantage de sécurité. Or une gestion plus adaptée de la diversité ethnique dans la ville est possible. Une bonne gestion combine mixités ethniques et sociales. Mélange les gens de toutes ethnies et de tous statuts socio-économiques dans les mêmes espaces de vie.
On peut considérer la diversité marketing comme un agent de fractionnement spatial et démographique, mais aussi comme une étape vers le vivre ensemble, vers un réel mélange des populations et des cultures. La diversité marketing et ses vitrines peut constituer un premier pas vers une meilleure compréhension et cohabitation des cultures. Elle constitue une étape vers la banalisation de la mixité dans un monde résolument post-moderne, dans lequel les cultures sont vouées à être mises sur un pied d’égalité. Dans l’étape transitoire, sorte de néo-colonialisme érigé à l’échelle de la Ville-Monde, les cultures sont récupérées par la culture « dominante » mondialisée, et amenées à contribuer au sacre d’un modèle hégémonique.
La diversité marketing peut aussi servir de consensus, contribuer à une meilleure tolérance de la part des réfractaires à la diversité qui rassurés, auront moins tendance à s’opposer au caractère cosmopolite de leurs espaces de vie. Parce que tous les urbains n’accueillent pas à bras ouverts ce cosmopolitisme. La diversité est aussi réappropriée et récupérée politiquement. Ainsi les héritiers de Samuel Huntington renversent l’argument des promoteurs urbains et économiques. Pour eux, c’est l’anti-diversité qui devient un argument marketing. La diversité, valeur négative, véhicule une image négative. Le goût pour la diversité devient rejet de l’envahisseur, avec le mantra « Regardez, on n’est même plus chez nous ! ». Enfin, cette diversité marketing peut aussi servir de consensus entre les diverses communautés, pour leur permettre de s’apprivoiser. Parce que tous les migrants n’arrivent pas avec une culture urbaine cosmopolite dans leurs bagages. En se mettant en scène, on s’ouvre et on se présente à l’autre. Ainsi on diminue l’appréhension. On s’apprivoise en douceur.
La diversité marketing peut donc servir de stratégie en attendant l’esprit cosmopolite, en attendant la banalisation de nos coprésences. En attendant le grand métissage.