HONG KONG. De l’autre côté du miroir…

Mai 2016

J’aurais à priori dû ne rien avoir à dire sur Hong Kong. Après tout, j’y étais en vacances…

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Oh ouiiiii !!!! Une escale en terre mondialisée sud-est-asiatique pour m’injecter ma dose d’adré !!!  Cette dose d’effervescence bienvenue quand on habite la quiet Switzerland et dont je l’avoue je peux difficilement me passer. Voler vers Hong Kong pour respirer, puiser, me gaver de l’énergie de cette cité, me perdre dans l’ultra-densité, retrouver un peu le bouillonnement qui manque tant dans ma contrée… Et j’ai été servie, tant ici la maxime « Plongée dans le Cosmo et oublie de l’Ego » prend sens…

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Et si j’y ai of course trouvé le foisonnement espéré, en bonus, à Hong Kong je me suis retrouvée de l’autre côté du miroir….

Car après avoir parcouru et tenter de déchiffrer nombre de Chinatowns ou autres Little Hong Kong lors de mes errances en Villes-Monde, me voilà en Chine pour la première fois !

Une première fois en Chine pas totalement dépaysée donc, puisque j’y ai retrouvé de vieilles connaissances…

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Les Chineses bakeries je connaissais déjà, les Dims Sums je connaissais déjà les gargotes cantonaises les temples et les herboristeries je connaissais déjà aussi. Tout comme j’avais déjà eu l’occasion d’assister aux gestes aériens de tai chi pratiqués dans les parcs tôt le matin. Enfin, j’étais quelque peu familiarisée avec la scénographie de la rue ou l’esthétique des commerces, et l’indéchiffrable calligraphie qui donne au tout un caractère exotique, même si je le rappelle je ne raffole pas du mot… Seulement le terme exotique évoque aussi l’inconnu, le mystérieux, et l’ensemble l’est forcément quand les mots sont intraduisibles. Enfin j’utiliserai le qualificatif comme synonyme de dépaysant, à l’instar de certains marchés qui vendent quelques espèces séchées aux pédigrées inconnus, ou de cette rue entièrement dévolue aux nids d’oiseaux pour répondre aux besoins de la médecine chinoise (http://www.discoverhongkong.com/fr/see-do/culture-heritage/living-culture/chinese-medicine.jsp).

Mystérieux, fascinant… Comme lorsqu’on se ballade à Hong Kong Island, dans ces rues étroites et pentues étouffées par des couches de bâtiments empilés qui se font des câlins, on a presque l’impression d’évoluer dans un décor de film. A Hong Kong y’a tellement de couches qu’on arrive plus à lire la ville. Je me suis souvent surprise à penser le bordel que ça serait si Hong Kong devait déménager !!! Aïe… Mais moi j’aiiiime le messy feeling ! Je m’y suis donc sentie parfaitement au diapason.

 

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Voilà, à Hong Kong je me suis donc retrouvée de l’autre côté du miroir à me gaver dans les Chinese bakeries (dont le contenu ça mérite de le souligner est parfois plus « occidentalisé » que celui de leurs homologues des terres occidentales) en même temps que j’ai découvert une langue et de nouvelles traditions et fait d’étonnantes expériences culinaires, bientôt rompue que je serai aux pattes de poulet. Mais j’ai surtout découvert une société à la mentalité complexe et subtile, ce qui m’a encore davantage donné envie d’apprendre le chinois pour peut-être avoir un jour la chance de pénétrer un peu plus l’univers de mes hôtes.

Cantonais vs Mandarin…

Me voilà dans une ville mondiale chinoise, en Chine donc, à faire connaissance avec des Chinois qui ne se sentent pas chinois. Des Chinois made in Hong Kong, re-chinois depuis 1997 et pour lesquels aux dires de mes jeunes interlocuteurs, la quête de la bonne formule identitaire est loin d’être achevée. Paraît qu’il ne se passe pas un jour sans que l’identité hongkongaise soit interrogée dans quelque média.

Des Hongkongais qui ne se sentent donc pas chinois (politiquement ? culturellement ?) et qui comptent pourtant parmi eux un grand nombre de « mainland Chinese » arrivés après la réunification ou issus de vagues migratoires précédentes, demeurés chinois culturellement et redevenus Chinois politiquement en 1997. Des jeunes Hongkongais m’ont parlé du « generation gap » entre la génération ayant immigré du temps de la domination britannique et ayant conservé racines et traditions fortes et la leur qui n’aspire qu’à être elle-même, sans être encore parvenue à définir précisément où se situer. Car ces jeunes Hongkongais, sans toutefois rejeter ce passé qui fait partie de leur Histoire, ne se sentent pas britanniques non plus. S’ils ne rejettent pas cet héritage, ils peuvent entretenir quelque rancœur à l’égard de cette Grande Bretagne qui s’est contenté de rendre l’enfant adoptif à une « biological mother » inconnue au lieu de les accompagner vers l’autonomie politique. N’allez pas croire que ce questionnement identitaire absorbe toutes les classes et toutes les générations. Apparemment, les parents issus de la lower middle class don’t care about leur identité politique.

La langue doit en tous les cas jouer un grand rôle dans l’identification. Alors que leur langue a toujours été le cantonais, voilà que les Hongkongais sont priés d’apprendre la langue chinoise officielle, le mandarin. La langue d’uniformisation, celle parlée par la rivale Shanghai. L’ultra-libérale Shanghai devenue Monde trop vite alors qu’Hong Kong déjà Monde devenait chinoise.

Quoi qu’il en soit, pour cette jeunesse middle class et éduquée il est « very common » de bouger, de faire une expérience à l’étranger. Ils maîtrisent l’anglais, sont cosmopolites et attirés par la démocratie et la culture occidentale. Ils adhèrent au mantra « we need more than one place ». Pour cette jeunesse cosmopolite, “Asia is not enough”. De retour dans leur cité ultra-libérale, cette jeunesse cosmopolite revient d’Europe avec des amis du monde entier et des idées parfois nettement moins… libérales… Contaminée par le trend idéologique « anti-business » d’un vieux continent européen qui s’est un peu figé. Motivés à importer quelques pistes pour croître dans la durabilité.

Hong Kong, paroxysme de la Ville mondiale

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Hong Kong, Concentration, Verticalité & Connectivité. Hub.

A Hong Kong les views from the tops sont très prisées. Pour ma part, après quelques escales au top, je suis vite redescendue. Moins attirée par les vues que par la rue. Par la verticalité que par la concentration.

Je crois bien qu’Hong Kong est la ville la plus dingue qu’il m’ait été donné de traverser !

Au fond j’ai le sentiment de n’être pas du tout venue dans cet organe poussé à plein régime par hasard, mais pour boucler la boucle des Villes mondiales dans un des cœurs battant le plus fort de la mondialisation. Le grand gag c’est qu’il paraît que la cité se soit passablement « vidée » ces dernières années ;-)… Ah bon ?! Oui, oui, qui peut comparer ferait le constat flagrant qu’on circule nettement mieux sur des trottoirs désormais plus aérés … On en douterait presque lorsqu’on s’immerge à Mangkok ou Central à l’heure de pointe !

Hong Kong. « Crowd everywhere, good & cheap food everywhere… »

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En me baladant dans ces rues plus si bondées donc, j’ai repensé à mon amie torontoise Liz (voir : http://leprojetcosmopolis.com/toronto-bienvenue-dans-cosmopolis-immersion/ ), partie de Hong Kong pour Toronto à l’âge de dix ans. Cette trentenaire vivant dans un quartier ultra branché de Toronto, et capable de me conseiller les meilleurs gargotes de Chinatown, alors mon quartier, m’avait présenté son autre ville comme une «  very exciting city  », avec de la «  very good et very cheap food everywhere, but tiny homes and lack of space  ». Une ville où elle me disait avoir plaisir à retourner mais dans laquelle elle ne pourrait jamais plus s’installer, «  too crowded  » pour elle !

Gentrification et exode

Du coup conséquence logique du mariage de la concentration et du libéralisme, la gentrification bat son plein. Et l’exode dû au mariage de celle-ci et de l’incertitude démocratique semble une réalité. Parfois compliqué pour les jeunes de projeter fonder foyer dans une telle exiguïté. La cherté des loyers étant inversement proportionnelle à la grandeur du foyer. Ajouté à un principe de concurrence poussé à son idéal-type qui conduit à un stress écrasant et à une pollution inquiétante, certains partent pour la Chine ou pour Taïwan. D’autres envisagent au terme de leurs études de rester en Occident où comme me l’a raconté amusée ma voisine d’avion, ils peuvent toujours ouvrir un bar à Dim Sums, trend grandissant, dans un monde où la folie de la frontière n’a d’égal que le goût pour les nourritures du monde ! Une voisine de retour d’un master à Leeds pas pressée de replonger dans cette course sans fin, ni particulièrement ravie de retrouver cette ville qu’elle m’a par ailleurs concédé sans réserve … comme effectivement idéale … pour les touristes ! Pour y passer, moins pour y habiter.

Alors pour que jeunesse cosmopolite et Hong Kong populaire ne soit pas évincés de la cité, on réfléchit à des pistes. Ainsi comme je l’ai appris en tombant sur une émission tv, on cherche des idées du côté de cette Singapour qui a toujours une longueur d’avance pour conjuguer concentration, popularité et modernité. Car ne l’oublions pas (ça mérite éventuellement d’être souligné), quand on vante le mariage particulier entre traditions et modernité des grandes villes d’Asie, traditions rimant souvent avec populaire, une ville trop gentrifiée finirait par devenir une ville carrément aseptisée…

 Densité naturelle à portée

DSC_5950 Lamma Island. Jungle, villages de pêcheurs, colonisation de hipsters

En fait, Hong Kong est un territoire aux contrastes saisissants, sur lequel s’appliquent plus d’une définition, pas besoin d’aller jusqu’à s’exiler pour respirer. Car dans cet archipel, à quelques minutes de bateau seulement, la nature reprend tous ses droits. Ainsi au terme d’une odyssée éclair de vingt minutes, je me suis retrouvée sur Lamma Island, une de ces îles interdites aux voitures, où tu peux sillonner à travers la jungle pour rejoindre deux villages de pêcheurs…

Sur Lamma Island, on est pêcheurs… mais on est un peu « green » aussi et puis un peu cosmo too.

Sur les traces du colon britannique

On dirait bien que la présence de la « communauté bio » sur les îles donne une idée de l’existence d’une nouvelle colonisation anglo-saxonne, … mais à côté de l’esprit ultra-libéral qui caractérise cette cité, que reste-t-il, qu’a-t-elle conservé de la colonisation britannique historique ?

Pour me faire une idée, après un solide English breakfast…

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Je suis partie en quête de traces de l’ancienne présence britannique sur Hong Kong Island, et jusque sur Queen Road ou Possession Street, il semblerait qu’elle se soit fortement diluée.

Si l’on croise bien au milieu de Central quelques bâtiments aux allures british cachés derrière la végétation et noyés dans l’océan de buildings du CBD, qu’on vient volontiers prendre le Afternoon Tea au Peninsula en mode attraction touristique, qu’on a conservé le goût des courses de chevaux ou des tramways…

… l’atmosphère de la Hong Kong colonisée, c’est du côté du History Museum et ses minutieuses et reconstitutions qu’on va la découvrir.

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Le colon anglais de l’empire (politique) colonial a donc été remplacé par le colon anglais du réseau (économique) mondial, et à Central bien plus qu’à Mongkok, on retrouve ce dernier dans les tours de bureaux ou agglutiné dans les bars de Central qui longent le grand escalator.

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Glocalismes

En fait, si l’Histoire a correspondu à l’importation d’une culture occidentale, le présent se caractérise par une culture mondiale revisitée… On appelle ce processus la glocalité.

Car si la vieille présence britannique s’est fortement diluée, la dernière colonisation occidentale, celle du CBD, est omniprésente. Et encore une fois et peut-être plus que jamais, celle-ci l’Asie a su la faire sienne, se l’approprier, la glocaliser, allant jusqu’à dépasser ceux qui l’avaient instituée.

Mais Hong Kong ne s’est pas limitée à glocaliser l’économie mondialisée. Et à Hong Kong le glocalisme ne se limite pas au fait que KFC ou Mac Do adaptent leurs menus aux palais locaux. Hong Kong a également su glocaliser la culture en parvenant encore, en tout cas pour l’instant, à faire cohabiter traditions avec ultra-modernité.  Et à Hong Kong le glocalisme ne se limite pas à la cohabitation. Car ici on découvre aussi une culture chinoise extrêmement vivante mais néanmoins métissée aux influences de la culture « globale ». Glocalisme des époques et des saveurs donc. Enfin dans glocalisme, il y a « compromis ». Ainsi de celui que va à priori faire un État chinois « communiste » jusqu’en 2047 avec le statut spécial de sa fille fraîchement retrouvée. Compromis que cet État communiste fait du reste aussi avec ses autres fleurons de l’économie mondialisée. Ce mariage entre État ultra-fort et ultra-libéralisme est synonyme de compromis dans un esprit occidental. Ici on l’associerait plus volontiers avec la recherche d’un équilibre entre le Yin et le Yan…

Reste que le mariage du libéralisme économique et de la disparition progressive et annoncée du libéralisme politique semble tangent, à en croire cette jeunesse qui lorgne vers d’autres horizons et qui cherche à conserver ses acquis à coups de parapluies….

Ville mondiale vs Ville-Monde

Donc Hong Kong est le lieu du glocalisme assumé, des appropriations réussies, de la rencontre de deux mondes. L’autre côté du miroir. Le lieu originel de la rencontre entre l’Est et l’Ouest. Le lieu de la Little Britain avant les Little Hong Kong de l’autre côté. Un lieu au passé colonial avec l’identité hybride qui en a résulté.

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De par sa place dans la mondialisation, on pourrait supposer que cette cité ne devrait pas se limiter à cette rencontre-là, non ? Alors, Hong Kong, ville de toutes les cohabitations ? Rencontre de tous les mondes ?

En fait non. Hong Kong ville mondiale indubitablement. Mais Ville-Monde certainement pas. Avec 95% de sa population qui est chinoise, on aurait de la peine à affirmer qu’Hong Kong est une ville de minorités majoritaires, mais bien la cité d’une écrasante majorité. Si cultuellement oui, à première vue démographiquement elle ne s’avère ni multiculturelle ni métissée. Bien sûr que le cosmopolitisme mondialisé saute aux yeux aux abords de Central. Mais un multiculturalisme qui se limite au mode de vie cosmopolite ça reste un peu limité. Multi-culturalisme intracivilisationnel et cosmopolitisme anglo-saxon certes, mais rien à voir avec la multiculturelle Singapour.

En fait à Hong Kong je réalise encore plus la richesse des lieux de toutes les convergences. A quel point l’Europe devrait plutôt s’en vanter et en jouir. En ce qui me concerne, je ne me lasse d’être étonnée, comme il y a quelques jours quand j’ai remarqué qu’une épicerie chinoise avait ouvert à côté d’une érythréenne et à deux pas d’une égyptienne dans le quartier Monde de ma cité. Quelle époque, quel monde fascinant et stimulant.

Immigration

A Hong Kong il existe bien un phénomène qu’on semble avoir oublié de glocaliser, se contentant de l’importer tel quel…. J’ai découvert qu’ici aussi on est obsédés par la circulation des autres. Hong Kong n’échappe donc pas au paradoxe contemporain : chercher la sortie et fermer l’entrée !

Ainsi à la télé la question des réfugiés occupe une grande place dans l’actualité, à une fréquence qui ferait presque croire qu’on se trouve en Europe l’été dernier.

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Du coup, j’aurais dû ne pas être étonnée lorsqu’un commerçant me lance comme entrée en matière, entre affolement et compassion, « Oh Switzerland, all this refugees in Switzerland… ». Si si, il a vu à la télé l’immense problème en Europe et aussi en Suisse, avec tous ces gens s’y ruant par centaines de milliers depuis la Grèce ou l’Italie !… Ca semble le préoccuper, je l’interroge alors sur Hong Kong. Chez eux non pas de réfugiés mais des « illegal immigrants » venant du Pakistan, d’Indonésie, etc. pour l’argent.

Cependant j’ai entendu l’autre jour que la Chine, qui n’a pas vraiment la réputation d’être une terre d’accueil, était au top avec l’Allemagne dans l’accueil des réfugiés syriens. Quant à Hong Kong, avec le vieillissement de la population, il semble bien qu’on devrait se diriger nécessairement vers une politique d’ouverture assouplie.

C’est en tous les cas ce que je souhaite à mon amie taïwanaise Line, qui, alors qu’une partie de la jeunesse hongkongaise lorgne sur Taïwan, est elle venue rejoindre un fiancé très attaché à Hong Kong, où elle vit pour l’instant illégalement. Afin de pouvoir subvenir à ses besoins sans papiers, elle donne donc des cours de chinois (mandarin) aux Hongkongais qui parlent cantonais… Au risque de me répéter,… quel monde fascinant !

Made in Hong Kong 😉 ?

Petit shopping à Hong Kong...

Épilogue

J’aurais pu ne rien avoir à dire sur Hong Kong. Oui mais voilà, j’ai toujours follement envie de partager ! Envie de parler de mondialisation, de cohabitation, d’identités, de glocalisation. Pis je suis follement heureuse d’avoir eu la chance de re-voyager. De m’évader de ce localisme dans lequel je m’étais ces derniers mois trop ancrée.

En tous cas, Hong Kong a tenu toutes ses promesses. J’ai fait le plein d’énergie et retrouvé mes sensations, celles de mes errances en Villes-Monde, ces cités qui n’ont pas fini de m’enchanter. Et je suis rentrée absolument pas reposée mais pleinement revigorée. Pleine et vidée. Bon là je dois déjà retourner travailler mais me réjouis de vous retrouver tout bientôt dans un autre lieu stimulant ! See you soon, don’t know where Hong-Kong1

LE PROJET COSMOPOLIS

 Liens

http://www.revue21.fr/tous_les_numeros#n-35_hong-kong-lauberge-asiatique

 

 

À propos de l'auteur: CeceT

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