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LE PROJET COSMOPOLISWE, the people of Singapore, pledge to build strong and happy families.” “And uphold the family as the foundation of our lives, and the building block of our society.”
Le côté plus sombre de cette omniprésence ce sont les nombreux interdits qui jalonnent le quotidien des Singapouriens. Singapour, société bridée et étouffée ? Prix à payer pour l’harmonie et la réussite économique ? En tous les cas, ce modèle de gestion qui semble parfaitement maîtrisé connaît aussi des failles : inflation, augmentation du prix de l’immobilier, ou encore quelques tensions dans la cohabitation comme l’a révélée la « Little India Riot » de décembre 2013. Quoiqu’il en soit, selon les chiffres, 83% (période 2007-2012) de la population accorde sa confiance à ce gouvernement très actif, qui contrôle beaucoup mais avec un taux très faible de corruption.
1965-2015… Une Cité-État jeune de 50 ans !
Avant d’entrer dans le vif du sujet, à savoir son modèle de cohabitation, un détour par l’Histoire s’impose. Pour ce portrait multiculturel, l’histoire commence avec l’arrivée des Anglais, qui, au début du XIXème, avaient besoin d’un port dans la région. Stamford Raffles de la British East India Company débarque donc à Singapour en 1819, alors fief d’un petit royaume malais. Pour damer le pion aux Néerlandais déjà présents dans la région, Raffles va conclure un accord avec le frère du Sultan malais, afin de renverser ce dernier, interlocuteur des Néerlandais. Singapour deviendra finalement anglaise en 1824, au terme d’un bras de fer avec les Néerlandais. Puis grâce à son positionnement Singapour devient rapidement un « regional trading hub », un entrepôt, un échangeur spécialisé dans l’import-export. Sous l’ère coloniale, les populations vont donc affluer de toute l’Asie du Sud pour y gagner leur vie.
De nombreux Chinois aux dialectes, statuts et régions d’origine affluent dans l’île, de même que de nombreux Indiens de langues, castes, religions, classes et régions différentes. Les Occidentaux y viendront moins nombreux, mais seront plus puissants. Ces immigrés qui s’installent à Singapour ne se mélangent pas et n’envisagent d’abord pas de s’y ancrer. Et cette séparation est accentuée par l’autorité coloniale britannique qui divise la ville en quartiers ethniques.
La Singapour coloniale
„Every Oriental costume from the Levant to China floats through the streets – robes of silk, satin, brocade, and white muslin, emphasised by the glitter of « barbaric gold » ; and Parsees in spotless white, Jews and Arabs in dark rich silks ; Klings in Turkey red and white ; Bombay merchants in great white turbans…Malays in red sarongs ; Sikhs in pure white Madras muslin… and… the coolie in his blue or brown cotton, to the wealthy merchant in his frothy silk crepe and rich brocade, make up an irresistibly fascinating medley… » Isabella Bird (1883)
(Source : Exposition National Museum of Singapore. Singapura : 700 years)
Le développement de la Singapour coloniale va être stoppé par la Deuxième Guerre Mondiale et l’occupation japonaise. Après la guerre, un esprit d’indépendance souffle sur Singapour. En 1963, Singapour est incluse dans la Fédération de Malaisie, mais la prépondérance chinoise de la population de Singapour créé des craintes et des tensions et conduit à son expulsion de la Fédération. En 1965, Singapour se retrouve donc indépendante, avec la tâche énorme de créer une nation en catastrophe, avec les gens qui se trouvent là. Un homme va alors jouer un rôle déterminant : Lee Kuan Yew du People’s Action Party (PAP), fondateur et véritable fabriquant de la Cité-État.
Lee Kuan Yew va créer le modèle du CMIO pour fédérer les communautés tout en respectant leurs particularités. CMIO = Chinese, Malays, Indians, Others. Mot d’ordre ? L’unité dans la Diversité. Il va également faire raser les quartiers ethniques insalubres et reloger les communautés dans des logements HDB (Housing and Development Board), immeubles de logements sociaux avec quotas raciaux.
Aujourd’hui plus de 80% des Singapouriens vivent dans un HDB, et le CMIO, porté par l’État et le PAP est toujours en vigueur. Son fonctionnement ? Chaque citoyen est identifié par une race, une langue, une religion, une culture. La Cité-État compte quatre langues nationales, l’anglais, le mandarin, le malais et le tamoul. On trouve presse et littératures dans les quatre langues également. L’anglais a été désigné première langue. L’enseignement se fait en anglais, auquel s’ajoute pour chaque écolier l’obligation d’apprendre sa langue « ethnique ». Ce modèle peut paraître assez insolite quand on sait par exemple que pour la population de culture chinoise, la langue qui leur a été assignée est le mandarin, alors qu’il n’était parlé que par une minorité des Chinois de Singapour…. On leur assigne donc une langue qui n’est pas celle de leurs ancêtres, alors qu’eux-mêmes ne sont même pas chinois…
A quoi ressemble concrètement le modèle multiculturel singapourien ? Comment est composée l’identité de cette nation aux quatre ethnies distinctes ? Comment la Cité-État gère-t-elle l’immigration ?
D’abord, le gouvernement s’assure que les différents groupes ethnoculturels vivent en harmonie et s’appuie sur la loi pour garantir l’égalité entre les communautés. “20. As a young city-state with a multi-racial, multi-religious and multi-lingual population, Singapore has no margin for error. We insist on the rule of law to ensure stability, equality and social justice. Stability and security are the prerequisites of economic growth, which in turn enables Singaporeans to be fed, housed and educated.” (Source: Singapore’s report for the universal periodic review 2011. Human Rights in the Singapore context, in Singapore 365). Tous les écoliers sont amenés à réciter la National Pledge, qui engage à créer une société unie et prospère au-delà des différences.
La société singapourienne est basée sur la tolérance pour les cultures des autres. Les principales religions représentées sont le Bouddhisme, le Christianisme, l’Islam, le Taoïsme et l’Hindouisme. Le gouvernement est très attentif aux relations entre les religions, et le modèle multiculturel donne lieu à de nombreuses célébrations à la fois des cultures et de la nation. Parce qu’on peut avoir différentes origines mais être d’abord “Singaporean”. On peut être Chinois, Indien, Malais ou Européen, Et Singapourien. On célèbre ainsi entre autres le “Racial Harmony Day” en juillet, l’identité multiculturelle de Singapour avec la Chingay Parade en février, le Labor Day et bien sûr le National Day en août. Au niveau des nombreuses célébrations culturelles et religieuses, on citera le Thaipusam Festival, Holika Dahan, Qing Ming Festival, Bulan Bahasa, Hari Raya Haji, Hari Raya Puasa, Deepavali, Chinese New Year, Buddhas birthday, Christmas, etc.
Le multiculturalisme est donc inscrit dans l’ADN de la nation singapourienne. En théorie, il n’y a pas de minorités et de majorités, les communautés ayant toutes le même statut. En pratique, les Chinois sont dominants, et la rumeur qui m’est parvenue durant mon séjour est que les Indiens et les Malais seraient désavantagés par rapport aux Chinois.
Mais sur quels critères se fonde l’appartenance à cette nation, qui met en valeur son hétérogénéité culturelle ? On l’a vu, le modèle du CMIO, à travers lequel chaque individu est intégré dans une race, une langue et une religion est à la base de l’État, qui fonctionne selon trois piliers : “Singapore has been built on three pillars – the individual, the community and the state. (…) The individual working hard, saving for himself and his family. The community getting together to help different groups of people, whether it is a union, whether it is (Volontary Welfare Organisations), whether it is business federations, the clans, each group coming together strengthening one another. And overall, the Government creating the conditions for a vibrant economy and for good jobs, investing heavily in our people through education, through housing, through healthcare but keeping state welfare low and targeted, stringent (strict, rigoureux)” Lee Hsien Loong, Premier Ministre, discours National Day 2013
Des communautés et des identités culturelles fortes constituent donc une base essentielle comme fondement à l’identité nationale qui s’ajoute comme une couche et surplombe les particularismes. Contrairement à l’Europe, ici l’identité nationale n’est pas censée supplanter toutes les autres, mais est possible au contraire parce que les autres sont respectées. A Singapour, identités politique et culturelle sont distinctes. L’identité nationale n’est pas basée sur une culture commune mais sur une identification nationale politique et économique qui se rajoute à l’identité culturelle spécifique. Identité communautaire et nationale se complètent. Les doubles identités font parties de l’ADN de la nation. Les communautés ne s’opposent pas à l’État, mais font partie de lui, constituent son socle. Singapour se révèle être un État aux identités culturelles marquées, mais à l’identité nationale forte. Une logique d’ajout qui contraste avec les politiques européennes. Ici les cultures communautaires sont encouragées par un État fort, un gouvernement pro-business qui joue le jeu de la mondialisation à fond. En Europe, les cultures ajoutées sont vues comme problématiques, les États sont faibles et entretiennent des rapports ambivalents vis-à-vis de la mondialisation.
Ainsi, les Indiens singapouriens sont indiens culturellement, mais ils sont singapouriens. De même il y a une différence entre Chinois du continent et Singapouriens d’origine chinoise, qui sont « Chinese in culture, Singapourean in pride », et ne veulent pas être confondus avec les Chinois du continent, dont ils diffèreraient dans la mentalité, selon ce qu’il m’a été rapporté. Les « mainland Chinese » auraient la réputation d’être plus « rude », plus durs. En tous les cas, ce modèle multiculturel fait persister les identités culturelles à travers les générations, là où on serait logiquement amenés à penser que les brassages les dilueraient. Surtout que l’État, qui joue un rôle actif dans la cohabitation entre les communautés, s’il encourage le multiculturalisme, encourage également les communautés à se mélanger. Notamment à l’école ou par le biais des quotas dans les HDB. Quoi qu’il en soit, ce modèle est instrumentalisé dans une Diversité-Marketing, où les cultures participent à l’image de l’État et peuvent être mises en scène comme atout touristique de l’île.
La population de Singapour est divisée en citoyens et en étrangers, eux-mêmes subdivisés en résidents permanents (531 000) et non-résidents (1.6 millions). En 2013 les résidents représentent 71.2% de la population et les non-résidents et 28.8%. Pour comparaison, en 2000 les résidents représentaient 81.3% et les non-résidents 18,7%.
Singapour est un territoire qui compte plus d’un quart d’immigrés, mais dans lequel le « racisme » n’est pas exempt. Sauf qu’ici, le racisme n’est pas basé sur la « race ». Il est politique, économique et social. Il y a les Indiens, les Chinois ou les Malais de souche, et ceux qui viennent après, les immigrés économiques. Le racisme est territorial, basé sur une division entre les Singapouriens, ceux qui sont englobés par le discours de l’État, et les autres, les ajoutés, peu importe la culture. La figure de l’étranger à Singapour n’est donc pas comparable à l’Europe. Ici le statut de l’étranger n’est pas basé sur l’origine, la race, l’ethnie, l’appartenance culturelle. Pour chaque origine, on a les nationaux et les immigrés. Il y a les Chinois singapouriens et les Chinois étrangers, de même pour les Indiens ou Malais de souche (le pays fête ses 50 ans cette année !) et les ajoutés, considérés comme les étrangers.
Parmi les immigrés, une distinction est aussi opérée. On a d’un côté les migrants « cosmopolites », les cols blancs qui entrent dans l’image que Singapour veut se donner et qui sont mis en avant par l’État. De l’autre les migrants à basse qualification, force de travail invisible. Ces migrants constituent 85% des travailleurs étrangers de Singapour. Parmi eux intervient encore une nouvelle distinction, basée sur les origines. Les pays d’origine les plus représentés parmi la force de travail singapourienne sont la Malaisie, l’Inde, le Sri Lanka, le Bangladesh, le Pakistan, la Birmanie, les Philippines, la Chine. (Source : Dictionnaire des migrations internationales)
Singapour malgré une réputation d’harmonie entre les communautés, n’échappe pas à certaines problématiques, tensions, débats, auxquels on peut assister dans une Europe en crise identitaire. Les deux différences notables se situent au niveau du curseur et de la réaction de l’État qui à Singapour a tout intérêt à ne pas diviser. Car diviser la nation revient à se fragiliser lui-même.
En décembre 2013, un événement a mis en exergue les tensions latentes qui parcourent Singapour. A la suite d’un accident de trafic fatal à un travailleur immigré, Little India fut le siège de la « Little India Riot », un soulèvement d’immigrés indiens. On dit que cette nuit a changé Singapour. Quoi qu’il en soit, un comité a été créé pour évaluer la situation de ces travailleurs et le gouvernement a pris des mesures. Mais d’autres débats culturels ne sont pas absents à Singapour, comme la question du port du hijab dans certaines fonctions publiques. Il semblerait donc que même dans un pays dont la racine est constituée à environ 15% de culture musulmane, une femme avec un voile n’est plus juste une femme qui porte un voile. De même, certains étrangers sont accusés de faire grimper les prix de l’immobilier ou de déséquilibrer les HDB. Le gouvernement a donc décidé d’un quota d’appartements qui pourra être loué à des étrangers dans chaque immeuble.
Pour y voir un peu plus clair sur la cohabitation entre les groupes, je vous joins le résultat d’un sondage effectué en 2013, et qui donne un bon aperçu du mélange et des relations.
(Source : Singapore 365)
On découvre à travers ce sondage que la grande majorité des ethnies apprécie la multiculturalité de Singapour, mais aussi que les Chinois sont considérés comme l’ethnie la plus favorisée. Enfin, si les communautés se mélangent volontiers dans la sphère publique, avec collègues et amis, elles sont moins enclines aux unions inter-ethniques.
Les relations sont donc en grande partie harmonieuses, et il est vrai que c’est aussi le sentiment que j’ai eu lors de mon séjour à Singapour, où il flotte une atmosphère de respect mutuel, et où il ne me fut pas rare de croiser des groupes mixtes. Mais cette harmonie ne doit pas occulter toute la complexité des identités diasporiques dans la région, identités qui sont aussi constitutives de Singapour.
Ainsi, dans le cadre des expositions GeoGraphic à la bibliothèque nationale de Singapour, j’ai découvert le travail de Sherman Ong, intitulé Islands In Between… The Seas Will Sing And The Wind Will Carry Us…. Cette exposition est constituée de neuf installations vidéo permettant de saisir toute la complexité des identités diasporiques en Asie du Sud-Est.
On comprend à travers les récits de l’exposition que ce melting-pot sud-asiatique est empreint des blessures de l’Histoire, traversé par des relations complexes, des questionnements identitaires, du racisme entre les différents peuples qui composent l’archipel. Ils éclairent sur la solitude et les difficultés liées à la migration. Mais surtout sur la question du métissage interracial. L’archipel est en proie à des conflits intergénérationnels, où la mixité à l’école et la voix de la maison, celle du sang pur, peuvent entrer en contradiction. J’ai ainsi fait connaissance avec une « Chinese Filipina » qui craint d’annoncer à ses parents qu’elle sort avec un « native Filipino », avec une jeune Indonésienne qui se remémore avec honte le soulèvement contre les Chinois de 1998 en Indonésie, durant lequel sa meilleure ami a été enlevée. Ou encore avec une « mainland Chinese woman » venue à Singapour « to find a better life » et qui va connaître grande solitude et assignation à l’usine. Mais le témoignage qui m’a le plus marquée est celui d’une « Peranakan woman » à laquelle ses parents refusèrent par deux fois une union mixte, au motif que les Peranakan sont un peuple métis qui ne doit pas davantage diluer son sang. Il doit le figer comme l’identité. Il doit rester « métis-pur ». Cette décision parentale la conduira à une vie de solitude, de servitude et de regrets.
« Singapore overcame the limits of a small domestic market to grow and to generate a ready supply of good jobs by becoming open to the international flow of goods, capital, and labour. » Hoon Hian Teck, professeur d’économie
Territoire restreint et sans ressources déterminantes, la matière première de Singapour, ce sont les hommes. Son rôle, celui d’un carrefour de la mondialisation. Peu d’espace et pas de place pour la fermeture. Cette ligne économique héritée de l’époque coloniale et reprise depuis l’indépendance ne définit pas uniquement l’économie, mais la société multiculturelle qui en a découlé et la politique multiculturelle qui encadre la société.
Avec un taux de chômage insolent de 1.95% en 2013 (2003 : 3.95%) et un taux de croissance 3% en 2014, Singapour, qui a vu sa force de travail passer de 2.3 millions à 3.36 millions entre 2001 et 2012, n’échappe pas aux débats sur l’immigration. En 2013 est publié le « Population White Paper », document qui présente les perspectives démographiques du gouvernement. Les principales mesures proposées sont une politique d’encouragement à la famille, un taux contrôlé d’immigration, une force de travail étrangère avec une grande gamme de compétences afin de compléter la force travail locale. Il envisage donc l’accueil d’étrangers pour la bonne marche de l’économie et pour contenir le déclin de la population. Il doit en outre répondre à trois objectifs principaux : cohésion de la société, croissance de l’économie, maintien de la qualité de vie. Il a surtout suscité de gros débats, conduit à des tensions et des protestations dans la Cité-État.
(Source : 365 Singapore)
Alors que la population voit le taux de croissance du PIB se diriger vers son rythme de croisière, ses salaires stagner, et demande un plus grand contrôle des flux migratoires par peur de devenir une deuxième Dubaï, les économistes pointent le lien entre force de travail et croissance, entre ouverture à l’immigration et augmentation de la production. Pour eux, la hausse vertigineuse de la force de travail a logiquement répondu à une décennie florissante économiquement et à l’augmentation des investissements, la baisse des salaires ne se vérifie pas dans les chiffres, enfin la stagnation de la croissance est simplement due à l’atteinte par Singapour du taux de croissance d’une économie mature après des décennies d’explosion. Singapour entre dans une nouvelle phase, alors que la croissance d’avant était due à un rattrapage, n’était pas une croissance « normale ». Singapour se dirige maintenant vers le passage d’une économie basée sur l’exportation à une économie basée sur l’innovation et l’entreprenariat, d’une « technology follower » à une « technology leader », bref afficher un taux de croissance qui correspond à l’entrée dans un nouveau modèle économique. Les économistes préviennent donc contre une trop grande limitation des travailleurs étrangers qui peut conduire les entreprises à délocaliser, soit en raison du manque de main d’œuvre disponible, soit en raison d’une pression à la hausse sur les salaires. Enfin, ils assurent que les valeurs sociales ne sont pas en danger, le Population White Paper insistant sur le maintien d’un « Singaporean Core » formant la base de la nation.
“as a city-state whose economic vitality depends on being able to ride on the waves of opportunities thrown up by the global economy, having access to a ready pool of foreign workers with a range of complementary skills is an advantage.”
“I believe that our economic prosperity continues to depend on our integration in the global economy – the economic openness is the DNA of Singapore”
Hoon Hian Teck, professeur d’économie
Quoiqu’il en soit, au-delà des modèles de société, au-delà des débats politiques, au-delà de la distance, j’ai à nouveau eu le sentiment à Singapour, tant dans mes échanges qu’à la lecture du quotidien local The Straight Times, qu’on partageait un monde interconnecté, interdépendant, en proie aux mêmes problématiques et intéressés par les mêmes événements globaux. J’ai une nouvelle fois eu le sentiment que dans les Villes-Mondes, on était finalement tous les mêmes une fois faite la « traduction ». J’ai eu une nouvelle fois le sentiment d’un cosmopolitisme qui nous aurait atteints, quels que soient notre statut ou notre origine. Même les problématiques locales sont les mêmes, entre marché immobilier, environnement, transports, offres d’emploi et offre culturelle.
Ce sentiment, je voudrais l’illustrer par ma rencontre avec Irvan. Irvan a 26 ans, vient de Sumatra en Indonésie et habitait Jakarta avant de se mettre en mouvement. Architecte junior, il a immigré à Singapour pour le travail, et partage un appartement au nord-est de la ville avec cinq colocataires, dont un Espagnol, un Allemand et un Canadian. Son rêve serait d’être un jour architecte à son compte et développer un studio de musique à côté. Il rentre environ tous les deux mois en Indonésie, et ces Chinese New Year Holidays sont les premières vacances durant lesquelles il reste à Singapour. Il apprécie Singapour, particulièrement Palau Ubin et Arab Street, mais ne peut pas s’imaginer y vivre toute sa vie. S’il devait choisir une mégalopole asiatique, il opterait pour Shanghai, une ville excitante et cosmopolite qu’il connaît pour y avoir travaillé quatre mois. Après deux ans à Singapour, il pourrait obtenir son statut de résident, sésame qu’il ne se presse pas de réclamer en raison de la longueur du service national. Quoiqu’il en soit, il ne pourrait pas revivre en Indonésie, la mentalité y est trop « narrow minded » et lui-même se sent « narrow minded » lorqu’il s’y trouve. Il a toujours nourri ce rêve de bouger, savait qu’il s’en irait. Il me dit que d’où il vient bouger n’est pas usuel, or en énumérant ses seuls camarades indonésiens, il réalise que pas moins de dix ont également suivi la voie de l’expatriation.
Ce qui est frappant, c’est qu’Irvan et moi parlons le même langage, on est sur la même longueur d’ondes, on a les mêmes références et on peut parler des heures durant alors qu’on a grandi à l’autre bout de la planète, et ne connaissons rien de nos univers d’origine respectifs, au-delà des médias et des images. Ici, à Singapour, en ville mondiale, on est les mêmes. Les gens des villes sont effectivement semblables, mais me dit-il, d’où il vient c’est extrêmement différent, et si je m’y rends tout le monde me regardera, certains voudront prendre des photos avec moi, et je me sentirai vraiment différente. En attendant, même s’il n’a jamais vu la neige, Irvan peut me parler de Genève, Lausanne ou Bâle comme s’il y était allé…
Le mot qui me vient immédiatement à l’esprit quand j’envisage Singapour est Carrefour. Car Singapour n’est pas seulement le lieu de la cohabitation de quatre communautés culturelles nationales, mais constitue une sorte d’hybride au carrefour de multiples phénomènes.
Je suis un peu en Chine, un peu en Inde, un peu en Malaisie… Je suis à Singapour !!! Carrefour de l’Asie, Singapour c’est d’abord une rencontre avec l’Asie du Sud-Est. La porte d’entrée d’un monde en soi. Un Hub. Un concentré de populations venues d’Inde, de Chine, d’Indonésie, des Philippines, de Malaisie, d’Europe, du Japon, …. Donc à la fois porte d’entrée et point de départ pour voyager ne serait-ce que mentalement vers toute l’Asie. Visite, cours accéléré. Vaste perspective non ? Singapour offre en sus un aperçu de ceux qu’on appelle les quatre Dragons asiatiques. Et souvent cette rencontre avec les géants asiatiques prend un peu la forme d’un « retour vers le futur ». Déjà entre l’aéroport ultra-futuriste de Dubaï et le voyage low cost en A380, tu sens qu’il se passe un truc là… en route vers l’ultra-modernité ! Mais il faut nuancer, car cette modernité tape-à-l’œil est parsemée d’expressions plus traditionnelles des cultures.
En plus de voyages culturels, humains et temporels, Singapour offre de multiples voyages au sein d’une même ville. On peut y voyager dans la jungle de béton, dans la jungle tropicale, mais aussi à Little India, dans le quartier malais ou à Chinatown. Singapour, c’est du gris, du vert et des touches multicolores. En terme de localisation, j’ai pour ma part opté pour un terrain neutre et centralisé, idéal pour rayonner. Un hôtel aseptisé d’une chaîne globalisée, idéalement situé pour effectuer des breaks de « déchaleurisation » en terre vierge.
Mais avant de rayonner, j’aimerais entre autres vous présenter quelques déclinaisons du carrefour singapourien que je me suis amusée à recenser.
Singapour fait cohabiter, se situe au carrefour de / Singapour c’est …
Singapour c’est donc tout ça, un lieu +++, dans lequel en sus…
Explications
1 – Singapour est une Cité-État. Un trait d’union qui fait la synthèse de deux échelles identitaires et de gouvernance en compétition : Ville-Monde du Réseau et État-Territoire. Singapour représente la fusion entre capitale économique mondiale et capitale politique.
3 – Cohabitation qui peut s’illustrer avec le shopping et la gastronomie. On trouve à Singapour aussi bien des malls ou des Food Courts aseptisés que des Wet Markets ou des Hawkers Centres traditionnels.
4 – A Singapour une Europe et une Asie interdépendantes et interconnectées sont parvenues à se rencontrer en dépit de l’Histoire.
5 – A Singapour, le CBD (Central Business District) et la mixité territoriale organisée dans les HDB uniformisés cohabitent avec des quartiers culturello-ethniques.
6 – On trouve à Singapour autant de malls que de lieux de cultes, autant de temples religieux que de temples de la consommation. Ici shopping et prières ne sont pas incompatibles
7 – Singapour est une Ville-Monde dans océan de verdure. Du gris dans le vert. Où cohabitent jungles de béton et jungles de flores.
9 – Singapour est une ville où tu peux prendre quatre repas pour le prix d’un verre de vin, où tu peux vivre « comme un expatrié », un « col blanc », ou comme un « col bleu ».
11 – A Singapour, les communautés culturelles ne menacent pas l’État uniformisant, elles en constituent la base.
Singapour offre un exemple quasi pédagogique de la société d’une Ville-Monde, une société composée de communautés aux cultures fortes partageant langue, culture et espaces mondialisés, un langage mondialisé fonctionnant comme langage commun. Par exemple à Singapour les groupes ethnoculturels, réunis par deux passions nationales, le shopping et la nourriture, se retrouvent naturellement dans ces espaces pont, espaces partagés que sont les malls ou les Food Centers.
Si pour le voyageur extérieur cette tournée de malls et de Food Centers peut sembler comme un jour sans fin, sensation encore accentuée par le climat, constant lui aussi, entre chaleur et humidité ; l’uniformité apparente est toujours déclinée différemment. La base se décline en différentes saveurs, à l’image des soieries, proposées en versions indienne, chinoise ou encore égyptienne en fonction du quartier où l’on va s’approvisionner.
En fait, à Singapour tout se décline en trois saveurs : Diversité (traditions, authenticité), Uniformité (modernité, occidentalisation) ou Hybridité (mélanges, fusion). Ainsi de la cuisine, dans cette cité où la nourriture est une religion et la majorité des repas sont pris à l’extérieur. Véritable paradis épicurien, on trouve à Singapour toutes les cuisines d’Asie en versions revisitées, occidentalisées ou traditionnelles. La diversité de Singapour s’exprime dans sa gastronomie. Multiculturalisme culinaire en sus complété par une large palette de cuisines européennes notamment.
L’extraordinaire carrefour tous azimuts qu’est Singapour se retrouve également dans son architecture. Là encore, la ville n’offre pas qu’uniformité, mais un mélange architectural foisonnant. Entre gratte-ciels hyper modernes, shophouses traditionnelles déclinées de nombreuses façons selon les quartiers, bâtiments coloniaux, HDB uniformisés, Condos, projets architecturaux visionnaires.
Au-delà de la visibilité de la culture chinoise majoritaire, le mélange des cultures est bien présent spatialement et sous diverses formes. Le vivre ensemble est visible et s’inscrit jusque sur les murs. A Singapour, on parle tamoul, mandarin ou malais, mais tout le monde parle singlish (version hybride de l’anglais). On est bouddhiste, musulman ou hindouiste, on a des fois différentes mais une ferveur partagée. Foi partagée qui permet d’éviter les tensions qu’on connaît en Europe, où une ferveur unilatérale est venue s’ajoutée dans un vide spirituel.
A Singapour, les lieux de culte sont omniprésents et représentent peut-être la manifestation spatiale la plus concrète de la multiculturalité de cette ville où les espaces de convergence semblent dominer. Downtown, malls, parcs, jungles, safari, zoos, HDB. En fait, derrière la Diversité-Marketing de vitrine mise en avant dans les quartiers ethniques historiques du centre-ville, le gouvernement veille à la mixité des communautés. Derrière le cloisonnement folklorique du centre, la société est mélangée en périphérie. Les quartiers ethniques centraux et historiques, ces anciens lieux d’assignation territoriale que sont Chinatown, Little India et Kampong Glam, sont désormais protégés. Aujourd’hui davantage lieux touristiques, ils remplissent cependant encore une certaine fonction de centralité communautaire. Lieux permettant maintien et transmission culturels, les communautés y retrouvent atmosphère, nourriture comestible, matérielle et spirituelle du pays d’origine. En fait si Little India semble bien vivant, Chinatown ressemble pour sa part à une attraction.
Certains vous diront que Singapour est aux antipodes de l’Asie authentique, n’y voyant qu’une succession de buildings froids et un plaisir ostentatoire pour la consommation. J’y ai pour ma part découvert un lieu authentique, n’en déplaise aux puristes de la définition. Authentique dans le sens réalité du lieu dans le présent. Authentique dans son rôle de carrefour, d’hybride. Singapour ne ment pas, au folklore elle a substitué le quotidien. Et le quotidien d’une Ville-Monde sud asiatique c’est une ultra-modernité certes, mais déclinée de plusieurs manières. Et grâce à la modernité partagée, à Singapour le multiculturalisme ne se fait pas déterminisme. De toute manière, lorsqu’il s’agit de Singapour parler d’occidentalisation ne semble pas avoir de sens. Il faut parler de « One World », de mondialisation, d’adhésion à un modèle commun, qu’on contribue désormais à développer ensemble.
Pour ma part, j’y ai rencontré des gens zen, disciplinés mais surtout ouverts qui m’ont abordée assez spontanément. Chauffeur de taxi singapourien, expatrié indonésien, touristes chinois venus fêter le Nouvel An, voiturier malais qui « can’t afford to live in Singapour anymore » et envisage de la quitter, homme d’affaire traveller germano-japonais, commerçants. Des rencontres qui m’ont traduit une bribe de cette ville, m’ont aidée à la déchiffrer. Qui se sont plaints tantôt de la cherté de la vie ou des nombreux interdits taxés, ou encore de l’augmentation du prix de l’immobilier. Qui m’ont tantôt confirmé la forte présence européenne ou la dominante chinoise, ou m’ont présenté Singapour comme le centre du commerce en Asie du Sud-Est, une ville où les gens « don’t care about politic, come, make business, earn money, enjoy life ». Une Ville-Monde en somme…
Sens en éveil et cerveau endormi, je me suis baladée détendue, sécurisée et papilles comblées, au diapason avec ce lieu. Je me suis laissé charmer par le dynamisme et l’énergie, agrémentés d’une certaine légèreté, une innocence, une audace, une sorte de confiance perdue depuis longtemps en Europe. Bref, j’ai été contaminée par l’effet Asie et me suis délectée d’un séjour bienvenu « far from sad Europe ». En fait face à cette modernité assumée, l’Europe ressemble à un musée. Il semblerait donc que ce soit ici que les Européens peuvent vivre leur modernité loin d’une Europe frileuse et poussiéreuse. Ici que l’expatrié peut évoluer quand la maison s’est figée. Cette ville semble reposer sur la finance et la consommation. Je ne vois pas de mal à cela. Je m’inquiète juste de ce que pourrait advenir d’un tel lieu en cas de crise financière mondiale, de renversement du modèle. Je repense à la conférence de Saskia Sassen sur le sort des villes entièrement basées sur la globalisation financière…
Avant de clore ce portrait et de poser La question, suivez-moi dans mes errances singapouriennes, occasion de constater comment s’inscrit la diversité dans l’espace, comment espace uniformisé, territoires culturels et traces, témoignages d’hybridité se partagent le pavé.
(Source : Un Grand Week-end à Singapour, Hachette)
Situé entre les quartiers ethniques et le quartier colonial, pour moi Bugis est un des lieux qui résume le mieux le mélange des genres de Singapour. Bon échantillon de tout ce que représente cette cité. A Bugis, le grand bazar du Bugis Street Night Market, son dédale d’allées et sa forte densité cohabite avec un alignement de malls aseptisés et de chaînes globalisées. Bugis c’est un joyeux mélange de Hawkers Centres populaires qui proposent de la cuisine traditionnelle, et de Food Courts qui servent une cuisine aux goûts plus neutralisés. Bugis c’est aussi Waterloo Street et ses temples hindou ou chinois. Mélange des populations et des cultes.
Bugis, ou la preuve que Singapour n’est pas une ville aseptisée, mais un dosage de tradition et de modernité, de cultures locales et d’uniformité globale. De mondes qui coexistent simultanément sans contradiction.
En ce mois de février, toute la ville était au diapason du Chinese New Year.
Ici célébrations sur Waterloo Street, cœur d’un quartier où vit une importante communauté chinoise et où j’ai croisé beaucoup de touristes en provenance de Chine.
Après la ferveur et l’effervescence, Waterloo Street s’est vidée sitôt la fin du Chinese Holiday.
Images : Waterloo Street, Nouvel An chinois, Lasalle College of Art, Bugis + et Bugis Jonction, Nouvel An chinois, expositions Bibliothèque nationale, exposition au Lasalle College of Arts « Artists build a Nation », montée pour les 50 ans de Singapour
C’est dans ce quartier que se sont liés à jamais les destins de Singapour et de l’Europe.
Sur ces photos, quelques échantillons des traces omniprésentes du passé colonial de Singapour. Couvents, monuments, musées, hôtels, églises, cathédrale, statues, bâtiments politiques,…
Résultat : petits déjeuners occidentaux et orientaux
C’est sur ces quais au pied du Central Business District que Singapouriens et expatriés viennent se détendre après le travail.
Les quais proposent témoignages du passé colonial (statues représentant coolies et marchands, Fullerton Hôtel), et alignement de restaurants asiatiques, de bars branchés et autres pubs anglais, nichés dans des shophouses désormais protégées.
Singapour, carrefour et porte de l’Asie.
Un des cœurs de la finance mondiale. Lieu où bat très fort le cœur de la mondialisation.
Quartier visionnaire. Temple du luxe et du chic, qui comprend un mall abritant casino, enseignes de luxe, canal qui se sillonne en pirogue et patinoire en plastique ; l’hôtel Marina Bay Sands, emblème visuel de Singapour, à l’instar de l’Empire State Building pour NYC ou de la CN Tower pour Toronto ; les Gardens by the Bay, jardins futuristes. Deux réalisations récentes, preuves par l’image du dynamisme de Singapour. En arrière-plan, le troisième plus important port de commerce mondial.
Depuis le SkyPark du Marina Bay, on jouit d’un panorama imprenable sur toute la ville.
Coup d’œil sur la plus haute piscine du monde, qui culmine à 220 mètres.
Quartier très animé, fréquenté entre autres par le flux de travailleurs indiens immigrés dont l’installation a réactivé cette enclave communautaire. Également décor de l’émeute de 2013, qui impliqua environ 300 travailleurs immigrés et attira l’attention de la population sur leur condition, mais contribua aussi à nourrir la tension vis-à-vis de l’immigration.
Little India, centre de la communauté indienne et lieu touristique fréquenté. On y trouve le Tekka wet market, de nombreux restaurants indiens, des boutiques de saris, de soies, d’épices, de bijoux, des voyants, des produits de Bollywood, des stands de guirlandes de fleurs, d’encens ou de produits ayurvédiques. Mais aussi des temples, des mosquées, des églises, des alignements de shophouses, et un musée qui retrace l’histoire de la communauté.
« I’m not Indian, I’m born here, I’m Singapourean. » tels sont les mots qui pourraient résumer ma conversation avec cette commerçante qui tient une boutique de vêtements indiens dans Little India Arcade. Sa connaissance de l’Inde se résume peu ou prou aux fournisseurs avec lesquels elle travaille. Elle voit Little India comme « a piece of India », comme on trouve des traces de toute l’Asie à Singapour. Elle n’est jamais allée en Inde mais projette d’y aller au moins une fois. Elle doit faire ce voyage pour connaître ses ancêtres, ses origines. Elle n’habite en outre pas l’enclave, ce qui ne lui pose pas de problème, étant donnée la rapidité du réseau de transports publics.
Chinatown est envahi par les touristes. Au-delà de son aspect touristique très manufacturé, Chinatown est un bon exemple de la cohabitation multiculturelle de Singapour. Sur une même rue, trois cultes différents sont célébrés. On trouve un temple bouddhiste, un temple hindou et une mosquée souhaitant tout deux sur leur devanture une bonne année aux amis Chinois.
Architecturalement, Chinatown offre également un bon contraste, entre shophouses, HDB et gratte-ciels en arrière-plan, le tout dans une esthétique très « authentique », avec l’omniprésence des lanternes. A Chinatown on trouve un marché, un foisonnement de stands pour dénicher des souvenirs bon marché, des tailleurs, de la médecine chinoise, un musée, des stands de calligraphie.
Du Chinatown de Toronto au Chinatown de Singapour. Après avoir connu une version de la Chine sous le froid mordant de Toronto, j’ai eu la joie de découvrir une autre interprétation de la Chine sous la chaleur accablante de Singapour. Février 2015. Toronto -12 degrés, Singapour 32 !
Quartier historique de la communauté malaise, c’est ce quartier qui fut garanti au sultan malais en compensation de Singapour. Quartier musulman, il mélange culture, commerces et restaurants méditerranéens, moyen orientaux, malais, indonésiens et bohèmes. On y trouve Haji Lane, artère bobo-branchée. Arab Street, qui propose entre autres tapis, soieries, artisanat, chichas. Un musée qui retrace l’histoire et la culture de la communauté. Mais surtout la magnifique Sultan Mosque, trônant au bout d’une rue bordée d’hôtels, de restaurants touristiques ou de librairies abrités dans de charmantes shophouses.
Temple décomplexé de la consommation, centre d’une passion nationale.
Jungle de malls sur plusieurs kilomètres, tous plus démesurés les uns que les autres. A côté New York passe pour une ville altermondialiste ! Orchard Road, c’est la vitrine d’un consumérisme décomplexé et d’une passion nationale pour des pauses réfrigérées… Ultra modernité distillée dans les tuyaux d’air conditionné des malls. On y trouve même des enseignes exotiques, comme ce représentant de la gastronomie helvétique.
A Tiong Bahru on trouve un marché, la bohème-branchée, des expatriés, des condos, des bâtiments Art Déco, des cafés et des boutiques trendy, arty ou populaires, ou encore des librairies. On peut y prendre un brunch servant les meilleurs croissants de la ville, des œufs béné, ou opter pour un chai revisité. On croise de nombreux Européens attablés pour le brunch dans les cafés disséminés, ou d’autres sirotant une bière dominicale. On croise des couples et des groupes mixtes. Bref, Tiong Bahru est le fief des mélanges et de la mixité. Un lieu sur lequel un nombre certain de qualificatifs peuvent s’appliquer.
Quartier périphérique, lieu d’élection historique des Péranakans (peuple métis malais-chinois), cet ancien centre d’une population métisse a mué en carrefour de toutes les influences. Dans le périmètre se trouvent également le quartier Geylang Serai, le centre de la communauté malaise ; un quartier bobo-hype-expatriés ; un grand centre commercial. Le quartier offre un mélange des cultures chinoise, malaise, occidentale, péranakane, en somme un bon aperçu de Singapour.
Le périmètre Geyland-Katong offre une balade entre plusieurs univers. Une balade qui débute dans l’immense station de métro aseptisée présentant toutes les chaînes de restauration asiatique ou mix, servant de la nourriture asiatique aux saveurs neutralisées. Ensuite, autour de Paya Lebar se trouve un des lieux de prédilection des jeunes cadres expatriés français. La partie vers Geyland Serai est elle le véritable quartier des Malais (et pas le très touristique et historique Kampong Glam), avec son Wet Market animé. De là on peut atteindre le quartier historique péranakan, autour de Joo Chiat Road et ses shophouses raffinées. Après avoir sillonné des quartiers résidentiels aisés, présentant d’intéressants mélanges architecturaux, on atteint East Coast Road et son centre commercial qui renferme beaucoup d’enseignes européennes et asiatiques : supermarchés anglais ou japonais, boulangeries et vins français, brasserie allemande, expresso italien et fast-food indonésien, entre autres. La rue est complétée par la présence d’un musée et d’un restaurant péranakans.
De Bugis à Bencoolen, en passant par Orchard, Little India, Chinatown ou Tiong Bahru, les Hawker centres, ces grandes cafétérias concentrant des stands de cuisines de toute l’Asie voire au-delà, symbolisent bien ce qu’est Singapour. Un mélange de tradition et d’aseptisation. Ils symbolisent la diversité culturelle, la survivance d’un mode de vie populaire, mais cadré. Ainsi, les autorités ont réuni tous les vendeurs de rue dans de grandes cantines où on continue de manger bon marché. Selon le principe diversité-uniformisation déjà évoqué, les hawkers centres sont déclinés différemment selon les quartiers et en offrent un bon aperçu. Ils sont le reflet de la socio-économie et de la dominante ethnoculturelle du quartier.
De haut en bas, et de gauche à droite. Bugis, Central Business District, Chinatown, Bugis, Little India, Tiong Bahru, Food Court d’Orchard Road, Bugis.
Asie, terre de contrastes. Les aéroports de Singapour et de Dubaï l’illustrent bien. Aéroport ouaté de Singapour, à l’image d’un quotidien harmonieux enveloppé dans du coton. Aéroport hyper futuriste de Dubaï, gigantisme, mosquée sous les néons, bal de la première prière du matin, hommes en blanc et chant du Muezzin dans le temple de l’ultra modernité.
Ville aseptisée pour les uns, savant mélange entre héritage colonial et cultures asiatiques pour les autres, Singapour pourrait-elle être le lieu d’élection de la Cosmopolis ?
Plutôt Non. D’abord parce que le multiculturalisme de Singapour est un modèle de cohabitation initié par le haut, orchestré par les autorités. La cohabitation culturelle n’émerge pas de manière organique, elle est « fabriquée ». Dans le même ordre d’idée, la société est trop contrôlée pour permettre l’émergence d’un modèle spontané. D’ailleurs, ce multiculturalisme comme politique affichée n’est pas un idéal-type à Singapour, où en pratique la « culture » chinoise est dominante. Ensuite, Singapour ne peut pas en l’état incarner la Cosmopolis en raison de sa composition démographique « limitée ». En effet, Singapour est une Ville-Monde qui mélange les cultures asiatique et occidentale principalement, il lui manque en tout cas la présence de deux continents. Enfin, on a déjà eu l’occasion de le mentionner au long de cette réflexion, multiculturalisme et cosmopolitisme ne sont pas synonymes. Le multiculturalisme incite à conserver ses spécificités culturelles, le cosmopolitisme engendre la fusion. Dès lors, comment la nation singapourienne pourrait-elle fusionner alors que les racines de l’État lui-même sont multiculturelles, à savoir composées de cultures distinctes ? A Singapour, on a affaire à un cosmopolitisme économique et politique davantage que culturel, et les unions inter-ethniques ne sont pas légions.
Plutôt Oui. Si la Cosmopolis devait avoir un lieu de prédilection, ce serait forcément un lieu symbole de la mondialisation qui réu(ss)nit, dont Singapour est un parfait exemple. Ensuite, la kindness de la population, l’habitude de la tolérance et du respect entre communautés, l’habitude de mettre l’accent sur ce qui unit et transcende et non sur les différences apparaissent comme des bases idéales pour le vivre ensemble.
Consultations / Pour aller plus loin
Guides Un Grand Week-end à Singapour, Hachette
Guide Lonely Planet
« Singapour multiculturelle et multiethnique », Echappées Belles, France 5, octobre 2011
Avenir Suisse, Août 2014, brochure « Mutual inspiration »
http://singapour.blog.lemonde.fr/tag/multiculturalisme/
http://www.efswiss.ch/fr/ils/destinations/singapore/singapore/
http://www.quandpartir.com/meteo/singapour-idpaysglobal-95.html
http://www.guidevoyages.org/singapour-climat/#
http://issuu.com/elodie28/docs/singapour_les_50_glorieuses
http://singapour.blog.lemonde.fr/category/non-classe/histoire/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_d%27action_populaire
http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2015/03/22/mort-de-lee-kuan-yew-fondateur-de-la-cite-etat-de-singapour_4598886_3382.html
Nouvelles de Singapour, 2013, ouvrage collectif.
Singapour 365. A Retrospective on 2013
Ilo Ilo, by Anthony Chen,
Singapore : World City
Expositions
L’exposition du projet DiverseCity 2014, projet international qui consiste à rassembler les communautés à travers l’art et la culture,
Singapura 700 years, National Museum of Singapour, février 2015
Expositions GeoGraphic – Celebrating maps and their stories, National Library, février 2015
Exposition Artists build a Nation, Lasalle College of Arts, février 2015