Les Mots : mondialisation, réseaux, connectivité, accessibilité, concentration, interactions, mythe, invention, glocal, espaces, territoires, pratiques, représentations, revendications, imaginaires, négociations, paysage palimpseste, mémoire, théâtre, possibilités, identités, paysages urbains, brassages, uniformité, diversité, ségrégation spatiale, gentrification, exclusion, créativité, opportunités, défis, fièvre, exaltation, émotions, émancipation, transition, Archipel mégapolitain mondial, transnation, Cosmopolis, communautés, société, cohabitation, langue, espace public, enclaves ethniques, citoyenneté urbaine, …

Terminus de la première partie du voyage

Voilà, nous voilà enfin arrivés en ville mondiale, escale qui marque la fin de la première partie de notre voyage.

Mondialisation ⇒ Mobilité ⇒ Identités ⇒ Réseaux ⇒ Villes Mondiales

Mondialisations – Colonisations ⇒ Villes mondiales

Souvenez-vous de nos deux schémas. Le premier partait de l’hypothèse que la mondialisation avait mis la  planète en mouvement, que ce mouvement généralisé avait redéfini les identités et consacré les réseaux, réseaux qui allaient à leur tour modifier nos espaces, en prenant pour capitales, en s’incarnant dans les villes mondiales. Le deuxième schéma montrait que toutes les phases de mondialisation avaient eu pour résultat l’interdépendance généralisée des lieux et des hommes, des hommes partis se rejoindre et se confondre dans les villes mondiales. La ville mondiale, c’est donc la convergence des deux schémas, l’aboutissement du processus de mondialisation, la convergence de tous les flux.

Carrefour du commerce mondial, point d’ancrage des réseaux, capitale de l’accélération du monde, création et terminus du monde mobile, espace de diversité, lieu où tout se confond et tout s’explique, ce chapitre consacré aux différentes facettes de la Ville-Monde a la lourde tâche de synthétiser toutes les notions abordées jusqu’ici. Mais il se veut aussi un éloge à la Ville-Monde, ce lieu fascinant de tous les possibles.

La Ville-Monde, Un Mythe

Mythiques et mystiques, les Villes-Monde nous évoquent ce vieux mythe de la Tour de Babel, défi lancé à Dieu sous la forme de la construction d’une Tour-Monde, œuvre des hommes qui rassemblés peuvent s’élever dans le ciel.

« Toute la terre avait un seul langage et un seul parler. Or il advint, quand les hommes partirent de l’Orient, qu’ils rencontrèrent une plaine au pays de Shinear et y demeurèrent. Ils se dirent l’un à l’autre : « Allons ! Briquetons des briques et flambons-les à la flambée ! » La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. Puis ils dirent « Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour, dont la tête soit dans les cieux et faisons-nous un nom, pour que nous ne soyons pas dispersés sur la surface de toute la terre ! » Iahvé descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils de l’homme, et Iahvé dit : « Voici qu’eux tous forment un seul peuple et ont un seul langage. S’ils commencent à faire cela, rien désormais ne leur sera impossible de tout ce qu’ils décideront de faire. Allons ! Descendons et ici même confondons leur langage, en sorte qu’ils ne comprennent plus le langage les uns des autres. » Puis Iahvé les dispersa de là sur la surface de toute la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. C’est pourquoi on l’appela du nom de Babel. » (Genève, XI, 1-9)

Ainsi Dieu punit les hommes pour leur arrogance. Il les dispersa, confondit leurs langues, et rendit leur compréhension impossible. Mais c’était sans compter sur les hommes, qui au terme de nombreux siècles d’échanges commerciaux et de curiosité mutuelle sont parvenus à reconstruire non pas une, mais monde multicentrique oblige, une myriade de Villes-Monde aux quatre coins de la planète. Dans ces nouvelles Babel, on retrouve les mêmes éléments, verticalité et rassemblement. On s’élève ensemble.

Mythiques et mystiques, ces nouvelles Babel fascinent, nourrissent tous les fantasmes. Elles traduisent l’attraction indéfectible de l’homme vers l’autre. Ces Babel consacrent la rencontre de tous les Autres, la concentration de tous les Ailleurs.

Cependant, les hommes, trop longtemps séparés ou réunis pour le pire, tentent aujourd’hui de mettre au point la bonne recette de la cohabitation. Devenus peuples aux langues et cultures multiples, ils cherchent désormais un compromis entre langue unique et conservation de toutes les langues nées du geste de Dieu, entre culture universelle et particularismes.

Le monde se situe à un tournant, celui de trancher sur cette question essentielle : la confusion et la dispersion décidée par Dieu était-elle une malédiction ou une bénédiction ?

A l’heure de la bataille des cultures, si les peuples en sont encore à se disputer pour revendiquer l’héritage de la mythique langue originelle, ce qu’on retiendra plutôt, c’est l’universalisme de cette histoire. Il était une fois des peuples tous liés par la même langue et engagés dans un projet commun…

L’irrépressible exode rural mondial nous signifie qu’aujourd’hui encore, le souffle de Babel semble plus puissant que les rancœurs. Et sans doute que les hommes ne s’y trompent pas, car la Ville-Monde assumée c’est une ville située « entre Dieu et les hommes », une «  alternative au sacré » (Jacques Lévy, « Cité terrestre, la ville comme alternative au sacré » 357-364)

La Ville-Monde. Un Voyage

La Ville-Monde offre une véritable expérience sensorielle. Régal des sens. Usine à sensations et émotions. Depuis la vitre d’un taxi ou sur le quai d’un métro, dans les allées d’un marché ou le temps d’une marche improvisée, au coin de chaque rue l’intérêt est attisé, la curiosité piquée, les sens en éveil. L’expérience la plus anodine est toujours l’occasion d’une rencontre, de rencontres impromptues avec la ville révélée, avec ses acteurs. La ville est vibrante, offre des découvertes infinies dans un étonnement toujours renouvelé. Saveurs, odeurs, goûts, parfums, matières, vitesse, agitation, stimulation, activité. Vous pouvez rentrer dans la danse. Vous pouvez vous fondre dans la ville, jusqu’à y disparaître.

La Ville-Monde est une rêverie, un voyage, un espace inépuisable d’observations et d’expériences, une frénésie, une expérience de décentrement dans le mouvement constant. Gigantesque théâtre à ciel ouvert, dans lequel chaque espace, de la rue à la place, du parc au quartier, joue sa scène. La Ville-Monde pour s’oublier. Plongée dans le Cosmo et oublie de l’Ego.

Malgré son frénétisme et ses sollicitations permanentes, la Ville-Monde n’est pas synonyme d’agression constante. Entre les poches d’effervescence se nichent des oasis de retrait.

La Ville-Monde et ses multiples univers, ses ambiances, c’est la promesse de voyages low-cost. On peut voyager dans sa ville. Voyager sans partir. On retrouve le monde dans la ville. La Ville-Monde est un concentré de cultures, de manières d’être au monde, de manifestations créatives. Peut-être qu’aujourd’hui explorer le monde, c’est d’abord explorer nos villes. Sources inépuisables de découvertes, lieux qu’on croit connaître mais qu’on connaît si peu. Les citadins-voyageurs, habitants ou visiteurs, sont les nouveaux explorateurs. Alors que certains s’évertuent à faire le tour du globe à la recherche d’hypothétiques terres vierges, les vraies découvertes se situent désormais sous nos yeux. Pour autant qu’on accepte de sortir des sentiers battus et des terrains balisés de la ville zéro-risque, de notre zone de confort. De se perdre dans la Ville-Monde. On peut dès lors élargir notre horizon, nos horizons, au-delà du réseau de lieux et de quartiers auxquels on s’assigne trop souvent. A la découverte de tous ces lieux dans lesquels on ne se rend jamais, des mondes parallèles qui s’ignorent trop souvent. Potentiel immense de rencontres trop souvent inexploité. Vie-évasion élargissant l’espace géographique de notre quotidienneté. Traverser les cloisons invisibles pour élargir son espace de vie, sa carte mentale. Pour cela, il suffit de se balader, encore et encore, sentir, comprendre, aller voir et élargir ses perceptions. Il faut regarder sa ville, parcourir sa ville, comprendre sa ville, aimer sa ville, se laisser surprendre par sa ville.

La Ville-Monde. Laboratoire, Miroir, Mémoire

La Ville-Monde est un véritable laboratoire, champ d’exploration des possibles, où tout peut s’inventer et se réinventer. Lieu où peuvent prendre corps tous les mythes. Berceau et creuset de toutes les utopies. Espace du fabriqué, de l’artificiel, de la création, espace authentique.

Laboratoire aussi dans lequel peuvent être testés tous les modèles de cohabitation et d’idéologie. Mission de la Ville-Monde : montrer la voie du réunir sans diviser, de l’unité dans la diversité. Elle doit organiser son espace afin de permettre au monde de s’exprimer, de se différencier, tout en créant des principes et des espaces d’unité. Elle doit réussir là où l’État-Nation a jusqu’ici échoué, et l’inspirer. Par sa plasticité et son échelle, elle peut faire preuve d’une grande réactivité et tester de nouveaux modèles de vivre ensemble.

Processus dynamique en constante évolution, miroir des tendances à l’œuvre globalement, la Ville-Monde change sans cesse de visage en fonction des problématiques en vogue. A l’ère de la financiarisation du monde correspond la démultiplication des quartiers d’affaires. Lorsque la diversité devient une valeur positive, voilà que les quartiers ethniques se multiplient. Débarque le développement durable comme nouvelle préoccupation mondiale, sans attendre, la Ville-Monde devient ville durable, et se mue en « Green & Organic City ». La démocratie se veut désormais participative, et hop, le citoyen urbain est amené à se prononcer sur les métamorphoses de son espace. Pouls du monde et de l’actualité aussi, les tensions géopolitiques ou communautaires se répercutent instantanément sur son sol. Luttes contemporaines et nouvelles vagues se lisent dans la juxtaposition et la recomposition des quartiers, dans tous les éléments qui donnent sens et épaisseur à l’espace. Pour comprendre le monde, il suffit d’observer cet espace urbain en constante redéfinition, ses murs, ses enseignes, ses parcs, ses dernières tendances architecturales. Toutes les transformations politiques, économiques, technologiques, culturelles, sociales se lisent dans les Villes-Monde. Quelle sera la prochaine mutation : ville humaniste ? ville de l’habitant citoyen cosmopolite ?

Les multiples couches du paysage urbain représentent l’histoire, la mémoire de la Ville-Monde. Non rassasiée de se faire l’écho des vibrations du présent et d’assumer un rôle divinatoire, la Ville-Monde fonctionne aussi comme centre d’archives. Véritable paysage palimpseste, les murs de la Ville constituent sa mémoire, invitent à un voyage dans l’Histoire.

La ville conserve en ses murs, son agencement, ses hauts-lieux, ses marqueurs, la somme de tous les imaginaires, toutes les représentations, toutes les cultures, toutes les idéologies qui l’ont forgée. Se sont concrétisés sur son sol. Y ont laissé des traces. Elle garde en mémoire des échantillons de chaque époque. Propose une exposition de différents types de mondes construits par différents types de sociétés. Ses multiples couches s’effeuillent comme les pages d’un livre d’Histoire. Un bout d’histoire de l’humanité.

Dessine-moi une Ville-Monde post-moderne…

Depuis le début de cette réflexion, on a passé notre temps à affirmer que le monde était désormais post-moderne, et que ce monde post-moderne s’incarnait dans la Ville-Monde. Alors à quoi ressemble cette ville post-moderne ? Insaisissable, on ne dessine pas la ville post-moderne, parce que ce qui importe dans cette ville, ce sont moins les structures que les processus, la dynamique, le mouvement. Ainsi, dans les années 1950, le géographe et urbaniste américain Edward Soja va tenter de fournir les clés de compréhension de la ville post-moderne, en proposant une typologie de processus simultanés à l’œuvre dans la ville archétypale de Los Angeles. Los Angeles, l’ex-centrique, l’éclatée, passa au milieu du siècle dernier du statut de contre-exemple de la ville moderne, à celui de nouveau paradigme explicatif de la ville post-moderne.

D’après Edward Soja et ses collègues de l’École de Los Angeles, la ville post-moderne se présente comme l’imbrication de six processus, six formes de villes différentes. On a d’abord « Flexcity », la ville postfordiste, post-industrielle, du nouveau fonctionnement de l’économie flexible, avec ses multiples technopôles. Ensuite la fameuse « Cosmopolis »,  ville mondialisée de la finance internationale et ses centres d’affaires, ville des flux de travailleurs migrants, de la diversité, d’une nouvelle culture urbaine cosmopolite. « Exopolis », elle c’est la ville décentralisée, autour de laquelle émergent de nouvelles villes périphériques relativement autonomes. Vient encore « Splintered labyrinth », cité fractale, ville fragmentée, ville aux multipolarités, constituée de réseaux de lieux dispersés et complémentaires. « Undending eyes » ou « Eyes City », qui représente la cité carcérale à dimension sécuritaire, ville de la surveillance, des barricades et des ghettos. Enfin « Simcity », ville de l’artificialité, de la simulation, de la « disneylandisation » et de la création d’ambiances dans la ville. Donc si on résume, la ville post-moderne est à la fois la ville de la recherche, de la finance et de la diversité. Une ville fragmentée, éclatée, multicentrique, sous surveillance et artificielle. (Source : Allen J. Scott, Edward W. Soja, The City, Los Angeles and Urban Theory at the End of the Twentieth Century, 1998)

Après le défi à Dieu, le défi à l’État

Avez-vous déjà entendu ce genre de phrases « You’ve been only in New York ? So you don’t know anything about USA ! » « Istanbul ? Ca n’a rien n’à voir avec la Turquie ! », ou encore « Ouais mais Genève tu peux pas comparer, c’est pas vraiment la Suisse ». La ville mondiale est un monde en soi, un territoire urbain un peu déconnecté de son territoire national, à la fois dans et hors de son pays. Centres des réseaux de l’économie mondiale, les villes mondiales ont tendance à vouloir s’affranchir d’États dont elles sont parfois même les capitales, ce qui accentue encore la confusion des genres. Dans ce cas, centre de commandement politique et centres économique et financier se confondent. Pouvoir économique parallèle ou pouvoir économique intégré, les relations entre les villes mondiales et leurs États dépendent de la façon dont le pouvoir politique envisage son rapport à l’économie globalisée.

« Les villes sont actuellement si importantes dans l’organisation des territoires, de l’économie et de la société dans les États-nations du monde qu’elles sont devenues non seulement le lieu des changements, mais aussi la source et les architectes du changement. Aujourd’hui, ce sont les villes qui définissent les pays plutôt que le contraire. » (« Le processus d’urbanisation crée-t-il de nouvelles divisions urbaines ? L’exemple du Canada » Larry S. Bourne, 132)

Les choses se compliquent cependant lorsque les villes décident de créer leur propre carte du monde, carte où l’Archipel Mégapolitain Mondial, un réseau, se substitue aux territoires des entités géopolitiques. Dès lors, le poids économique écrasant de ce réseau en fait un potentiel échelon de gouvernance concurrent aux États. Mais les États n’ont pas dit leur dernier mot, et depuis quelques années, on dirait qu’ils reprennent la main en menant une riposte contre la finance globalisée, remettant du même coup un peu les villes à leur place. Sauf que le monde du réseau trouve encore des parades. Il se trouve toujours une île perdue de l’Archipel… Du reste, les États se trouvent dans une position délicate, car même si elles se plaisent à leur échapper, les firmes transnationales présentes dans les villes monde représentent aussi des poids lourds pour leurs économies.

En fait peut-être que les États devraient se méfier des villes mondiales. L’Histoire a prouvé que les villes sont non seulement les berceaux des anti-hégémonies, mais qu’elles survivent aux Empires. La ville mondiale c’est la consécration de la ville des marchands, une ville qui a dû lutter pour se développer face aux pouvoirs politiques hégémoniques. En fait, si on remonte un peu le temps, on peut faire une analogie entre notre Ville-Monde post-moderne et la ville prémoderne, qui fonctionnait déjà en réseaux, et tirait déjà sa force de sa multiculturalité. « La ville multi-culturelle – en Europe orientale, en Afrique du Nord, en Asie, etc. – fondait son économie sur la diversité de ses cultures, qui étaient d’ailleurs à son tour une conséquence de son rayonnement économique et culturel. (…) Plus la ville était culturellement variée, plus elle pouvait s’adapter aux mutations économiques. » (Georges Prevelakis, 1997, 2). Les Empires, contrairement aux États, n’étaient pas forcément homogénéisant. C’est la modernité occidentale, l’ère industrielle et l’affirmation des États-Nations qui a signé l’éclatement des cités multiculturelles et de leur organisation. L’ère post-moderne marque le retour en force des villes organisées sous forme de réseaux, et donne un avantage aux acteurs transnationaux, parfaitement adaptés à la mondialisation.

Si les villes mondiales participent à l’affaiblissement de l’échelle nationale, c’est aussi parce qu’elles jouent pleinement le « jeu de la glocalité », à savoir un jeu de la mondialisation qui consiste à faire communiquer en direct ville et monde, laissant un peu de côté l’État. Filles de la mondialisation, les villes mondiales se distancient de l’idéologie stato nationale et de son organisation territoriale. Si elles sont loin de faire sécession, force est de constater qu’intérêts et besoins des villes et intérêts et besoin des États peuvent entrer en contradiction. Mais des compromis sont possibles, et la ville peut aussi servir à soulager l’État, lorsque ce dernier accepte de lâcher un peu de lest. Notamment en opérant un réagencement interne des formes de gouvernance, et en décentralisant les tâches.

Citoyenneté urbaine ?

État et marché mondial ne devraient-ils pas parvenir à un accord ? L’État pourrait offrir son propre terrain de jeu à la mondialisation, pour éviter que celle-ci, pour répondre à ses besoins, défie son partenaire au cœur-même de son appareil de pouvoir. Lorsque les deux mondes se font face, ils accentuant les paradoxes et les ambiguïtés de notre monde mondialisé. Comment s’accorder avec un monde mobile, qui en se nourrissant des flux du monde vient narguer leurs principes de citoyenneté, de valeurs, de frontières, au cœur même des institutions étatiques ?

Parfois, les prérogatives étatiques sur le territoire urbain ne permettent pas de répondre aux problématiques spécifiques de l’économie et de la ville mondiale. En témoignent par exemple tous ces travailleurs relégués à la marge, à la clandestinité, alors même qu’ils participent à l’économie, et qui nous amènent à nous interroger sur une éventuelle nécessité d’ajouter un nouvel échelon de citoyenneté dans ce monde transnational. Une partie des habitants de la ville mondiale se voit condamnés à l’ombre parce que leur passage n’est pas régularisé au niveau national. Rejetés par la géopolitique, devraient-ils l’être également par la mondialisation alors qu’ils en constituent une force de travail ? De plus, nombre d’urbains mondialisés développent avant tout un sentiment d’appartenance à leur ville d’élection, la ville mondiale constituant leur espace de référence. Ne devrait-on pas reconnaître des droits à tous les citoyens urbains, indépendamment de leur nationalité ? Aller vers une démocratie qui repenserait la citoyenneté au niveau local ?

C’est en tout cas ce que préconise la Charte européenne des Droits de l’Homme dans la Ville. La question de l’appartenance à la ville est une « Question nationale d’abord qui se joue autour du débat public sur l’immigration et l’intégration, la présence et le statut de l’étranger. La Charte des droits de l’homme dans la ville (…) congédie ces catégories au profit de celle d’une appartenance multinationale, d’un cosmopolitisme assumé de la citoyenneté urbaine » (Alain Bertho, 2005). En liant le local et le global, la Ville-Monde créée des identités locales et transnationales et des communautés locales et transnationales. Reste à développer une citoyenneté qui soit elle aussi locale et transnationale.

La Cosmopolis

« Diverse-City » « Gateway City », ville portail, porte d’entrée des pays et du Monde, la ville mondiale c’est le carrefour de l’humanité, le lieu d’élection de la Cosmopolis. Microcosme de l’humanité, la diversité est consubstantielle à l’identité-même de la Ville-Monde. Diversité des modes de vie, des statuts, diversités intra-nationales, diversités extra-nationales, diversités linguistiques et religieuses. La Ville-Monde est par essence cosmopolite. Car pour faire une ville monde, il faut à la fois des flux de capitaux et des flux de personnes. Les cultures font autant partie du paysage urbain que les centres d’affaires. L’union de la ville et des communautés transnationales est par ailleurs très ancienne, les villes ont été historiquement le lieu d’élection des diasporas. Filles du réseau et gagnantes de la mondialisation, populations mobiles et villes mondiales sont inséparables l’une de l’autre.

Espace de toutes les opportunités, la ville mondiale attire de plus en plus d’hommes venus de nombreux ailleurs ou des périphéries. Les mobiles revendiquent le droit à la Ville-Monde. Ils ne veulent plus quitter une périphérie pour être reléguée dans une autre, mais entrer de la danse mondiale. On trouve le Monde dans la Cosmopolis, qui attire un large spectre de différents types de populations mobiles. Expatriés dévolus aux tours de verre, migrants économiques, dévolus ou pas à l’enclave ethnique, auxquels se joint un troisième monde, celui des migrants clandestins, dévolus eux à inventer leurs propres stratégies. S’y pressent ces nationaux qui obéissent à la règle des deux maisons. Autant de territoires parallèles, autant de territorialités singulières, qui s’ignorent souvent, se croisent au quotidien dans le sacro-saint espace public. De tous statuts et de toutes provenances géographiques, la composition démographique de la Cosmopolis est infiniment complexe. Ses résidents s’emploient en permanence à transformer ses rues, ses quartiers, ses centres et ses marges.

Paradoxe, la Ville-Monde dont on dit qu’elle n’est pas forcément représentative de son pays, en abrite une part de la population toujours plus importante. J’appelle ça le jeu des deux maisons. La Ville-Monde crée des disparités sur le territoire national, de nouvelles marges. Mais la règle des deux maisons rend centre et périphéries complémentaires. En sus d’intégrer les ailleurs, la Ville-Monde apparaît donc aussi comme un concentré des diversités nationales.

La Ville-Monde se nourrit de la synergie des savoir-faire. Confluence des forces vives, dans la ville mondiale la diversité n’est pas un problème mais un atout, une essence, un moteur. En ville mondiale, le migrant devient le cosmopolite. La Ville-Monde signe le règne des minorités. Le slogan, le mantra, le projet de la ville post-moderne c’est d’être tous minoritaires.

Dynamique, vibrante, inventive, excitante, la ville mondiale valorise la différence et l’originalité, elle est le lieu de toutes les différences, pas uniquement ethniques. C’est le lieu du droit à la différence et à l’indifférence. Du croisement des destinées et de la réorientation des destins. Ville de l’espoir, du passage, du rêve, de toutes les innovations. Lieu de toutes les recompositions identitaires, elle offre une multitude d’identités possibles. On y parle toutes les langues du monde, mais on peut aussi y enfiler tous les costumes. Multiplier les appartenances, les activités, les styles de vie. Confusion du Monde, confusion des mondes.

Cette diversité culturelle se devine, se met en scène ou se célèbre dans tout l’espace urbain. Sa visibilité augmente à mesure que la concentration et la diversité des hommes augmentent. La Ville-Monde se fait l’écho de centaines de langues, musiques, danses, cuisines, styles vestimentaires, cultes, célébrations, manifestations, territorialités.

Culture urbaine

Au-delà de toutes leurs différences, les résidents de Cosmopolis ont en partage une culture de la ville mondiale, une mentalité, une façon d’être au monde. Ils s’affirment entre autres comme des partisans de la fluidité, des amateurs du réseau. Idéologiquement, ils soutiennent les processus de régulations à l’échelle mondiale, le principe d’une gouvernance et d’une citoyenneté urbaine. « Glocaux », ils incarnent un monde aux frontières redéfinies. Leurs opinions divergent souvent de celles de leurs concitoyens nationaux, comme en témoignent les résultats de certains référendums.

Communauté urbaine ?

La diversité, valeur urbaine positive, se donne à voir dans l’espace, sous forme de patries portatives ou de petites patries. Mais entre revendications culturelles et modes d’appropriations spatiaux divergents, la diversité peut aussi se révéler source de tensions dans ces lieux d’intense concentration où les interactions sont maximisées. Identités et espace public sont au cœur des débats, et la gestion de l’espace public constitue  un enjeu majeur de la Ville-Monde, qui doit trouver la bonne formule. Un espace public trop contrôlé, canalisé, sécurisé, c’est la Ville-Monde bridée, empêchée de s’exprimer dans son essence-même. C’est la Ville-Monde niée. En fait, qui dit cohabitation dit négociations constantes, apprentissage de l’autre, de l’altérité, et temps des influences réciproques. La cohabitation s’apprend par apprivoisement, à travers l’expérience de la mixité. Miser sur une division de l’espace et des hommes et sur le tout sécuritaire a donc toutes les chances d’échouer.

Mais l’harmonie de la Ville-Monde dépend aussi de la capacité de ses citoyens à se penser, s’incarner en tant que « communauté imaginée » (Benedict Anderson). Dépend de la façon dont les multiples communautés locales et transnationales parviennent à développer ensemble une société à la fois locale et transnationale. Si elle ne parvient pas à créer cette identité collective, cet imaginaire partagé, alors dysfonctionnements, ruptures et chaos menacent. Les tensions sont souvent attribuées au choc des cultures ou des religions, à la difficile entente des peuples, alors qu’elles sont plus souvent liées à des questions de bien-être économique, d’espace de vie, de qualité de vie. A la relégation et à la pauvreté. Elles sont également tributaires du discours de l’État, de son positionnement face à la diversité. Une ligne qui fluctue, une position peu claire ou inconstante accentue les divisions intercommunautaires.

A côté d’une culture de la ville mondiale, d’un partage de valeurs communes, ce qui contribue certainement le plus à créer une identité urbaine collective, c’est le fait de partager un espace de quotidienneté. Un espace en commun implique problématiques et intérêts communs.

La plupart des cosmopolites transnationaux s’identifient à la ville mais restent liés dans le même temps à un ailleurs. L’échelon d’appartenance qui fait plus souvent défaut, c’est l’échelon national. Être citoyen urbain de la Ville-Monde ne signifie pas forcément, voire de moins en moins, être intégré à l’État-Nation qui l’abrite.

« Chaosmopolis »

Il y a une différence entre la ville globale fonctionnelle, qui abrite avant tout un échantillon de sièges de firmes transnationales, et la Ville-Monde, qui abrite en sus un échantillon du Monde, et qui met en avant son caractère cosmopolite dans son identité et dans son image.

Pour Verena Andermatt Conley (Chaosmopolis, 2002), alors que la « Global City » est homogénéisante, purement fonctionnelle, dominée par la logique de marché, la Cosmopolis c’est l’idée d’accueil, d’empathie, de transformation mutuelle, de responsabilité, de tolérance. C’est la possibilité d’affirmer ses différences de manière positive. Dans la Cosmopolis, l’accent est porté sur les droits de tous. Pour l’auteur, la Cosmopolis c’est le contraire de l’ordre et de l’harmonie, c’est un espace instable en constante transformation. Pour en avoir une meilleure vision, il faut substituer le concept de « Chaosmopolis » de Félix Guattari à l’idée de cosmos d’Emmanuel Kant.

En reprenant les travaux de Kristeva et Derrida, Verena Andermatt Conley montre que la Cosmopolis comme projet politique et culturel est mieux à même d’être réalisé dans les villes européennes, en raison de leur longue tradition d’accueil, de participation des citoyens, mais aussi grâce à leur héritage philosophique, culturel, politique, et leur État de droit. Le développement de la Cosmopolis rencontrerait davantage d’obstacles dans des villes éclatées comme Los Angeles, où les barrières spatiales créent des espaces d’exclusion. De même que dans les métropoles postcoloniales, qui sont avant tout des villes de méga-Malls et de centres financiers, à l’image de Singapour. Compliqué aussi de réaliser la Cosmopolis dans les nouvelles villes mondiales, lieux de différences exacerbées et de développements différenciés. Malaisé enfin dans ces nouvelles villes mondiales où la coexistence de la tradition et de la modernité produit des tensions.

C’est donc paradoxalement dans des espaces « pleins », les espaces investis des villes européennes qu’on serait le mieux à même de réaliser le Projet Cosmopolis, contrairement à la vision que je me faisais d’un espace vierge pour accueillir ce rêve cosmopolite, cet échantillon de société mondiale.

Post-Modernité et néo-Tradition. Société et Communauté

« La ville est le tombeau de toutes les communautés et le terreau de la société des individus » (Norbert Elias)

Telle était le mantra de la ville moderne, qui concrétisait le projet des Lumières, en créant la ville de l’individu libéré, débarrassé des appartenances communautaires. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. On ne gagne plus forcément la ville pour se libérer de la communauté. Car comme on l’a vu, le monde post-moderne signe le réinvestissement des identités culturelles et le retour des communautés. Aujourd’hui, on irait plutôt en ville mondiale pour se débarrasser de nos appartenances nationales, pour être ensemble, échanger, commercer sans toutes ces barrières politiques. Quoi qu’il en soit, la ville postmoderne doit permettre de concilier besoin de communauté et envie de faire société, besoin de solidarité et envie d’émancipation.

Pour construire son identité, la ville mondiale ne suffit pas. Les hommes ont besoin d’un lieu complément, de racines ailleurs. On ne vient pas en ville mondiale pour s’enraciner. Pour les extra-nationaux, l’identité urbaine cosmopolite est complétée par l’identité du pays périphérique, le pays quitté. Pour les nationaux aux deux maisons, l’identité urbaine fluide a besoin de l’identité-terroir ancrage. En somme, la triade identitaire « ici, là-bas, ailleurs », fonctionne pour tous les habitants de Babel, qu’on vienne de la banlieue proche ou d’un pays lointain. Le « là-bas » n’est pas le pré carré des diasporas.

Si les individus post-modernes ont besoin de conjuguer modernité et tradition, ils ont aussi besoin de lieux qui le leur permettent. Ceci, les villes mondiales, espaces de compromis, l’ont bien compris, en offrant la possibilité aux communautés extra-nationales de s’approprier des territoires pour y recréer leur lieu d’origine. Quant aux migrants intra-nationaux, ils peuvent vivre pleinement leur modernité dans la ville mondiale, tout en conservant un attachement à la deuxième maison, la maison des racines, celle de leur région-identité, en effectuant des allers-retours fréquents entre ces lieux « préservés » et la ville.

Cette complémentarité des identités se retrouve au niveau de la complémentarité des espaces. Ville-mondiale et territoire national ne s’opposent pas mais se complètent. Si l’État-nation a besoin de la ville mondiale, vitrine et locomotive économique, la ville mondiale a elle aussi besoin du territoire national, les centres ont besoin des périphéries. Ces deux figures prennent sens en tant que binôme. Ils sont interdépendants. Un centre trop arrogant, qui flotte sur sa périphérie, en est déconnecté, n’a pas plus d’avenir qu’une périphérie réactionnaire, qui perçoit ce centre comme responsable et manifestation de tous ses maux.

Les habitants de Cosmopolis ont besoin d’être différents et mêmes, de vivre pleinement leurs traditions et pleinement leur modernité, d’appartenir et de se libérer. La ville mondiale offre ceci en permettant à ses habitants de se ressourcer et de se confondre, en mettant à disposition plusieurs mondes de références identitaires dans lesquels puiser, à négocier,  à agencer.

Religions urbaines

Phénomène global, le retour du religieux répond à ce besoin de retour à la communauté, cette soif de traditions, de sens, de cadres, de solidarité. Naturellement, le phénomène conduit à une forte expression du religieux dans la ville mondiale, miroir grossissant du monde. Avec l’accélération et l’intensification des flux migratoires, on assiste à une multiplication et une diversification des lieux de cultes et des expressions religieuses.

De nouveaux lieux de culte, parfois monumentaux, se construisent, gentrification oblige, principalement dans les banlieues. Ils deviennent dès lors des centres religieux décentrés pour toute la communauté dispersée. Parfois ces centres sont construits dans une enclave ethnique déjà existante, parfois ils en donnent l’impulsion. Cette affirmation culturello-religieuse ne s’ancre pas que dans le sol, elle se porte sur le corps, par le biais de couvre-chefs de nombreux genres, comme autant de patries portatives. Signes religieux tout autant que culturels. Identité culturelle et religieuse se confondent. La religion constituant un des éléments de l’expression culturelle d’une communauté. Ces signes religieux sont importants pour la communauté, la religion fonctionnant comme une puissante identité transnationale. Contrairement à la nostalgie de la mère-patrie, la religion ne se dissout pas avec les générations, elle se transmet, permet de maintenir un puissant lien avec l’origine, et l’ailleurs.

Ces expressions religieuses, au cœur des débats sur la cohabitation et la gestion de l’espace public, ne doivent pas être bridées. Au vu du résultat, une laïcité stricte ne se révèle pas être la bonne réponse. Mais quelle est la bonne formule ? Le modèle ignorance-tolérance à l’anglo-saxonne ou la célébration de toutes les religions comme en Malaisie ? Des communautés qui se portent bien ne chercheront pas à se couper à la société. Permissivité et confiance sont peut-être les meilleurs mots.

Les anciens Empires multiconfessionnels ne sont pas les seuls à pouvoir revendiquer une cohabitation inter-religieuse pacifique, qui prime la plupart du temps dans les villes mondiales post-modernes aussi. Mais la Ville-Monde se doit d’être un exemple. Vivre en ville mondiale, faire ce choix, c’est la possibilité d’être pleinement soi-même mais implique également une responsabilité : la nécessité d’aller vers l’autre.

Pour favoriser la cohabitation entre les différentes religions, l’existence de centres religieux communautaires doit être conjuguée avec la création d’espaces-ponts, d’espaces œcuméniques qui fonctionnent comme des liens, favorisent projets trans-religieux et interactions entre les différentes communautés religieuses. La ville mondiale doit concilier le droit à l’expression religieuse, à la banalisation, à la non-stigmatisation, à la non-polémique, et le devoir moral d’aller à la rencontre de l’autre, d’œuvrer à la compréhension mutuelle. Nourrir le dialogue est important pour que la Ville-Monde ne soit pas le prolongement des tensions du monde.

Cohabitation. Lieux, Espaces, Territoires

A l’échelle globale, la manifestation géographique principale de la mondialisation est son ancrage dans des villes qu’elle transforme en Villes-Monde et les extraits partiellement de leur environnement pour les inclure dans l’Archipel mondial. Grâce à la Ville-Monde, la mondialisation n’est plus synonyme de déracinement, ni de délocalisation des identités. La Ville-Monde donne un corps, elle incarne le substrat matériel de la Cosmopolis, son inscription sur le sol, son point d’ancrage. Mais comment la Cosmopolis se concrétise-t-elle géographiquement ? Quelles en sont ses manifestations spatiales au niveau local ?

La Ville-Monde offre à la fois des Territoires-Ancrage et des Espaces-Fluidité. Elle incarne à la fois l’Espace de la Société moderne et les Territoires des Communautés post-modernes. Loin d’être uniforme ou uniformisante, elle superpose imaginaires culturels et « modernes ». La Ville mondiale est consensus. Elle propose à la fois des territoires culturellement marqués, ainsi que des espaces d’accord minimal, espaces « vierges », fonctionnels, financiers, consuméristes, naturels ou touristiques, où tous les habitants de Cosmopolis peuvent converger. Elle décline à la fois des espaces globaux, reproductibles, reconnaissables, rassurants, liants, et des espaces particuliers de type culturel, ethnique, religieux, social. Avec la survalorisation contemporaine des identités communautaires, la Ville-Monde devient le terreau d’une multitude de territoires identitaires, enclaves ethniques, Gay Village ou « gated communities » de toutes sortes. Entre ces différents territoires, on traverse des espaces hybrides, des espaces-ponts, des zones de transition.

La Ville-Monde propose territoires de différences et espaces aseptisés pour se rencontrer. Elle est composée de territoires appropriés entrecoupés de respirations, d’espaces neutres, mondialisés, espaces de compromis, « espaces publics ». Les espaces mondialisés sont duplicables et reconnaissables partout dans le monde, on en trouve des répliques dans chaque ville mondiale. Rentrent dans la catégorie de ce type d’espaces quartiers des affaires, lieux de consommation, parcs, places, rives, infrastructures de transport, tous les lieux qui agissent comme lieux dénominateurs communs. Ils ne sont pas menace d’uniformisation généralisée mais offre un langage universel, un pont, une passerelle. Ils n’éliminent pas les espaces originaux mais s’y superposent, cohabitent avec. En présentant une imagerie collective mondialisée rassurante, ils sont une invitation au mélange sans être brusqué. A l’instar des espaces produits par l’économie et la finance globalisées, les territoires ethniques et communautaires sont désormais eux aussi mondialisés, eux aussi en passe de devenir des modèles-types. Ils se déclinent sous différentes variantes dans toutes les villes mondiales.

A l’image de la langue anglaise mondialisée, ces lieux d’uniformité offrent un mode de communication universelle qui n’élimine pas mais au contraire pousse les peuples à se réapproprier leurs cultures. La langue véhiculaire ne fait pas disparaître les langues vernaculaires, de la même façon que les espaces mondialisés ne font disparaître ni les lieux ni les territoires.

Espaces empreints et espaces consensus sont complémentaires. La Ville-Monde est homogénéité et hétérogénéité. Universalisme et Particularisme. Diversité et Unité. Elle peut réconcilier multiculturalisme et républicanisme.

La finance globalisée produit constamment des nouveaux espaces, tandis que les membres de la Cosmopolis produisent constamment du territoire autant qu’ils sont influencés par lui. Dans un processus mutuel, l’identité des individus, des groupes et du territoire sont en constante reconfiguration.

Si la Ville-Monde doit parvenir à concilier, à faire cohabiter ses communautés, elle doit aussi cohabiter avec des visiteurs du monde entier. Elle se veut donc aussi musée, se donne à voir, offre une myriade de lieux touristiques à destination de l’extérieur comme du résident, espaces de rencontres non plus seulement entre les mondes dans la ville, mais entre les mondes de la ville et le monde extérieur, le monde visitant.

Au rayon des bons points, on retiendra que l’agencement de la ville mondiale invite à une bonne cohabitation culturelle. Au rayon des mauvais points, la ville mondiale produit un degré important de ségrégation spatiale interne selon des critères socio-économiques davantage qu’ethniques. Des inégalités spatiales, elle contribue également à en produire à plus large échelle, en étant la favorite de la mondialisation. Une mondialisation qui produit de nouvelles hiérarchies, de nouvelles marges entre espaces mondialisés et non mondialisés. A l’échelle régionale, nationale ou mondiale, la mondialisation relègue des portions entières de territoires, devenues zones périphériques, parce qu’elles n’ont pas la chance d’être connectées au réseau.

Stratégies résidentielles

Dispersion ou regroupement. Visibilité ou invisibilité. A la diversité des types de mobilités et de mobiles fait écho la diversité des stratégies résidentielles dans la ville. Des modes d’habiter qui dépendent du migrant comme du contexte, intégrant une combinaison d’éléments : contexte et type de migration, statut socio-économique, étape migratoire, génération et âge de la migration, provenance géographique (zone urbaine ou rurale), finalité de la mobilité (passage ou ancrage), rapport au pays d’origine, force de la communauté culturelle, degré d’intégration dans la société d’accueil, contexte historique et idéologique, politiques de l’État de résidence, histoire et identité de la ville d’élection.

Un migrant expatrié à la culture mondialisée cosmopolite aura tendance à la dispersion, alors qu’un migrant économique membre d’une communauté transnationale et dépendant des réseaux de solidarité aura davantage tendance au regroupement. L’affirmation territoriale des communautés dans la Ville-Monde décline aussi inversement proportionnellement à la distance et à la durée. On trouvait par exemple jadis des enclaves régionales dans les capitales nationales, puis au fur et à mesure que les pays se sont « rétrécis », que capitale et régions se sont rapprochées, les enclaves ont disparu.  Avant d’intégrer les ailleurs, la Ville-Monde a d’abord procédé à l’intégration progressive des régions nationales.

Enclaves ethniques

On l’a vu, la Ville-Monde, lieu-confluence des peuples et des communautés, propose des espaces pour fluidifier son identité et des territoires pour l’exprimer. Ces territoires d’appropriation prennent différentes formes. On se contentera ici de faire un zoom sur les enclaves ethniques. On trouve dans les villes mondiales des enclaves ethniques de plusieurs types. Quartier patrimonial touristique, enclave commerciale, enclave résidentielle. Parfois ces types se recoupent, parfois pas.

Quartiers centraux et périphériques. Quartiers contrôlés ou incontrôlables. Dans l’imaginaire collectif, les quartiers ethniques sont associés autant aux quartiers touristiques exotiques qu’aux cités-ghettos multiethniques, au « happy cosmopolitanism » qu’aux dysfonctionnements sociaux.

Pour comprendre ces enclaves ethniques, il faut faire appel à deux notions géographiques. L’enclave ethnique suppose une territorialité et une territorialisation du groupe. La territorialité suppose des représentations, un imaginaire culturel collectif. La territorialisation suppose l’appropriation d’un espace. La communauté culturelle transnationale va donc imprimer et exprimer sa culture sur un micro-territoire. Le quartier va se marquer de l’empreinte identitaire du groupe. Cette inscription territoriale va donner une visibilité à la communauté.

Dernier volet de notre schéma (mondialisation – mobilités – identités transnationales – communautés transnationales – réseaux transnationaux – villes mondiales – territoires transnationaux), les enclaves ethniques constituent les manifestations locales des réseaux de solidarité transnationaux. Esquisses de répliques du lieu d’origine, elles peuvent permettre de recréer une territorialité similaire à celle du pays d’origine et vivre dans une relative autonomie. Elles peuvent être dupliquées globalement, comme autant de morceaux de pays dispersés dans l’ailleurs, et cimentés par une conscience culturelle collective. Si elles sont connectées au pays d’origine, « là-bas » et à la communauté globale, « ailleurs », chacune de ces enclaves contient également une part de singularité, car chacune est influencée par son ancrage dans « l’ici ». L’organisation sociale n’est jamais importée sur une toile vierge, donc à chaque fois revisitée.

Elles peuvent regrouper des membres au-delà des divisions à l’œuvre dans le pays d’origine. Ailleurs, souvent l’identité culturelle prévaut. Elles peuvent donc correspondre non pas seulement à des lieux, des régions ou des pays, entités géopolitiques, mais à des aires culturelles. Elles peuvent aussi se constituer sur des bases religieuses.

Conditions

Le contexte de réaffirmation des identités culturelles ne permet pas d’expliquer à lui-seul la multiplication des enclaves ethniques. La constitution d’une enclave ethnique se veut toujours la conjonction de plusieurs éléments internes et externes au groupe. Elle implique entre autres un contexte idéologique favorable, mais implique aussi que la communauté possède un certain nombre de ressources.

L’enclave prenant racine sur le long terme, elle nécessite une présence ancienne de la communauté dans la ville. Souvent l’histoire coloniale détermine la présence plus marquée de certaines communautés dans certains lieux. La formation de l’enclave débute avec l’apparition de noyaux confidentiels, qui vont ensuite s’étendre par étapes, grossir avec l’arrivée de nouveaux flux migratoires. L’unité de la communauté est un élément indispensable. L’unité définie par la société d’accueil par stigmatisation ne suffit pas, elle doit se conjuguer avec la volonté de s’unir, pour perpétuer une forte identité culturelle ou tout simplement pour satisfaire des besoins spécifiques. L’organisation socio-politique du pays d’origine peut aussi jouer un rôle sur le regroupement. Une fois formée, pour que l’enclave perdure, la taille du groupe doit être maintenue, ou nourrie par de nouveaux flux de migrants qui voient la nécessité du recours aux réseaux de la communauté.

Fonctions

L’enclave ethnique répond à de nombreuses fonctions, économique, matérielle, culturelle, religieuse, sociale, mémorielle, intégrative, voire politique. Elle offre la possibilité aux membres de la communauté de se ressourcer, se rassembler, transmettre, se protéger.

Elle remplit des fonctions d’approvisionnement d’abord, en fournissant toute la palette des biens et des services nécessaires aux besoins spécifiques de la communauté. Elle peut satisfaire d’autres  besoins matériels, en offrant par exemple un emploi ou un logement. Elle permet un entre-soi, la possibilité de préserver mode de vie et traditions. Par son iconographie, son agencement, son esthétique, elle est porteuse de sens. Elle agit également comme lieu de mémoire. Centre symbolique de la communauté, elle est l’espace de ses lieux de cultes, lieux culturels, de loisirs, de ses célébrations et manifestations, le lieu des institutions communautaires.

Porte d’entrée dans la ville, les enclaves ethniques sont à la fois lieux d’arrivée, de transit ou d’ancrage. Souvent, il y a dissociation entre l’enclave économique et culturelle, et le lieu de résidence du migrant, qui pratique la dilution résidentielle. L’enclave offre un lieu de rassemblement à la communauté dispersée.

Vitrines et Ponts

Les enclaves ethniques sont évasion, exotisme, altérité. Mise en scène pour soi et pour l’autre. Pour la communauté, elles offrent une scène pour rejouer le sol natal chimérique, permettent un voyage imaginaire vers le territoire d’origine, et un apprentissage culturel pour les secondes générations. Elles répondent aussi à la soif d’altérité et d’exotisme de la société d’accueil.  L’augmentation des enclaves ethniques dans les villes mondiales expriment donc l’augmentation du cosmopolitisme et du goût pour l’autre, pour l’ailleurs. Ces importations de cultures du monde vont contribuer à sédentariser l’urbain.

Les enclaves ethniques agissent également comme des interfaces, des ponts entre la communauté et la société d’accueil, entre la communauté et les autres communautés. Elle fonctionne comme un amortisseur de choc, diminue la crise identitaire et le traumatisme à l’arrivée, favorisent un enracinement en douceur et adoucissent le déracinement.

En prenant en charge les migrants de multiples façons, les réseaux communautaires et leurs prolongements territoriaux permettent de soulager l’État-providence.

Territorialité hybride entre intégration et communautarisme

Ces enclaves permettent d’être à la fois ici, là-bas et ailleurs. De conjuguer territoire et réseaux. De vivre sa mondialité en offrant une territorialité reproductible, similaire dans toutes les villes mondiales. D’être à la fois entre soi et avec les autres. Elles mixent l’ouverture et la fermeture. Elles ne riment pas forcément avec communautarisme. En fait, lorsqu’elles sont tolérées et assumées, elles favorisent plutôt l’intégration. Plus le migrant a une identité forte, moins il est fragilisé socialement et économiquement, plus il aura tendance à entrer en interactions avec l’extérieur.

Invitations au voyage

Pré-voyage ou voyage « low cost », la Ville-Monde est un appel vers l’ailleurs, une invitation au voyage, une agence de voyage à ciel ouvert. La découverte d’une culture peut susciter l’envie de découvrir un pays lointain. Si ces  morceaux de mondes recréés dans la ville sont une invitation au voyage, elles sont aussi un appel à la connaissance. Car pour comprendre les communautés transnationales et leurs territoires, il faut connaître leurs pays d’origines. Apprendre sur Cuba ou Haiti pour comprendre Little Havana ou Little Haiti.

Passé perdu vs lieu perdu

Les enclaves des communautés transnationales d’aujourd’hui se différencient des petites patries des diasporas historiques et… futures. En disant ça, je pense évidemment à la nouvellement constituée diaspora syrienne. Je pense à notre monde en repli qui crée de nouveaux exilés qui doivent renoncer à leur pays. Quoiqu’il en soit, pour la communauté transnationale, issue non d’une guerre mais de la mondialisation économique, il n’y a pas de rupture avec l’État, le territoire d’origine. Donc la nostalgie se porte davantage sur un passé perdu qu’une terre perdue. La perte est plus historique que géographique. Le lieu d’origine évolue sans eux, n’est pas statique. L’enclave fixe un passé révolu. On a peut-être plus de chance de découvrir un bout d’Inde « authentique », pittoresque, en ville mondiale, dans ces lieux où les immigrés font revivre la mère patrie.

Conséquences sur l’espace national ?

Conséquence de l’augmentation et de l’accélération des flux migratoires, d’identités désormais transnationales, des politiques multiculturelles et de la réactivation des phénomènes identitaires, on constate aujourd’hui une augmentation de la visibilité des communautés ethniques dans les villes mondiales, et par conséquent des micro-territoires communautaires. Arjun Appadurai laissait entendre que l’avenir était à la multiplication des transnations, morceaux de nations délocalisées, sur le territoire des États-Nations. Arjun Appadurai a vu juste, ces morceaux de transnations se multiplient dans les villes mondiales. A plus large échelle, quelle carte est en train de s’esquisser ? Des Villes-Mondes constituées de mosaïques de nations, coexistant avec des territoires nationaux où l’identité nationale prévaudrait ? Le monde dans les villes et les régions sur le reste du territoire national ?

Ethnicisation du paysage urbains vs École de Chicago

Mais est-ce que l’ethnicisation du paysage urbain signifie que les migrants ne s’assimilent plus et s’ancrent dans les enclaves ethniques ? Le modèle assimilationniste de l’École de Chicago est-il caduque ?

Dans les années 1920,  le sociologue urbain Burgess et ses comparses de la célèbre École de Chicago ont proposé un modèle de parcours résidentiel des migrants dans la ville, en observant les lieux d’arrivée et les mouvements de populations. A partir de leurs observations, ils vont proposer une figure de Chicago, constituée de cinq zones concentriques correspondant au parcours résidentiel des migrants : centre-ville, zone des quartiers communautaires, zone d’habitation des ouvriers, zone d’habitation de la classe moyenne, banlieue résidentielle. Burgess constate qu’à leur arrivée, les migrants sont accueillis dans des réseaux communautaires dans la première couronne proche du centre, la zone de transition, la zone des migrants les plus pauvres. Lorsqu’ils sont intégrés, trouvent un emploi, ils migrent vers la deuxième puis éventuellement la troisième couronne. Plus le migrant s’assimile dans la société d’accueil, plus il monte dans l’échelle sociale, plus il se redistribue dans les différentes couronnes et s’éloigne du centre.

A partir de leurs observations, les sociologues de l’École de Chicago vont proposer une véritable écologie urbaine, inspirée par Darwin. Ils voient la ville comme un milieu naturel en constante adaptation et recomposition, dans un processus de transformation mutuelle de la ville et des migrants, à travers lequel les migrants sont pris dans un processus de tension constante entre ségrégation et mobilité. La Chicago des années 1920 ressemble à une mosaïque d’enclaves communautaires, qu’ils nomment « aires naturelles de ségrégation », mondes distincts qui permettent l’entre-soi et la solidarité à l’intérieur, et que les individus peuvent traverser.

Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Est-on passé de l’assimilation de l’École de Chicago à “l’ethnicisation” durable de la ville mondiale ? Désormais transnational, le migrant n’aurait plus vocation à s’assimiler dans la « culture dominante » ? Ou n’y a-t-il plus, dans un monde post-moderne, de culture dominante dans les villes mondiales ? Quel rôle joue la gentrification et la contemporaine compétition acharnée pour le centre-ville dans le parcours résidentiel des migrants ? La réhabilitation des quartiers centraux populaires induit-elle le déplacement des populations en périphérie ? Tous ces éléments influencent les schémas et les stratégies de résidence des populations, reste à déterminer avec quel résultat. Quoi qu’il en soit, l’augmentation des enclaves ethniques ne signifie pas pour autant que ce sont toujours les mêmes migrants qui y vivent.

Un dernier Mot…

« Gaia-Graphein, « l’écriture du monde », constitue le défi permanent de la géographie. » « Vu que les êtres humains (littéralement « êtres de la Terre ») s’amassent de plus en plus dans les villes, le thème de la ville et de l’urbain occupe une place plus centrale dans l’enquête analytique menée en géographie humaine et devient dès lors un défi primordial pour la planète terre, gaia. »  (Anne Butimer, « Gaia-graphein : des défis permanents », 249)

Au-delà des questions d’identités et de territoire, le champ d’études sur la ville mondiale est immense et intéresse toutes les sciences sociales, mais aussi sciences économique et politique. Si aujourd’hui l’accent est plutôt mis sur la ville durable, d’autres études portent sur les questions sociales, culturelles, économiques, patrimoniales, sur la compétition territoriale, ou encore le marketing urbain.

Laboratoire, miroir des évolutions, pouls du monde, mémoire, ancrage et fluidité, modèles de cohabitation qui se construisent dans les interactions, la Ville-Monde n’a pas fini de fasciner et d’inspirer. Chantier perpétuel nos villes se transforment, se réhabilitent, se réaménagent quotidiennement sous nos yeux.

Morceau de poésie académique

Maintenant, avant de partir, avant d’entamer mes errances en Villes-Monde pour confronter tous ces modèles avec la réalité, la théorie à l’empirie, j’aimerais partager avec vous « quelques lignes », que je n’ai pas pu me résoudre à tailler, le portrait d’une Cosmopolis, Los Angeles, par le géographe Edward Soja.

the extraordinarily global labor force, especially in the corona of diverse ethnic communities that surrounds and sustains the downtown financial, commercial, and government complex. This inner ring is the heartland of the Los Angeles Cosmopolis, a special type of world city where the very nature of urban cosmopolitanism, glocalization, and modern world cityness is currently being redefined.”

“In this ring of ethni-cities is a dazzling constellation of global cultures that simultaneously reaches out to every corner of the world and draws into Los Angeles an amazing array of “foreign” influences. It also provides and unusually rich testing ground for urban multiculturalism and what can be described as the new cultural politics of identity and difference, far removed from the imagic melting pot of Anglofying Americanization. Reproduced on the streets and in its neighbourhoods are microcosms of Hong Kong and Taiwan, Vietnam and the Philippines, Bombay and Beirut, Sao Paulo and Medellin. There is a Little Tokyo and a vast Koreatown, a huge long-established Mexican barrio and a new barrio filled by a dense mix of Central American migrants representing every fraction of the politics of Guatemala, El Salvador, and Nicaragua. An old (from the former Soviet Union) and a new (from Lebanon, Iran and elsewhere) Armenian community splits its animosities between Turks and Azerbaijanis. Jewish diasporan settlers from Iran, Russia, and New York City debate Middle East politics, while African marketplaces teem with discussions of current events in Cape Town and Addis Ababa, and the construction of Afrocentric school curricula.

The list of separate cultural world microcosmed in Los Angeles seems endless, but there is still another dimension to this complex panorama of urban multiculturalism, a growing cultural syncretism that may prove be the most important new development arising from the contemporary Cosmopolis. Multiculturalism is usually described in two ways, first as the formation of segregated ethnic spaces (ghettoes, barrios, Koreatown, Chinatown, etc.) and second as a proliferation of conflictful edges and turfs where different cultural worlds frequently collide in struggles to maintain cultural identity and cohesion. But something else is also happening in the urban borderlands. Multiform “composite” cultures are slowly taking shape and expressing their admixture on the local landscape and daily life: in the creation of new cuisines, designs, clothing, and styles of popular art and music; and in the development of new cultural and political identities. Los Angeles, for example, has been a major center for the assertion of Latino identity (vs. such imposed categories as Hispanic or Spanish-speaking) as a means of uniting the diverse populations whose homelands stretch from Cape Horn to the Rio Grande. Even greater heterogeneity is being synthesized in the growth of Asian American identity, with Los Angeles again taking a leading role. Many other forms of cross-cultural fusion and coalition building are taking place in the schools and neighbourhoods, in community organizations and housing projects, in local governments and cultural festivals, in ways that we are only beginning to recognize and understand. Making sense of the Cosmopolis, the place where the local is being globalized at the same time as the global is being localized, is a challenged task.   (Soja, 1994, 18-19)

Tout est dit. J’avais oublié ces mots en faisant mon sac. Trop tard ! Ouf ! Bien m’en a pris, je ne serais jamais partie… pour ajouter quoi de plus ? Affaire à suivre. C’est vers d’autres univers que Los Angeles que je vous emmène, des villes fascinantes dans lesquelles j’ai décidé de me perdre… A la recherche de la Cosmopolis ! De New York à Toronto, de Paris à Londres, de Singapour à Marseille, le voyage se promet d’être riche. Alors, en route !!!!!!!