Novembre 2014
Toronto. Enfin ! Troisième et dernière étape de ces errances en villes mondiales nord-américaines. Last but not least puisque Toronto a la réputation d’être la ville la plus cosmopolite du monde. Rien que ça ! Un titre cependant pas usurpé quand on sait qu’environ la moitié de ses habitants sont nés ailleurs qu’au Canada. Contrairement aux deux premiers volets de ce voyage, je ne souhaite pas que ce compte-rendu serve à mettre en lumière et dégager des thématiques, mais je veux qu’il s’écrive comme un récit. Le récit d’une immersion dans une Ville-Monde, au fil duquel (je l’espère) va peu à peu se dévoiler et se révéler la Cosmopolis. Après tout, il est permis de placer quelque espoir dans une Ville-Monde qui a comme slogan « Diversity our strenght ».
Mon errance à Toronto fut more than just a glimpse. Elle dura le temps d’une parenthèse qui traverse la fin de l’été indien canadien jusqu’aux premiers frimas de son hiver. J’envisage donc ce compte-rendu comme une autre façon de retranscrire ces errances, à savoir sous une forme linéaire et chronologique. Parce que dans le mouvement, les réflexions et les découvertes parviennent rarement sous formes de thèmes… J’aimerais donc tenter de traduire au mieux le processus de découverte et de réflexion along the road, vous emmener en mode caméra embarquée. Cette fois je vais (au maximum !) vous épargner l’analyse, et me contenter de retranscrire le processus de construction de l’image d’une ville. Au fil d’une ballade. Des confettis, des morceaux éclatés desquels émergent progressivement un tableau complet.
Cette forme linéaire se veut aussi une métaphore de la fluidité de la dynamique multiculturelle à Toronto, et de la façon dont son cosmopolitisme m’a été révélé, dévoilé. Nothing complicated there. Un cosmopolitisme « ordinaire » qui se dessine par agrégation de relations quotidiennes. Pour respecter et retranscrire son état d’esprit, Toronto ne s’analyse pas, Toronto se décrit. Je décrirai sans émettre de commentaires donc, tout en espérant que les faits exposés vous donneront à vous aussi le sentiment de voir prendre vie toute cette théorie qu’on a pu aborder jusqu’ici.
En outre, afin de respecter l’image que se donne la ville, j’ai porté l’accent sur ses quartiers, dont Toronto n’hésite pas à se vanter : Kensington Market, Chinatown, Little Italy, Queen St. West, Portugal Village, Greektown, Little India, Yonge, Roncesvalles, Koreatown, Gay Village, The Annex, The Distillery, … Et dans un souci de coller au mieux à l’image que je me fais d’une Cosmopolis, je vais chercher dans les quartiers dits communautaires non pas un quelconque folklore mais des compositions inédites, des marques d’hybridités, des mélanges, le mix des mondes inscrits dans leurs murs.
Au-delà de l’exploration pédestre de ses quartiers, comment parvenir à construire cette image, à faire connaissance, en d’autres termes, what can help to tell the city ? Et bien divers stratégies et outils peuvent être mobilisés pour que la ville nous soit révélée : géographie, résidents, productions artistiques, recherches, médias, sites web, guides, littérature, manifestations, … Enfin, varier les points de chute s’avère également utile pour multiplier les regards.
A travers ce compte-rendu, j’aimerais faire preuve de sincérité et vous révéler sans (presque !) rien omettre des états d’âmes, questions d’organisation et autres interrogations qui jalonnent une errance à idée fixe mais sans plan précis, dont le récit se construit au jour le jour. En tout cas ce qui peut se révéler pertinent pour la réflexion. Avec toujours le même mot d’ordre : spontanéité. Je veux relever le défi délicat qui consiste, tout en traduisant le carnet de bord et en le « déséclatant » pour offrir un « récit » lisible, tenter de retranscrire et faire ressentir un maximum cette spontanéité. Même si ça implique de laisser quelques passages en anglais, ce dont je vous demanderai par avance de bien vouloir m’excuser.
Vous allez découvrir que Toronto & me, c’est une véritable rencontre, deux pouls à l’unisson. Un coup de cœur et plus que ça. Au-delà du coup de cœur, une complicité qui grandit avec le temps. Des voyages sensoriels aussi, dont un tour du monde gastronomique, ainsi qu’une rencontre physique avec la mappe de Toronto, configuration spatiale prometteuse pour laisser naître, prospérer et s’exprimer une Cosmopolis.
Arrivée
Après les quelques heures de voyage qui séparent Montréal de Toronto, Megabus me pose à Bay Street en début de soirée. Je traverse le centre avec mon chauffeur de taxi d’origine camerounaise qui me parle en français, et découvre les lumières de la ville.
Direction Parkdale, an “up-and-coming neighbourhood”, entendez un quartier en “mutation”, chez Vanessa, a graphic designer/ art director, vivant entre Toronto et New York, a “huge fan of AIRBNB”, qui loue un “CUTE ARTSY (bohème) STUDIO + 2 BIKES”, au 97 Tyndall Avenue.
The Location: “Parkdale has recently become the prime new vibrant destination in Toronto. There are many galleries, restaurants, antique shops, and parks. The Lakeshore (a 5-minute walk) offers the beach, bike paths, swimming pool.”
Une fois arrivée à destination, il s’agit de récupérer les clés sur Elm St. chez Lela, une amie de mon hôte, qui répond ceci quand je lui demande si elle vient de Toronto : “I’m Croetian”. Avant de préciser : “ In fact I’m born here but my parents are Croetian.”
Day One. Orientation
Premier sentiment, en surfant sur les sites. So big! So many things, so far, so lost! So exhausted too. Pour moi qui adore tout visiter en marchant, ça risque d’être compliqué ici. Assez fraiche pour tirer le meilleur de l’endroit ? Aurais-je dû découper les errances américaines en plusieurs séquences et passer plus de temps dans chaque ville, afin de bénéficier du même quota d’excitation, d’énergie et d’envie à chaque fois tout en creusant ? So, as soon as you will begin it will be fine. Can’t wait de rencontrer et parler avec des gens !
Objectif day one. Feel the map et se familiariser avec les transports. Where I can go, how, etc. That’s the most tricky part. Commencer sur Downtown, prendre le pouls de la ville et évaluer comment rayonner depuis là.
To go to Dundas Square: Street car on King St. to King stop on Yonge Street and then walk gauche.
To Downtown : Tram no 504, King St West at Dufferin St. à King Station sur Yonge Street. 30’. 3$
Toronto, le tram ! Comme à la maison…
Premiers points de chute : King St., Yonge (équivalent de la 5ème), Eaton Center (giant mall), supermarkets sociological look, Dundas Square (équivalent de Times Square), grab lasagna au Food Court d’Eaton Center pour une prise de température …
Alors, premières impressions ?
Un vrai Downtown, quite impressive though, lively, avec des gens qui courent, de l’énergie, j’adore. Et oui j’ai entendu parler de nombreuses langues. Et oui, la diversité est omniprésente en ville, en proportion inédite. Pas comme NYC où tous semblent American first, ni comme Montréal où la diversité se lit d’abord sur les enseignes, encore différent, comme une diversité pas si ancrée, encore mid-new. Pas de touristes ?
Alors ce serait vrai ce qu’on dit sur Toronto… Ce à quoi j’ai assisté aujourd’hui, ce sont des gens venant probablement de tous les horizons se laisser la place dans le tram. Et je me suis sentie apaisée par cette à priori harmonieuse cohabitation.
My neighborhood
Programme : faire le tour du quartier ; trouver un bon café sympa où se poser travailler ; trouver un bar sympa ; making my way to the lake ; voir le nouveau quartier hype.
Suis-je safe pour sortir le soir ? Me reviennent les avertissements de Lela. « Don’t talk to everybody » « You find everything in this neighborhood », « It’s ok, but you have to have to be cautious”, … Aaaaall right ! (le logement se situe sur une tranche pas encore vraiment en « mutation » du quartier…) Sortir à vélo plutôt qu’à pied ? Seems safer…
Comment s’ouvrir, quand insecure, pas détendue. Aussi à prendre en compte comme variable dans ce type de voyage. La tension de l’intendance et le fait d’être perdue sur la map jouent aussi un grand rôle. Il faut déjà du temps pour appréhender le lieu. A NYC c’était plus facile, je connaissais le terrain.
Ce que j’ai intégré de la map today. Horizontalement King, Queen, Dundas ; verticalement Yonge, Spadina, Bay, Bathurst. Vais-je oser me perdre dans la ville ? J’espère !
Je pourrais skyper ce soir, mais je préfère vivre cette expérience à fond, dans ce qu’elle peut avoir de douloureux aussi. C’est cela une errance solitaire: une expérience.
Day two. Walking through Toronto’s most vibrant street
Si tu veux voir le Monde, poste-toi au carrefour de Spadina et de Dundas, Toronto, Canada.
The Journey
Made my way to « Queen Street West », cheminé jusqu’à Spadina, first glimpse à Chinatown et à Kensington Market. Parfait by foot, so happy about that!
Queen Street West. Réputée la rue la plus branchée mais aussi la plus gentrifiée de la ville. Centre du monde pour les uns, artère qui a perdu son âme pour les autres… Ce que je peux en dire so far. Des Condos qui poussent sur le début de l’artère, des cafés, du vintage, des boutiques indés mais des marques aussi sur le haut, des galeries, des parcs. Adoré l’esprit. Les guides la comparent à SoHo, peut-être, mais Soho est un carré, Queen St une ligne droite, et beaucoup moins stressant, plus relax. Lunch chez El Almacen, « a South American-style cafe specializing in mate ».
Feelings. J’adore cette ville, un peu de New York, un peu de San Francisco, so lively. Première impression sur Toronto, après Downtown & Queen, c’est New York en plus « innocent », « candide » une New York adolescente et une San Francisco more down-to-earth, plus lucide, moins laid back. I feel thrilled by the place. Ne pas trop s’abandonner, rester vigilante. J’ai adoré la ballade de cet hot après-midi d’automne, compared to the nobody feeling of last Saturday in Montréal… the atmosphere of a same day in this City is so much better. Toronto, le grand (happy?) Bazar? En tout cas, this city just inspires me!
Day three. Discovering Kensington Market
Réflexions préalables. Je le cherche encore ce grand bazar multi-socio-ethnique. Cette miniature de Cosmopolis qui mêlerait les classes et les cultures. Je l’ai presque touché du doigt au Mile End. Alors j’espère que ce sera Kensington Market, que la bohémisation et la sinisation du quartier n’aient pas pris trop de place pour ne pas écraser la mixité. Que je puisse éventuellement en faire le cœur de mon exploration torontoise, creuser. Je découvre que Kensington Market est classé « monument national ». C’est quoi ce quartier, une attraction touristique ? Une pièce de théâtre où chacun joue un rôle assigné par le statut de monument national, dans une mise en scène figée qui n’aurait plus vraiment de spontanéité ? Que signifie être inscrit sur cette liste ? A creuser, en situation.
Présentation. “The Kensington Market area is a maze of narrow streets and alleys, many of which are lined with brightly-coloured Victorian houses. During the 1920s, when it was a predominantly Jewish neighbourhood, families would set up stands in front of their homes and sell their goods to one another. This was the start of Toronto’s famous Kensington Market. Today the neighbourhood and the market make up one of Toronto’s most diverse areas.The rich multicultural mix is obvious in the shops packed with goods from Europe, the Caribbean, the Middle East, South America and Asia. A visit to Kensington Market is like a sensory trip around the world. It’s also a treasure trove of vintage and second-hand clothing shops tucked in among eclectic restaurants and cafés.On busy days, the market is every bit as lively as street markets around the world: a cacophony of sounds, piles of fruit and vegetables, exotic spices and sweet treats. People are attracted not only to the good prices but also to the market’s wide variety of unusual shops, including some of Toronto’s best vintage clothing stores.” (http://www.seetorontonow.com/explore-neighbourhoods/kensington-market/)
Pour résumer, Kensington, ancien quartier juif aujourd’hui un des plus multiculturels de la ville, propose des produits des quatre coins du globe ainsi que de nombreuses enseignes bio et vintage.
Première approche avec le lieu. Jour de fête. Kensington’s Pedestrian Sunday.
Quelques dimanches dans l’année, le quartier entier est bouclé et devient piéton, laissant la place aux stands, aux animations, aux rencontres… Humm. How to do this report…
Kensington’s spirit
D’abord, Kensington Market n’est pas un marché, c’est un quartier. L’animation et les commerces sont concentrés sur trois main commercial strips. L’espace est partagé en zones commerciales ethniques, avec un carré latino où s’est glissé un restaurant Hungary Thai, un coin tibéto-népalo-alterno, une mini strip caribéenne, le tout mêlé à deux marchands de légumes, une auberge de jeunesse, une fromagerie, une boucherie, une boulangerie, plein d’enseignes organic (bio), des tartes, des boutiques vintage, etc. Pas de « marché » à proprement parler.
Of course it was not an ordinary day in Kensington Market, as Pedestrian Sunday is a outdoor fair, durant laquelle la plupart des commerces tiennent un comptoir sur la rue, et les restaurants font découvrir des spécialités culinaires aux visiteurs. Pedestrian Sunday se décline en concerts, une Art-fair outdoor, une foule bigarrée et hétérogène, des touristes, une ambiance festive. Voilà, un dimanche de fête donc. J’ai assisté à quatre concerts, deux de blues, un de reggae, un de ? … musique expérimentale. Vu beaucoup de gens happy. Beaucoup de vitrines « sans gluten », et autres enseignes Green. Du vintage. Des alternos. Mais pas seulement. Not so convinced by the multicultural stuff first. But as the afternoon goes on, visitors were no more essentiellement des Anglos trying Nepalese food, mais une every colour crowd. So. Croisé beaucoup de couples mixtes, majoritairement asiaticos-anglos. Pris passablement de vidéos, pour capter l’atmosphère. Plus parlant que les photos ou les mots lors de ce genre d’événement.
J’ai aussi profité de ma présence dans le coin pour effectuer un petit tour du côté de Baldwin St. où je serai bientôt logée. Quartier charmant, intégré à Chinatown in a way, mais genre petit carré avec cafés, pizzerias et restos du monde entier : noodles, mexicain, tequila, sushis et j’en passe. Je n’aurai donc qu’à traverser la rue pour bosser, prendre un café, boire, manger. Quartier hyper centralisé et près des « communautés » comme du downtown, donc idéalement situé pour mon explo. A noter : des affiches des candidats aux elex municipales everywhere today, almost in every garden, every courtyard on this strip.
En revenant de Baldwin, petit passage à Chinatown, où sur Spadina, des activistes chinois battent le pavé, les uns défendant la même cause qu’à Montréal, le Falung Gong, et d’autres faisant signer des pétitions pour faire cesser les mauvais traitements en Chine.
Retour à Kensington Market, par une extrémité devant laquelle on a dressé une barrière contre la circulation. Ironie, comme elle est placée, on la dirait érigée pour se dresser contre l’extension de… Chinatown, qui encercle jusqu’à ses extrêmes limites le quartier ! Kensington Market jouxté à Chinatown peut-il résister ? NYC ou Toronto, même constat : seule communauté, qui joue dans la même catégorie, et semble damer le pion au Rouge dans ces cités, c’est le Vert (+ vieux rose). Organic-vintage wave & Chinese Wave. Vague bio et asiatisation apparaissent comme les deux grosses tendances territoriales de ces cités-monde nord-américaines.
Émotion. Je discute avec un jeune homme biélorusse de 28 ans qui vend des bibles de Bouddhisme dans la rue. AToronto depuis dix ans, au début he « hated, now it doesn’t matter ». Il m’explique que la Biélorussie est un genre de « communist country » (?). Sa famille ayant eu des troubles avec le gouvernement, n’y est jamais retournée. Cet exil, il le vit mieux depuis qu’il a découvert ce « buddhism conscious thing ». Désormais, « It doesnt matter », he « can be anywhere »… Je suis encore bouleversée en écrivant ces lignes, en ressentant à nouveau la grande peine, la souffrance de ce jeune homme. Je ne peux m’empêcher de repenser aux lignes du roman de Dionne Brand. This guy who sells bibles on the street could have been anybody, un tortureur ou un torturé dans son pays. En fait, il semblerait que pour beaucoup de gens, moving n’est pas un acte choisi, facile et fun, c’est politique. C’est dur me confie mon interlocuteur, qui a suivi ses parents venus à Toronto parce que c’est l’endroit où ils avaient l’occasion d’être accueillis, et aussi l’occasion d’être en quelque sorte « voisins » de leur fille installée à Chicago. Les Biélorusses sont peu nombreux à Toronto, mais ils fuient partout, me dit-il. Beaucoup en Europe. En ce qui le concerne, il continue simplement à avancer, lui pour qui la vie doit consister à se mettre dans des situations non-ordinaires pour découvrir d’autres facettes de soi-même.
Regard sur la Mobilité. Son regard, son discours m’ont remuée et je me rends compte que les réfugiés politiques, ou quel que soit le statut qu’on leur accorde ou pas d’ailleurs, révèlent une autre face de la mobilité : when moving is suffering. La mobilité pour beaucoup n’est pas un projet, un idéal cosmopolite, c’est une coïncidence. Pas un jeu. Il ne s’agit pas comme pour tout un pan de cette jeunesse dont je fais partie d’une expérience d’expatriation, d’une fuite momentanée pour cause de crise économique, du temps d’un diplôme ou d’un séjour linguistique. Pour beaucoup, la mobilité se révèle différente de cette envie d’ailleurs évoquée dans chaque café, comme ce matin, par ce groupe de Torontoises : “No, really, you went to Europe ??? I’m dying to go there ! ».
La mobilité, terme générique qui renferme tellement de statuts et de réalités différents. Depuis mon départ j’ai eu l’occasion de parler avec des réfugiés, des sans (vrais) papiers, des immigrés économiques, des étudiants, … Et pour un réfugié en souffrance, la potentielle intégration dans une happy hybridité est loin de ses préoccupations. Le projet d’une Cosmopolis, c’est parvenir à intégrer tous ces statuts au sein d’une même société.
Mon état de solitude passager me quitte alors que je réalise qu’il y a tant d’histoires à raconter, tant de gens à rencontrer dans cette cité. Peut-être que la solitude est la condition nécessaire pour pouvoir écrire ces lignes.
Célébrer Gastropolis. Cette fête de quartier s’est révélée avant tout un comptoir gastronomique. S’il est bien un domaine où les statuts n’ont plus d’importance et qui permet au voyageur solitaire de rencontrer, c’est la gastronomie. Toronto célèbre sa diversité à travers une passion commune, presque une obsession : la cuisine.
Les spécialités culinaires comme une porte d’entrée, une rencontre par le ventre. Le tour du monde des gastronomies est ici très prisé. Cette passion dépasse le goût pour les nourritures ethniques. A Toronto comme à New York, on trouve d’innombrables blogs qui débattent très sérieusement du meilleur expresso, bagel, burger et j’en passe de la ville. Quoi manger en ville mondiale, est devenu un jeu, une chasse, un sujet d’étude et de préoccupation auquel on consacre du temps. Retour à l’âge de pierre, juste différente forme. Certainement le reflet des villes ouvertes et jeunes. En tous les cas, Toronto a su intégrer toutes les gastronomies, et la ville foisonne de fast-foods ethniques, qui permettent un tour du monde bon marché.
Mais au-delà d’une célébration et d’une mise en scène de la diversité, cette gastronomie porte d’entrée révèle d’autres aspects de la ville. Son hybridité. Nombre de minorités ont quitté le registre gastronomique qui leur était jusqu’ici réservé des gargotes et du folklore, et nombre de restaurants estampillés « ethniques » deviennent branchés. Ils sont tout simplement le reflet de l’évolution des communautés, et une métaphore de la fusion de la ville, de l’uniformisation des conditions. Cuisine fusion et spécialités régionales plus seulement pour se rencontrer, se visiter, mais reflets d’une passion commune partagée par ce qui est désormais en train de devenir une société. On y reviendra, mais dans cette ville, la cuisine fusion n’est pas le seul signe d’hybridité. Les métissages sont partout dans cette ville-monde où on réinvente et se joue de la mappe monde. Fusion des styles, des cultures, entre elles et avec la culture globalisée. Toronto offre un spectacle terriblement intéressant.
Days four to six. Elections, Tourism, feeling the place stuffs
Au programme. Journées de visites pour se familiariser avec la mappe + breakfasts Globe and Mail au café du quartier.
Trois journées à battre le pavé. Traversé Downtown, sa bibliothèque, ses condos ; remonté Yonge l’artère principale de la ville, jusqu’à Yorkville, the wealthy village et ses hôtels, lieux d’élections des personnalités ; aperçu le Royal Museum, le Bata Shoe Museum ; puis en bus remonté Spadina avenue via the Annex avec toutes ses belles maisons brownstones, jusqu’au château Casa Loma ; passé devant la mairie, le stade de l’université, le village de l’université, classée parmi les meilleures du monde, et composée de nombreux « Colleges », bâtiments anciens, endroit charmant ; passé devant le Musée d’Art contemporain ; via Queen St., rejoint Entertainment District, le plus grand d’Amérique du Nord, et repéré la Tiff Bell Lightbox où sont diffusés la plupart des films durant le Festival de Toronto ; pris un autre bus pour rejoindre la zone où sont situés St. Lawrence Market, le quartier de la Distillerie et Old Town.
Anecdote. Le quartier d’installation des premiers immigrants à Toronto se trouvait sur le site de l’actuel Hôtel de Ville. Il n’est donc plus visible, ayant été rasé pour accueillir le nouvel Hôtel de Ville dans les années 1960. Cependant, la Société d’Histoire de Toronto organise des visites guidées pour raconter l’histoire des communautés noires, juives, italiennes et chinoises qui vivaient jusque dans ces années-là dans des conditions très précaires, montrant à quel point l’accueil des immigrants a changé au Canada.
Direction ensuite la zone Sud : Front Street, Union Station, Air Canada Center, l’Aquarium, la CN Tower, le stade Roger Center. Après m’être un poil attardée au Waterfront, j’ai traversé médusée la zone des Condos, ces immeubles qui poussent comme des champignons pour accueillir la classe moyenne de Toronto qui revient en force vers le centre. Ces Condos uniformisés croissent si vite qu’ils sont en train de devenir un emblème de la ville, emblème pas toujours positif à en croire les échos… Il est vrai que la plupart de ces nouveaux quartiers donnent encore l’impression de quartiers sans âme. Quoi qu’il en soit, this area c’est travaux, autoroutes, travaux, autoroutes ! Pas très convenient pour marcher. Et mise en lumière d’un autre potentiel à exploiter pour Toronto : raccorder la ville à son lac, duquel elle est coupée par un enchevêtrement de routes et d’autoroutes, qui confère à ces quartiers de Condos près du Waterfront une ambiance assez étrange. Jungle de tours impressionnantes sur zone désolée. Espace encore aéré malgré une sensation d’écrasement. Pour clore mon tour de ville, depuis le Waterfront, j’ai rejoint Parkdale via King Street, traversant, entre autres, d’anciens paysages industriels.
Constat : Toronto devrait être rebaptisée « Condos City » ! Architecturalement, au premier coup d’œil Toronto n’est pas très diversifiée. Plusieurs styles-modèles sur-déclinés.
Mon quartier. J’ai ponctué ce sprint par un Café-Presse & Lake Day, pour relâcher la pression, m’intéresser aux élections, bouquiner, habiter mon quartier. Just live a Toronto’s ordinary day. Lunch au café du mythique Hôtel Drake, qui serait à la base de la mutation (entendez gentrification) du quartier. Accueil chaleureux et même pas prétentieux. Ballade au bord du lac en vélo. Pour l’atteindre, le lac, you have to cross a railway + 2 highways! Je suis un peu effrayée dans ma rue, qui est « tenue » par des vieux messieurs bourrés toute la journée, sorte de ghosts errant sur les perrons et qui t’interpellent avec brusquerie. Avec la branchée Queen St. West à proximité, quelques lieux bohèmes commencent à émerger aussi dans cette partie du quartier.
Les élections municipales. Durant les premiers jours de mon séjour, Toronto vibre au rythme de la campagne des élections municipales, dont les trois principaux challengers sont Doug Ford, frère de l’actuel maire tombé malade, la néo-démocrate Olivia Chow et le conservateur John Tory. Cette élection a pris la forme d’une prise de partie pour ou contre la poursuite de l’ère Ford (rappelez-vous, le scandale d’un maire fumant du crack, c’est lui), le « tout sauf Ford » ayant détourné certains électeurs de la démocrate Olivia Chow pour lui préférer le pragmatique John Tory, réputé seul susceptible de battre le frère Ford. Quant aux principaux enjeux, ils tournent autour des transports, du budget, de la division de la ville, du marché de l’immobilier, …
…. And the winner is …John Tory, célébré dans toutes les langues !
En ces journées consacrées aux élections municipales, on peut lire une presse à l’accent locale. Tant mieux. Même si elle aborde cette « guerre » dans laquelle a été plongé le Canada à la suite des attentats du mois dernier. Un Canada pas en guerre contre un pays mais un mouvement. Pas contre un territoire mais un réseau. Mais un mouvement qui s’ancre depuis peu dans un territoire, d’où une possible guerre de positions. Une guerre qui ne se borne désormais plus aux portiques des aéroports. Bref, pour ma part, je suis contente, sans télé, et donc à plus grande distance de la « guerre », de pouvoir m’attacher à la réalité de la ville. Contente d’expérimenter la cohabitation culturelle mondiale du quotidien, pas celle des journaux quotidiens…
Belonging. Si tu tapes « spécialités culinaires toronto » sur google et que tu parcours articles et blogs, tu comprends que Toronto n’est pas une capitale politique à l’identité nationale, ni une capitale régionale, mais comme New York, un condensé de transnations, une capitale mondiale. La cuisine de Toronto se veut et est célébrée comme un reflet de sa diversité culturelle. L’accent est mis sur les cuisines spécifiques des quartiers ethniques. En surfant, tu tombes aussi sur des forums sur lesquels des filles s’excusent de « rechercher un quartier jamaïquain à Toronto, pour le coiffeur et la bouffe, entendre un peu la langue, quand on est loin ». Précisant maintes fois que ce n’est pas du communautarisme… Et là tu te dis que la politique n’est jamais loin, que la double identité est loin d’être célébrée voire même d’être pleinement tolérée, que la question de l’appartenance revient toujours et se pose également partout dans cette cité. Et que la question de la citoyenneté ne sera résolue que lorsque les multiples allégeances seront communément acceptées… Adrienne Clarkson, une Canadienne qui parle de ces questions dans « Belonging, the paradox of citizenship » peut s’écouter ici : http://www.cbc.ca/radio/ideas/masseys/pastlectures/lecture-2-the-glory-that-was-greece-1.3009349
Bon ben en tout cas moi j’ai parfaitement intégré ce droit d’aimer plusieurs endroits, et je ne m’excuse donc pas d’entendre ma langue et les nouvelles de ma patrie culturelle francophone en visionnant parfois le soir en replay des émissions de la maison. J’ai aussi accès à ma Petite Suisse, notamment via la presse en ligne.
Statut de l’errante. Maybe in this City I’m a kind of a Ghost too. Alone, l’oreille tendue, prête à sauter sur la confidence. A travel writer kind of ghost. I’m ok with that. La mobilité-solitude s’avère parfois incontournable pour concrétiser un projet, tout comme le sont ces voyages de repérage pour ressentir le lieu, pour mieux écouter les sighs, les murmures de la ville, pour reprendre Dionne Brand. Voyages essentiels pour ressentir, pas théoriser. Stuffs that you can eventually feel but that you will not been told. Enfiler l’habit de l’errance, c’est adopter une propension à disparaître. J’ai disparu. Disparue aux autres, mais totalement en phase avec moi-même. Jusqu’au peut aller l’effacement ? Je ne veux pas parler de l’effacement de la trempe exploitée dans ces romans effrayants dont la Trilogie new yorkaise de Paul Auster est un sommet du genre. Non plutôt de l’effacement aux autres qui est une révélation à soi. Cet effacement nécessaire ne peut advenir qu’à travers la fuite, à travers l’errance, car se poser c’est se faire repérer, se faire attraper. Alors s’installer… Puisqu’à travers la fuite on se découvre, le territoire ne définit donc pas forcément l’identité… C’est cet état que j’ai décidé de tester durant ces quelques semaines, où je ne suis que cette image fugace, sur le tabouret d’un pub, à la terrasse d’un café, sortant de sa chambre d’hôtel, ou poussant le vice encore plus loin en étant dans le logement d’une autre, là où même le contact social touristique vient à s’effacer. Dans les draps d’une autre, seule. Avec aucun regard social posé sur moi. Ce n’est pas ma vie, mon État de prédilection, cette expérience où seule est accueilli le contact spontané, refusant toute attache, cette errance. Expérience qui consiste à être l’autre ou disparaître. Etre artiste tout simplement. Mais savoir qu’être est possible. A tout moment. Savoir qu’on peut émerger, ne pas se mettre trop en danger.
Tout comme l’identité possède plusieurs strates, l’expérience vécue aussi. Je pourrais vous raconter la même journée du même voyage, de cet automne 2014, sous un tas d’angles différents. L’aspect positif de trouver ce que j’étais venue chercher en terme de projet ; l’expérimental en terme de solitude ; l’aventurier ; le géographique. Je pourrais l’aborder sous l’angle du manque de repère qui crée un état de tension permanente et qui laisse assez peu place à la détente finalement. Car ne pas se poser = ne pas se reposer. Ne pas se poser, ne pas jouir, ne pas être dans la légèreté. Aborder l’aventure avec gaieté tout en étant concentrée, dans l’urgence de la première approche d’un lieu. Urgence imposée, à priori fictive, puisqu’en ce qui me concerne, je n’ai à priori aucune obligation, si ce n’est celle que je me suis imposée pour créer.
J’en suis arrivée à voir désormais entièrement le monde à travers le prisme ancrage-errance. Par exemple pour décrire le caractère d’un Québécois que j’ai rencontré, je ne vais pas dire que je l’ai trouvé fermé à l’étranger, mais plutôt qu’il possédait une identité régionale très affirmée.
Comment assumer cette envie d’écrire et le statut qui va avec ??? Ce projet qui n’est plus une lubie, maintenant qu’il a pris corps dans un voyage. Comment se présenter ? L’intégrer dans sa vie sociale ? L’assumer professionnellement ? Je me prends sûrement la tête pour rien, mais je ne veux pas qu’on en parle, ça fait partie de ma vie, de moi, mais je veux parler d’autres choses, et pas seulement parce que c’est du work in progress, mais parce que je ne veux pas intégrer cette partie de ma vie dans ma socialité. Bizarre ? Le regard des autres ! Embarrassée. Je ne veux pas l’intégrer parce que je le vis comme une parenthèse et certainement pas comme un non-retour. Parce que je veux et aime être les deux, la salariée intégrée et la géographe errante, dans le travail en société et dans la solitude-parenthèse. Je n’assume pas encore mon choix, mon désir. Qu’est-ce que j’ai fait ? Est-ce de la folie ? Ils ont dit qu’ils seraient prêts à me réembaucher mais… Je me sens le devoir de compenser en étant encore plus tolérante pour faire accepter cette partie de mon identité. Peur panique d’être rejetée, pas envie qu’on ne me voit qu’à travers ce prisme-là, une démisionnaire un peu barrée. J’écoute des émissions littéraires en replay, ça me donne du courage d’être en compagnie d’autres barrés qui ont pris des routes de traverse. Il ne s’agit pas d’une distraction, d’une échappatoire. Du reste ce voyage, c’est avant tout une solitude imposée pour concrétiser. Ici pas d’autre distraction ou d’échappatoire sociale, seulement le projet sur lequel se concentrer. Lancer le mouvement. « Retirée » et isolée pour créer, en … ville mondiale, quel curieux paradoxe. Je pense à d’autres qui ont aussi dû s’isoler pour créer et ça me donne du courage. Même si ma mini errance fait figure d’amateurisme à côté des six mois d’un Sylvain Tesson en Sibérie ! Peut-être qu’après celui-là il n’y aura pas d’autre projet. Et je ne sais pas encore quelle forme donner à celui-ci, pour ne pas écrire que pour des « géographes ». Pour ça que je ne dois pas griller mes cartes et pour ça aussi que j’attends ce certificat de travail, comme le sésame d’un retour. Et si finalement toute cette obsession pour la mobilité n’avait été qu’un prétexte pour écrire ??!? Oui ça y est je voyage et j’écris. Une parenthèse. But still, it’s real.
Désolée je délire. J’ai faim. Qui dort dîne. Mon cul oui. Qui ne dîne pas ne dort pas. Non mais c’est qui qui a inventé cette énormité encore ?!? Réveillée à 4.20 AM, starving.
Day seven. Roncesvalles, le quartier polonais
Présentation. « Le quartier de Roncesvalles (autrefois le village de Brockton) est le quartier polonais de la ville de Toronto. L’avenue du même nom rejoint la jonction de Queen et King au Sud à la jonction de Dundas Ouest et Bloor West au Nord. Ce quartier abrite un certain nombre de restaurants, boulangeries et cafés polonais ainsi que des restaurants et cafés plutôt bohèmes ou typiques de quartier gentrifié. Arrivés au Canada pendant les années 40 et 50, l’église de la communauté polonaise s’appelle St Casimir, le meilleur restaurant polonais s’appelle Chopin et le journal communautaire s’appelle Gazeta. Chaque année le festival polonais est tenu à la mi-septembre et vous pourrez y déguster des pierogi (gros raviolis farcis), le bigos (ragoût traditionnel), kielbasa (saucisse) ou borchtch (potage de betterave). Une statue de Jean-Paul II, près de la banque coopérative St. Stanislas – St. Casimir, commémore la visite du pape dans ce quartier en 1984. » Pour en savoir plus : Festival polonais / Restaurant Chopin
(Source : http://decouvrirtoronto.com/category/quartiers-de-toronto/quartiers-ethniques/)
Localisation. Avenue principale : Roncesvalles Avenue, de Queen St. à Dundas St. Bordé par High Park.
Parenthèse. () Les descriptions des quartiers seront des « reprises ». Pourquoi faire moins bien ce que d’autres ont fait mieux avant nous ? A savoir résumer un quartier en quelques lignes. Au final, j’ai tout extrait du même site, parce qu’il propose les descriptions les plus neutres, les plus factuelles, les moins aguicheuses, les moins folkloriques, les moins marketing.
Errance. Déambulation sur l’avenue Roncesvalles. Late lunch chez Chopin Restaurant, a « Fine European Dining ». Cabbage Rolls. Copieux dans l’assiette, pas sur l’addition. Tenu par jeune serveuse et couple plus âgé qui semblent intimes. Clientèle parsemée, ambiance de début d’après-midi. Tenanciers et clients parlent en polonais. Accueil agréable. D’une manière générale, relativement entendu parler polonais sur l’avenue, presque surprenant, au vu du nombre très relatif de Polonais et Canado-polonais répertorié dans le quartier. On y croise une population plutôt âgée, des vielles dames qui se tapent la causette dans la rue. Mais pas seulement. La communauté polonaise s’est concentrée ici à la fin des années 40 avec la construction de l’église. Aujourd’hui, il est encore le lieu de célébration du Festival culturel de la communauté et d’autres événements communautaires, à en croire les affiches placardées sur les vitrines du quartier. Le Toronto Polish Film Festival s’y déroule d’ailleurs dans quelques jours. Outre l’église, des cafés et des restaurants estampillés, on y trouve des Delis débordant de viandes et d’alléchantes pâtisseries. Parmi les autres commerces communautaires, on trouve des agences de voyages, des avocats, un salon de coiffure qui cherche un employé maîtrisant le polonais, deux boutiques vendant des objets « européens » old fashioned. Il ne s’agit pas de boutiques folkloriques, elles semblent plutôt s’adresser à une clientèle d’un autre temps. « Européens », c’est sous cette appellation que se présentent souvent les boutiques ou autres restaurants de l’Europe de l’Est, comme j’ai déjà pu le remarquer à Montréal et New York. On trouve aussi des journaux en polonais.
Charmant quartier. Petit cinéma, commerces assez éclectiques, quelques enseignes asiatiques, surtout vers le haut de l’avenue, des enseignes Green évidemment, une offre de restaurants et cafés variés, la présence de chaînes de cafés aussi. Le tout décoré par une statue fleurie en hommage à Jean-Paul II, pour célébrer sa venue dans le quartier. Roncesvalles est en outre situé à proximité d’un des plus grands et beaux parcs de la ville, High Park qu’on peut atteindre en traversant le boulevard High Park et ses très belles demeures. A une des extrémités du quartier, on accède au lac après avoir traversé le pont enjambant les six voies de train et d’autoroute. Retour via la partie encore populaire de Queen Street au-delà de Dufferin et de Parkdale, portion « en pleine mutation », à éviter selon les sites… Portion où l’on croise des enseignes tibétaines, une concentration d’enseignes indiennes et caribéennes vers Landsowne, une église maronite, deux bagarres de marginaux, un centre social. Et en bout de rue, les cafés bohèmes qui essaiment.
Observation. Dans ces quartiers communautaires historiques, les jeunes s’en vont, et ceux qui restent, sont souvent des enfants qui reprennent des commerces familiaux. Mais Roncesvalles n’est pas Brighton Beach, la communauté polonaise y est moins âgée.
Verdict. Type-fonctions : enclave commerciale, centre historique, centre pour la communauté polonaise, transnation dispersée ayant conservé un centre communautaire, une « capitale » dans la Ville-Monde. Quartier pas touristique et plutôt excentré. Entre événements, lieux de bouche, église et institutions, le quartier reste un core pour la communauté. A noter le grand home qui permet aux personnes âgées de couler leurs vieux jours dans ce petit bout de pays importé en leur temps.
Météo : toujours très stable. La fraîcheur de l’automne s’installe très graduellement. De jolis moments d’ensoleillement.
Méthodo. Ce voyage qui doit d’abord répondre à une réflexion, se voit investi d’une mission subsidiaire. Constituer un cheminement pour déterminer la façon de le faire concrètement. En l’occurrence, en situation, ça consiste à faire parler un peu les hommes, et laisser parler beaucoup les lieux. Observer comment les réalités sociales s’inscrivent, s’impriment, sont reflétées dans le paysage. Les lieux nous en disent parfois plus que les hommes. S’intéresser au lieu, à sa géographie, et collecter des voix pour ouvrir de nouvelles voies, des pistes de réflexion pour ce projet. En même temps qu’il se définit, pouvoir expliquer et exposer la teneur du projet qui s’écrit. Il me permet aussi d’interroger mon propre rapport à la mobilité, moi une casanière en perpétuelle « fuite ». Une angoissée qui a besoin de dépasser sa peur et se mettre en danger. Confronter mon rapport paradoxal à la mobilité. Mon propre paradoxe de la mobilité, une métaphore à toute petite échelle d’un rapport plus global à la mobilité, à savoir cette tension entre deux forces opposées, entre mouvement et ancrage. Ce grand mystère, ce champ de forces opposées me fascine. La plupart des gens sont mobiles, en quête perpétuelle de leur lieu, alors que finalement peu d’entre eux interrogent cette mobilité. Ils la vivent, sans l’accompagner de mots.
Day eight. Le quartier lusophone
Coffee-thoughts. Je suis contente ça commence à bien se dessiner dans ma tête. Et bien, ce sera un joli bazar cet essai, avec comme fil conducteur la thématique du monde mobile et moi qui cimente tout ça et qui l’incarne aussi. A côté du récit papier, créer un blog, pour m’éclater, expérimenter. L’un complètera l’autre.
Le carnet de bord est essentiel, un terrain n’est pas quelque chose de désincarné. Le temps qu’il fait, ce qu’on mange, les conditions dans lesquelles on loge, son état d’esprit, toutes ces variables influencent la réflexion, font partie du cheminement, tiennent une place essentielle dans l’expérience.
Entendu une émission où il était question du retour d’une langue régionale, le fragnol, accompagné d’une réflexion sur l’immigration et l’identité. Ça m’a fait repenser à mon questionnement montréalais. Quelle place pour des ajoutés parmi un peuple qui tentent de figer leur langue ?
Présentation. « À l’Ouest du quartier italien se trouve le quartier lusophone de la ville connu ici sous le nom de ‘Portugal Village’. Peuplé essentiellement de Portugais, on y trouve aussi des Brésiliens et quelques Angolais. Venus pour la plupart des Açores et de Madère et fuyant le régime politique d’António de Oliveira Salazar, les lusophones de la ville affichent leurs racines avec fierté. Il n’est pas rare de voir des rues avec des maisons sans un seul drapeau canadien et de nombreux drapeaux portugais, surtout pendant les grandes manifestations sportives. Les portugais du quartier ont ouvert de nombreuses boulangeries, épiceries et boucheries ainsi que leurs célèbres restaurants proposant grillades de viandes dénommés churrasqueira. » Pour en savoir plus : Le quartier portugais, site officiel des entreprises et restaurateurs, Map interactive. (Source : http://decouvrirtoronto.com/le-quartier-lusophone/)
Localisation : Dundas St. West, de Dufferin St. à Bathurst St. for the commercial cluster
Mon itinéraire : Dufferin via King et Queen; monter sur Dundas, descendre Dundas W. St. Jusqu’à Bathurst, descendre jusqu’à Queen et retour via Queen St.
Ce quartier constitue le cœur historique de la communauté portugaise. Sa croissance s’est faite principalement entre 1950 et 1970. Racines et identités sont célébrées dans des magasins et restaurants estampillés. Le quartier connaît une nouvelle évolution de son identité avec l’arrivée d’immigrants du Brésil, de Chine, du Vietnam, d’autres nations lusophones, mais aussi de jeunes cadres urbains. Aujourd’hui s’y installent des galeries, cafés, magasins de fripes, reflets de l’expansion de la bohème-branchée de Queen Street West sur Ossington. L’enclave connaît à la fois une phase de vieillissement de sa population d’origine accompagnée d’une gentrification. Toutefois, le quartier donne une impression plus jeune que par exemple Little Italy à Montréal. Apparemment, le village portugais connaît la même évolution que la majorité des quartiers communautaires, les jeunes partent, les nouveaux peuvent s’installer ailleurs, arrivée des bobos et d’autres communautés. L’enclave devient symbole communautaire. Peut-être se maintiendra-t-elle grâce à de nouveaux flux récents.
Errance. Au début de Dundas, en arrivant par Dufferin, surtout des commerces identifiés brésiliens. Lunch au café Nova Era, une des deux grandes boulangeries rivales du quartier avec Caldense, sur Dundas. Un yummy bifana. Avec le journal Métro. Only Portuguese speaking people in the café.
Un groupe d’hommes âgés en plein débat, un homme qui fait le show, un comptoir à loterie pris d’assaut et des serveuses en mode Halloween, déguisées en lapins. Addition bon marché. Au niveau du menu, même constat qu’ailleurs, de la mixité. Mélange de spécialités portugaises et de sandwichs américains, de Pastéis de Nata et de cupcakes. Remarqué aussi pas mal de vitrines vides dans le quartier, plus fréquemment à mesure que je descends Dundas. Au milieu, l’imposant Bellwoods Park. Au niveau des commerces « communautaires » : pléthore d’agences de voyages brésiliennes et portugaises, écoles de conduites, bureau d’immigration, chaîne de radio, quartiers généraux de la presse, quelques cafés-pâtisseries, des cafés sportifs, des restaurants, des churrasqueiras, un fado, une épicerie, une mercerie, des banques, des boutiques de clubs sportifs et de cadeaux. A mesure qu’on approche de Bathurst, les commerces asiatiques prennent le dessus. On trouve aussi une enseigne d’une chaîne de fast-food moyen-orientale et halal.
Observation. Village lusophone convient mieux que « Little Portugal ». Le Portugal et ses former colonies partagent une même enclave. Quartier de rassemblement sur le critère de la langue portugaise. Et d’une « culture lusophone » ? Les quartiers dits ethniques de Toronto sont jusqu’ici à l’image de la ville, pas show-off. Même si on observe de nombreux marqueurs territoriaux (« Little Portugal » est même gravé dans le sol). Quartiers tranquilles, quartiers de mixité, nice atmosphere neighborhood to hang around, grab a coffee and eat something « local ».
Météo : a cold rainy day… no pictures.
Complément. Lu articles sur histoire et évolution du quartier, et sur le niveau d’éducation des Portugais à Toronto, réputé plus bas que la moyenne. D’après les témoignages, la communauté n’est ni moins studieuse ni plus défavorisée, mais plus commerçante, selon cet adage, « making money better than loosing time ».
Petite migration urbaine. J’entame le troisième tiers. Le deuxième est toujours le plus dur, mais peut-être celui où face au vide et à la difficulté, on en apprend le plus sur soi-même. Phase aussi durant laquelle à mesure qu’on explore la ville on se prépare à rentrer avec une nouvelle envie de découvrir la sienne, une autre façon de la vivre, avec de nouvelles idées d’exploration urbaine. Mais avant d’envisager le retour, la grande défenderesse acharnée des doubles identités, il est peut-être temps que j’accepte la mienne, non ? J’aime les deux statuts, je suis les deux. La travailleuse salariée et l’apprentie géographe indé. Par phases successives. Allez, it’s time to pack for a new home…
Day nine. Moving to Baldwin Village
Snowing. Petites giboulées. Dernier breakfast-newspaper au café. Pumpkin muffin to celebrate fall. Puis, bouger, encore. Toujours à la recherche du perfect housing. Dans ce genre de trip, the whole game consiste à dénicher le good housing. Le bon équilibre entre être chez les autres, et se faire une micro-place. Entre ancrage et errance. Entre hiding et présence.
In Globe and Mail today.
Deuxième partie. Baldwin Village, un hameau dans une enclave. Petite enclave centralisée, à côté (dans ?) Chinatown, de Kensington Market, de l’Université, de Downtown. Bref, idéalement située. De surcroît full of restaurants et cafés charmants. Just love it. On peut y effectuer un tour du monde culinaire à l’intérieur d’un carré. Restaurants japonais, café Vegan, pizzeria, restaurant mexicain, français, chinois, … Beaucoup d’enseignes de raven, ces nouilles japonaises bon marché, pour satisfaire la clientèle d’étudiants de l’université. J’apprécie aussi ma nouvelle location, big bed, really cute house and garden. Premiers pas : late lunch in a very friendly Japanese Bar, laundry at the Chinese pressing, awkward beer in a pub nearby, chat with the landlords and guesthouse’s customers.
My landlords. Tess and Roger ont l’air d’être le genre d’hôtes aux petits soins. Le genre toujours busy aussi. Ils me disent être des immigrés au Canada. Après avoir occupé un temps un appartement au centre de Toronto, ils ont migré une longue période durant en banlieue, à Mississauga, parce que « that was the way it was then ». Tous ceux qui avaient réussi, étaient parvenus à « made a living », migraient naturellement en banlieue. Aujourd’hui, on assiste à un mouvement exactement opposé, as « everybody wants to live in the center ». Mouvement qui explique cette prolifération de Condos, amplifiée par tous ces parents aidant leurs enfants à en acquérir un. Pour revenir à mes hôtes, il y a huit ans, Tesss et Roger, parents de trois enfants, ont pris une retraite anticipée et débuté ce business. Ils possèdent désormais trois guesthouses dans le centre de Toronto.
Une guesthouse, c’est un lieu qui résonne aux échos des mobilités. Ici je fais la connaissance de Jessica, qui nous vient de Perth en Australie. Son mari a décroché un poste dans un hôpital à Toronto, un poste qui permettra de faire progresser sa carrière. Ils envisagent donc une installation temporaire ici, une expérience de quelques années avant de rentrer à la maison. Jessica se trouve donc à Toronto pour décrocher elle aussi un job. Mais malgré ses années de pratique en Australie, sa semaine s’annonce comme une suite d’entretiens pour des postes de stagiaire. L’autre guest, Catherine est une travailleuse pendulaire qui pendule depuis London, Ontario. Du coup elle a fait de cette guesthouse sa deuxième maison, où elle passe trois jours par semaine pour éviter les longs trajets.
Quant à moi, pour la première fois de ce voyage, à la question qu’est-ce qu’on peut bien venir faire plus de trois semaines à Toronto, j’ai parlé simplement de mes intentions. Most of the time just trying to figure out what I’m doing… But basically want to write on global cities and actually come in to do so.
Enquête sur mon nouvel environnement spatial. Je profite de la soirée pour glaner des infos, et apprends dans la foulée que Kensington Market est encore une newcomers place, avec aujourd’hui beaucoup de Latino-Américains qui s’y installent. Kensington était auparavant le quartier juif de Toronto, avant que ses habitants ne migrent vers Forest Hill. Des Juifs possèdent encore quelques bâtiments dans leur ancienne enclave. Quant à l’ancien Chinatown, il a été déplacé par le gouvernement dans les années 1970, pour y construire l’actuel City Hall ainsi qu’un quartier d’affaires.
Chassés-croisés. Donc si je résume ce que j’ai capté so far. Les Juifs de Kensington possèdent encore commerces et bâtiments dans leur ancienne enclave. Aujourd’hui une population majoritairement latino-américaine s’y installe. People used to leave the city. Les Juifs à Forest Hill, mes hôtes à Mississauga. Désormais tout le monde revient. D’où les Condos et la gentrification. Je ne sais pas si tout cela correspond au schéma de l’Ecole de Chicago ou aux théories d’Apppadurai, mais pour sûr les choses bougent, les quartiers évoluent et se recomposent. Les quartiers ethniques témoignent d’une mobilité-ancrage. Les immigrés qui y vivent ne sont pas des mobiles errants. Quant aux quartiers ethniques centraux, ils n’ont plus la même fonction. S’ils continuent à remplir des fonctions pour les communautés, ils ne sont plus forcément le lieu de la première acclimatation, qui elle se fait en banlieue, dans de nouveaux quartiers ressemblant davantage aux pays d’origine qui changent eux aussi. A savoir mondialisés, mixtes. On trouve beaucoup de banlieues multi-ethniques à Toronto. Des quartiers mono-ethniques ou basés sur une concentration religieuse peuvent se maintenir dans le temps en cas de stigmatisation ou du rejet d’une religion par exemple.
Éloge de l’errance. Quelques bribes d’éloges entendues à la radio … des phrases comme « La communauté de ceux qui n’ont pas de communauté. Êtres très dispersés d’une communauté inavouable. » ou « immersion dans la vie des autres », ou encore « ce pays dont j’ai le passeport ».
Day ten. Through Chinatown, Little Italy, Little Portugal, Queen and Kensington
Breakfast communautaire. Ici le petit déjeuner se déroule autour d’une longue table commune. L’occasion de recevoir conseils sur la ville, de débattre ou s’échanger des confidences. Deviendra vite un moment privilégié de ce séjour. J’apprends ce matin que Roger et Tess viennent des Philippines et qu’ils ont une fille dans la trentaine qui étudie le design d’intérieur. Autour du café, Jessica, Catherine, mes hôtes et moi débattons d’arbres généalogiques, de la « vague verte » qui déferle sur les villes, des taxes et de la population canadienne qui vit pour 70% d’entre elle près de la frontière. En duo avec Tess, la discussion prend ensuite une tournure plus personnelle. Le petit déjeuner est aussi l’occasion de prendre des nouvelles du monde et de la ville à travers la presse. Le monde mobile in Toronto Star today : “Over the borderline” ou “The meaning of home”, par Adrienne Clarkson. Histoires d’exils. Questions d’identités et d’appartenance.
Configuration spatiale : A Toronto, Chinatown, Kensington Market, Little Italy et Little Portugal se suivent dans le centre. Une errance dans ce coin de la cité offre donc l’occasion de traverser de nombreuses frontières communautaires. Et qui dit zones frontières dit mélanges, confusions, superpositions…
My journey : Marche à travers Baldwin St. et Dundas, qui traversent l’Art District et Chinatown. En face de l’Art Gallery of Ontario se trouve un French Café, identifié par un panneau sur lequel trône la Tour Eiffel, et duquel s’échappe la voix du chanteur Renaud. De tous côtés du café, des inscriptions en chinois. Chinatown commence après le musée (limites du quartier : Spadina Avenue, University Street, Queen Street, College Street). Après l’intersection Dundas-Spadina, cœur de Chinatown, je traverse Spadina, son artère principale. En remontant en direction de College St., et à proximité de Kensington, Chinatown est mixé avec des enseignes latinos et des marques de l’ancienne présence juive. Droit devant, l’Université. Je prends College Street vers Little Italy – centre spirituel des Italiens de Toronto, quartier branché et festif – puis à travers Little Portugal. Rejoins l’autre partie de Little Portugal à travers une zone résidentielle, puis redescend via Ossington St., une rue à l’allure très « hipsters » que Roger m’a recommandée. Je termine à Kensington Market via Queen St.
Zoom sur Chinatown. A Toronto, contrairement à New York ou Montréal, tu ne te rends pas à Chinatown depuis le centre, mais tu passes par Chinatown, it’s just on your way. Configurations et dynamiques différentes. Il n’y a pas ici ce caractère d’enclave protégée que peut avoir un NYC Chinatown. Maintenant, les communautés chinoises fraîchement installées peuvent bénéficier sans problème de refuges qui ne sont pas des attractions, Toronto comptant cinq Chinatown en-dehors du centre.
Présentation « Vous avez bien lu le titre de cet article. Il n’y a pas un quartier chinois à Toronto mais plusieurs. Le plus ancien quartier n’existe plus, il est actuellement occupé par l’hôtel de ville de Toronto. Suite à la destruction de cet ancien quartier, la majorité des restaurants et commerces chinois se sont installés autour du carrefour de Dundas & Spadina. Ce quartier est un des plus grands ‘Chinatown’ du continent mais la pression immobilière a déjà poussé de nombreux chinois à quitter le quartier pour s’installer dans l’Est de la ville, dans le quartier de Riverdale. Le 2e quartier chinois est connu à Toronto comme étant ‘East Chinatown’. » « Les nouveaux immigrés chinois, généralement plus à l’aise économiquement et provenant de Hong-Kong, ne s’installent plus dans ces quartiers mais dans les banlieues de Markham et Richmond Hill où l’on peut trouver un très grand nombre de centres commerciaux et restaurants. » « Ce qu’on peut faire à Chinatown : Manger du DimSum, c’est à dire manger un repas de tradition culinaire cantonaise qui consiste à proposer une série de petites portions cuites à la vapeur, au four, à la friture ou poélées ; Manger de la cuisine sichuanaise, cantonaise ou vietnamienne ; Acheter des thés exotiques : thé blanc, thé vert, thé au jasmin, thé oolong, thé pu-erh ; Trouver des souvenirs bon marché : bagues, morceaux de jade de qualité moindre, anciennes pièces chinoises, piastres de commerce d’Indochine, bracelets d’hématite … ; Manger une collation dans une des boulangeries chinoises : on choisit ses mets avec des pinces et on passe à la caisse avant de s’asseoir. ; Flâner dans les marchés de fruits et légumes » (Source : http://decouvrirtoronto.com/les-quartiers-chinois/)
Observations. Je n’appellerai pas Chinatown Chinatown, même si en grande partie l’appellation n’est pas usurpée. S’y trouvent beaucoup d’enseignes taiwanaises, vietnamiennes ou encore japonaises. Donc le qualificatif Asiatown conviendrait mieux au quartier. Bonne atmosphère, foule de tous âges, familles. En traversant le quartier, me reviennent ces marquages d’identification ethniques montréalais : « Blanchisserie grecque », « Mercerie italienne » ou « Discothèque portugaise ». Marquage commercial d’un territoire multiethnique, parfois pointe de folklore. Maintenant, imaginez si sur chaque devanture de Chinatown on puisse lire « restaurant chinois » !…
Zoom sur Little Italy. « Les Torontois disent ‘Little Italy’ pour ce quartier sympathique de Toronto aux allures très européennes. Dès les années 1920, les Italiens originaires de la région de Calabre, de Sicile, des Abruzzes et même d’Istrie se sont installés sur la rue College, entre Bathurst et Ossington. Fiers de leur culture, de leur patrimoine, plusieurs festivals sont organisés dans ce quartier qui compte parmi les meilleurs restaurants et cafés européens de la ville (la Forchetta, Sicilian Sidewalk Café pour ne citer qu’eux). Malheureusement, la population italienne quitte progressivement ce quartier et nombreux sont ceux qui sont installés dans d’autres coins de la ville et en banlieue. Avec l’arrivée d’une population plus jeune, qui n’a pas forcément de racines italiennes, c’est désormais des restaurants de ‘sushis’ et de ‘burritos’ qui ouvrent régulièrement leur porte. Cependant les anciens habitants n’ont pas dit leur dernier mot : chaque vendredi saint, le quartier est fermé à la circulation afin de permettre un gigantesque défilé religieux où se mêle nouveau testament et fierté italienne. Il en va de même, pendant la coupe du monde ou d’Europe, le quartier vibre au rythme des matchs de la Nazionale di calcio dell’Italia ! Toutes les terrasses du quartier, dont le célèbre Café Diplomatico sont prises d’assaut et nombreux sont les restaurants qui obtiennent des permis temporaires pour installer des chaises et tables en pleine rue. » (Source : http://decouvrirtoronto.com/le-quartier-italien/) Site officiel : http://littleitalycollegest.com/
Poutine torontoise…. A Toronto, tu trouves des enseignes qui proposent des poutines, spécialité québécoise s’il en est, déclinées à toutes les saveurs géographiques. Ça m’a donc amusée de manger ma première poutine, l’Italienne, à Toronto, en Ontario, à Little Italy qui n’est du reste plus italienne mais portugaise !… Combien de mixo-contradictions ?!? Ma « poutine italienne » d’origine québécoise semble une des seules choses italiennes dans Little Italy today.
Retour à Kensington Market. Mon image du quartier commence à s’affiner. Kensington Avenue mélange des enseignes tibétaines, népalaises, vegan et des friperies vintage. On peut aussi s’y régaler dans ce take-away italo-jamaïcain « Rasta Pasta ». Augusta se présente elle comme la rue latino-américaine, sur laquelle on trouve notamment aussi des discounters. Quant à Baldwin, elle propose un mélange très éclectique, se partageant entre des enseignes caribéennes, un magasin de pop-corn, des crêpes japonaises, une enseigne de bagels, et une variété de commerces d’alimentation sur sa partie centrale, fromagerie, boucherie, marchés, boulangerie.
Rêverie en terrasse. Cosmopolite spirit dans cette cité ? Mmh you know, nothing special, that’s just (something that is) there. Alors que New York m’est apparu comme un lieu for everyone to make business, Toronto semble être le lieu for everyone to live. On peut y croiser beaucoup de couples mixtes. Et ça et là, some mixed group of friends. I love this city I really do, there is something very special here. Je l’aborde avec sérénité, just the way it has to be feeling. And I realize that from now on Toronto will just be part of me. Like London did at the time. Me revient une lecture sur la volonté du gouvernement canadien de répartir les immigrés en-dehors des grandes métropoles, avec un résultat notable ces dix dernières années. Cette politique modifie les stratégies et les lieux d’installation. Avec comme éventuel résultat qu’on n’assistera vraisemblablement pas au Canada à une scission entre villes globales et territoire national, mais à un État mélangé partout.
Meteo : a frozen very sunny Sunday. So as long as you choose the right side of the pavement it was ok.
Verdict : Heureuse configuration spatiale. Italie historique torontoise, Chine hybride torontoise et Lusophonie torontoise cohabitent harmonieusement.
Day eleven. Greektown
Présentation. « Toronto est une mosaïque de quartiers ethniques et l’un des plus importants de la ville reste le quartier grec ou quartier Danforth. Peuplé de très nombreux bars et restaurants, le quartier organise tous les ans au mois d’août une grande fiesta piétonne. Un temps le plus grand quartier grec de l’Amérique du Nord par sa population et son étendue, le quartier s’est progressivement diversifié : on y trouve aujourd’hui aussi des restaurants de Sushi et des pubs aux allures irlandaises ou britanniques entre les restaurants helléniques. » (Source : http://decouvrirtoronto.com/le-quartier-grec/)
Site officiel : http://www.greektowntoronto.com/
The Journey : Le quartier grec est situé à l’Est de la ville, je rejoins donc la station de métro St. George sur Bloor Street via St. George Street, le cœur du village universitaire, ses nombreux étudiants et sa gigantesque bibliothèque. Je prends ensuite la ligne Bloor-Danforth, jusqu’à la station Chester. Au premier coup d’œil, confirmation de ne pas m’être trompée d’itinéraire avec les « Bienvenus à Greektown », les drapeaux grecs et les pots de fleurs estampillés. Greektown est donc bien indiqué et balisé de chaque côté. En fait, Greektown est avant tout un BIA, une zone commerciale organisée. On y trouve pas mal de restaurants grecs, allant de la taverne au restaurant branché, des pâtisseries grecques, une place sur laquelle trône une statue d’Alexandre le Grand, quelques boutiques, mais aussi des tapas ou des sushis. Les noms des rues sont traduits en grec ou simplement juste en grec. Devant l’église romaine de la rue principale, un panneau indique la localisation de l’église orthodoxe. En-dehors des enseignes grecques, une variété de commerces assez éclectiques. Quelques mamis qui conversent en grec dans la rue. Ambiance de jour de semaine, population affairée au quotidien. Arrêt à « Athens », pâtisserie trèèès sucrée, où en sus de la tarte à la crème conseillée, je me suis vue offrir des honey balls pour goûter. Le café est tenu par deux femmes grecques, une jeune et une plus âgée, fort sympathiques. Clientèle assez parsemée. Homme sur son portable, trio de femmes parlant grec, monsieur anglais en visite avec son petit fils. Yes, Greektown, that’s the place to eat Greek food.
Retour au centre. Atterrie à Yorkville, quartier chic de Toronto. Ballade sur Bloor St., Yonge, Avenue Road. Me suis ensuite perdue dans « Université City », un grand village anglais du XIXème. 70’000 étudiants sont répartis dans des dizaines de bâtiments historiques abritant autant de Colleges différents. Via Queen Park Cr. East, et Technology District, j’ai eu un mal fou à regagner mon quartier, l’excès de sucre me faisant vaciller, trembler, suer. Parvenue avec grandes difficultés sur Baldwin Street, où je m’arrête dans un café pour recover. Seule cliente, cette pause café a pris une tournure amicale avec le serveur, un jeune homme ayant toujours vécu à Toronto, grandi dans sa banlieue, pour s’installer finalement dans le quartier The Annex, quartier plutôt étudiants. Il aime The Islands, St. Lawrence Market et Kensington, selon lui “a very creative place”. Il aimerait bouger un peu de Toronto, vers une plus petite ville moins peuplée, comme Niagara on the Lake. En attendant, je suis la bienvenue dans son café, ou pour sortir, si j’en ressens l’envie. Le soir, je me régale d’un pork on rice pris dans un take away sur Chinatown, remarquant au passage mes voisins tenanciers chinois du resto d’à-côté qui regardent passionnément un match de hockey dans leur restaurant. Quant à la tenancière canado-chinoise du Convenient Store d’à-côté, elle a flashé sur mon sac, mais trouve son prix trop élevé pour elle.
Complément. J’ai lu une étude sur l’histoire des quartiers ethniques au Canada. De commerces ethniques pour immigrants à commerces ethniques pour everyone. Les enclaves ne sont plus situées au centre-ville mais dans des banlieues résidentielles. L’article aborde aussi l’évolution des Chinatown et l’importante vague migratoire en provenance de Hong Kong avant sa rémission à la Chine.
Nuancer. I thought Canada would be the place, would be that place. Mais quelques indices se sont manifestés today, sur le Canada et son immigration. Je suis tombée sur Jessica sortant de son premier entretien. Finalement l’hôpital ne veut pas engager une Australienne, mais un ressortissant canadien pour ce poste. Dans le magazine Immigration, it is all about business. And stories about how hard it is to make it in Canada. Même si le pays a besoin d’immigrants. Ca m’a rappelé cette confidence qu’on m’a faite sur la tolérance cosmopolite torontoise : “You can be whoever you want here but maybe you can’t find a good job.”
Highlight. Frost Bites, by Jude Paul. Short stories about immigrants.
Météo. Kind of hot today.
Day twelve. Depending on the weather.
“Toronto is not about the buildings, it is about the people” Roger, quoting a guest.
“I call it creative energy. Go to Kensington Market you can feel it” Roger
Toronto by Roger. Ses conseils pour découvrir la cité. Se rendre à The Beaches, quartier « balnéaire » et résidentiel. Grimper dans le tram qui traverse Queen Street. Lire le magazine Toronto Life. Roger a un avis sur tout : la gentrification de Queen Street, les belles demeures de Roncesvalles, la grande ville qui attire toutes sortes de gens, les homeless. Il vénère Jane Jacobs, grande architecte qui a révolutionné l’urbanisme nord-américain, Toronto en particulier. Il me parle surtout de l’énergie de cette ville. Où un Londonien d’origine iranienne comme Jian Ghomeshi peut devenir une star de CBC. Toronto, reconnue comme étant la ville la plus multiculturelle du monde. Et ça fonctionne you can feel it. Toronto qui ne connaît pas les tensions raciales que connaissent Londres et l’Europe. Si tu te perds dans cette ville tu trouveras toujours quelqu’un pour t’aider. Toronto dont l’intérêt ne sont pas ses bâtiments mais ses habitants. Toronto. This creative energy. On peut sentir l’énergie creative ici.
Roger, a challenging man aussi, qui connaissant mes intentions, veut me faire rencontrer leur ami géographe. Attentes, pressions, conseils, voilà pourquoi je préfère dire que je suis en vacances. What to tell. I am trying to figure out who lives where in this city, with who and why if there is one. Je cherche à comprendre comment la mondialisation crée, modifie et affecte les villes globales. Je suis venue à Toronto to see what’s going on here, comment fonctionne cette place financière majeure par ailleurs reconnue comme étant une des villes les plus multiculturelles du monde. Mais surtout sentir son atmosphère.
Déambuler au gré de l’inspiration. Kensington Market. Entertainment District. Downtown
Méthodo : Walking to feel, observing to guess, talking to learn, researching and reading to know. Or rather this way : researching and reading to learn, talking to know.
Chinatown. Chinatown ce matin c’est “Beautiful beautiful Dim Sum Dim Sum”. Une Chinoise fait du prosélytisme dans la rue. « Sign it Sign it”. Ok but what it is ? “Beautiful beautiful”, “Sorry I don’t speak English”, “Beautiful Beautiful” me montrant le prospectus, est tout ce que j’obtiendrai. Bon ben j’ai signé avant de déambuler dans le quartier, paradis du Dim Sum.
Kensington Market on a November weekday. Un Rasta m’invite à entrer dans sa boutique. Je prends mon lunch au restaurant Hungary Thai sur Augusta (dont l’originalité du métissage me rappelle avec amusement les “sushis mexicains et tacos japonais” de Nolita à NYC), composé d’un Schnitzel servi par la tenancière, une canado-hongroise dans la soixantaine, amusée par ma question sur le mélange peu habituel des gastronomies thaïlandaise et hongroise. Aapparemment pas la première fois qu’on lui pose la question, dont la réponse décontenance par sa simplicité : “It was a Thai restaurant a long time ago and I’m from Hungary so I add the Hungary part.” Ne voulant pas “drop the Tai part”, elle a mixé les deux,… logique ! Elle tient enseigne sur Kensington depuis quinze ans et aime cet endroit, qu’elle trouve « fun », particulièrement en été quand la foule et les groupes de musiques envahissent les rues. En tout cas, le restaurant just speaks for itself. Loved the Kensington week version too. It’s like Kensington to its people.
Je prends ensuite le chemin d’Entertainment District et du Tiff Light Bell. Traverse le quartier d’affaires du Dominion Center et ses gratte-ciels sur Yonge Street, fais un crochet au Eaton Center pour observer la foule. Transite par Dundas Square et rentre par Dundas Street. Bref, déambule dans le centre où l’Halloween mood cède gentiment la place à un pré-Christmas spirit.
Secure et détendue depuis deux jours, je vis une de ces journées où tu te sens parfaitement en osmose avec la ville. Even with the windy rain. Even si les cigarettes coûtent 12.50 $ Whaouuuu !!! I understand why so few people smoke in this city !
Je ne sais pas si je l’ai déjà dit, mais tant pis, je le redis. Cette partie de la ville où je vis se compose d’un mélange passionnant, regroupant Chinatown, Kensington Market, Baldwin Village, le village de l’Université, le Art District, avec Spadina Avenue faisant office de corridor principal.
Toronto Life. Je me suis attaquée à la pile des magazines qui vont me révéler une partie des secrets de cette cité. Aujourd’hui, I have this fascinating reading, du Toronto Life, de février 2014, intitulée The divided city – A portrait of Toronto in 2014. L’article The great divide, donne sur plusieurs pages la voix à différents points de vue sur Toronto et son maire Rob Ford. Je vous passe les détails du dossier, mais les titres peuvent vous donner une idée du contenu et des débats qui agitent Cosmopolis.
“Let’s try getting along. To fix a broken city, we need a charismatic mayor with the vision to run a metropolis”, by Chris Selley; “For the Love of Rexdale. My north Etobicoke neighbourhood isn’t perfect, but I prefer it to the hypocrisy of downtown”, by Jeet Heer; “Downtown Takes All. Toronto’s new gilded age never made it to the burbs”, by Philip Preville; “Working Like Dogs. My Chinese immigrant parents will vote for Ford – as long as he doesn’t raise their taxes”, by Simon Yau; “My Brown Scarborough. Multiculturalism left us stuck on the periphery”, by Naheed Mustafa.
Oui il semblerait bien à la lumière de ces lectures, que les enclaves ethniques se forment en banlieues de nos jours. Alors que the newly rich used to escape there, the newly poor who arrived now gather there. Et les kids of the newly rich return to the City. But they are no longer “ethnic”. Voilà pour le cadre général. Mais c’est plus compliqué. Certains quartiers du centre continuent à accueillir des nouveaux arrivants, qui ne font pas que d’y tenir des commerces ethniques, mais y vivent. Je n’ai pas encore intégré toute la dynamique et ses subtilités. Haven’t got everything yet. Suis encore loin d’être prête à livrer « mes réponses à Arjun » sur l’état de l’État, le trait-d’union identitaire, les transnations. En tout cas, pour ce qui est de mes voisins, ce sont bien des Torontois d’origine chinoise qui vivent sur Baldwin St.
Day thirteen. Gerrard India Bazaar, The Annex, Koreatown
“Not succeed was just not an option.” “We had no one to count on, no friends or family to count on when we arrived.” Tess
Confidences matinales. Ce matin, en sus de mes deux cafés-soupe, je m’abreuve des confidences de Tess sur son parcours migratoire, son parcours de femme, sa vision du Canada et de l’immigration. J’apprends que Roger et elle sont arrivés des Philippines à Toronto en 1975. Avant de lancer ce business de guesthouses, Tess travaillait dans la finance, après avoir pris des cours de management et une option investissement pour élargir ses compétences. Mais son truc à elle c’est la peinture. Elle n’a jamais craint de perdre son job en raison de son expérience. Pour elle et Roger, échouer n’était de toute façon pas une option. Pour pouvoir travailler dur tout en élevant ses trois enfants, elle s’est contentée de cinq heures de sommeil par nuit durant de très longues années. Son système immunitaire a fini par faillir. Elle est encore aujourd’hui en rémission d’un cancer du sein.
Dans la finance, Tess gagnait bien sa vie. Et dès qu’elle et Roger avaient un peu d’argent de côté, ils empruntaient pour acheter une maison, puis ré-hypotécaient pour s’offrir la prochaine. Désormais, leur patrimoine se compose de trois Inns et de plusieurs bâtiments dans le centre de Toronto. A 59 ans, forte de ce patrimoine, Tess prend une retraite anticipée et accepte de gagner moins afin de développer une activité dans laquelle leurs enfants puissent être impliqués, et leur apprendre que l’argent ne s’acquiert pas si aisément. Deux garçons dans la quarantaine et une fille de trente ans, qui vivent tous les trois dans une des propriétés parentales. Aucun d’eux n’est marié ni n’a d’enfants. Car les choses sont différentes aujourd’hui. Les jeunes attendent quelque chose de spécial. Elle et Roger se sont mariés jeunes, ne se sont jamais posé tant de questions. Quoi qu’il en soit, deux d’entre eux ont choisi des métiers dans la création, un de leurs fils travaille dans la réalisation de décors pour des films et des séries, et leur fille se dirige dans le design intérieur après avoir étudié l’économie. Il lui reste un peu plus d’un an pour finir son deuxième diplôme, du coup Tess a reporté ses projets de peinture et de repos et continue à travailler encore un peu pour la soutenir financièrement. Tous trois commencent cependant gentiment à s’intéresser au business familial. Niveau familial, deux des sœurs de Tess vivent aussi dans la région torontoise. Ce qui était également le cas de sa mère jusqu’à l’an dernier, lorsqu’elle tomba malade et rentra finir ses jours au pays, conduisant Tess à de nombreux allers-retours aux Philippines.
Le Canada et l’immigration. Après ses confidences personnelles, Tess me donne sa vision de l’immigration au Canada. D’abord elle loue le fait que le Canada, en raison d’une histoire différente, ne connaisse pas les problèmes raciaux des États-Unis. Elle apprécie également la façon dont se déroule la cohabitation à Toronto, en partie due au fait qu’il n’y ait pas de groupe qui soit majoritaire. Elle me dit que les immigrants travaillent très dur dans ce pays. Ainsi, elle avait coutume de dire à son boss qu’elle travaillait pour qu’il puisse toucher sa retraite ! Elle me parle aussi de la politique migratoire canadienne basée sur les compétences, politique dont les pays africains se plaignent car le Canada leur prend leurs cerveaux en leur offrant de très bonnes conditions de travail. Je m’interroge sur une telle politique, qui encourage une immigration de pays riches et éduqués vers d’autres pays riches et éduqués, laissant peu de place aux immigrants économiques qui cherchent à se faire une meilleure existence. La politique d’immigration canadienne peut être doublement injuste… Mais Tess m’oppose le fait qu’en raison du grand nombre d’immigrants admis chaque année, il reste encore de la place pour une immigration économique. Il reste également de la place pour accueillir des réfugiés, avec aujourd’hui une priorité donnée aux Ukrainiens et aux Syriens.
Durant ce long échange, je ne lui ai pas posé Mes questions mais lui ai laissé dire ce qu’elle avait envie de me dire. La façon dont Tess construit son histoire, it’s what matters to tell for her. That’s what matter in her history, in her life. Ce n’est pas l’histoire d’une immigrée mais celle d’une femme, qui a trois enfants, fait de bons investissements, aime peindre et être entourée d’artistes, et a peur de mourir du cancer. Et certainement pas définie par une quelconque « ethnicité ». Peut-être que le déplacement originel lie un destin, mais ne définit certainement pas un être. Le mouvement peut déterminer ce qu’on fait, pas définir ce qu’on est.
Plus tard dans la journée, j’ai repensé à notre conversation. Au fond c’est peut-être moins une question de génération d’immigration que de génération tout court. My own parents are like them, they made a good living but were poorly born, and had no cultural or social capital. Alors que ma génération qui est aussi celle des enfants de Tess, qui avons été élevés par cette génération de travailleurs combattants, possédons un haut capital culturel et social, mais pas un sou. Tess déplore d’ailleurs que ses enfants n’aient aucune économie. Mais comme je lui ai dit “We could never be like you, because we don’t have this starving thing”.
Errances
Présentation de “Little India”. “En fait, ce quartier n’est pas qu’Indien ou Pakistanais. Gerrard East, entre Greenwood et Coxwell est une avenue riche en restaurants et enseignes indiennes, pakistanaises mais aussi bangladeshi et afghanes. Notons cependant que la population n’y est pas particulièrement très présente en dehors de l’avenue Gerrard: le quartier sert uniquement de centre commercial pour ces populations originaires du sous-continent indien. D’autres quartiers semblables existent depuis quelques années en dehors du centre-ville de Toronto, annonçant le déclin possible du quartier de Gerrard. » (Source : http://decouvrirtoronto.com/le-quartier-indo-pakistanais/)
Festival annuel, Festival of South Asia. http://www.festivalofsouthasia.com/
Association commerçants du quartier. http://www.gerrardindiabazaar.com/
Avant de monter dans le tram 506 en direction de Gerrard India Bazaar, j’ai relu mon Projet de Recherche universitaire sur la Diaspora indienne. A la relecture, ce travail semble tellement “naïf”. Compiler sans y aller ne vaut pas grand-chose. Si relire les pages de Dionne Brand sur Toronto peut faire dire à quoi bon venir, que rajouter à ses mots, et décourager toute tentative de parler sur cette ville, cette relecture de mon texte m’a fait lui l’effet inverse… t’as bien fait de venir, beaucoup de boulot en perspective !
Sur le trajet, j’ai découvert le Chinatown de Riverdale, dans l’Est de la ville, formé suite à la gentrification et à l’inflation des prix de l’immobilier du centre-ville. Très étendu, il est situé autour de Gerrard Street et de Broadview Avenue. Quartier home encore une fois des plus insolites mélanges, comme ce restaurant de burritos chinois ! Cette balade vers l’Est est aussi l’occasion de découvrir un peu plus le Greater Toronto, zones résidentielles sans chichis mais bien entretenues.
Quant au Gerrard Bazar, qui n’est pas un bazar mais un quartier portant ce nom, il sert depuis longtemps de centre d’approvisionnement pour les populations de culture indienne dispersées dans le Grand Toronto. Mais certains disent qu’il se meure gentiment. Il n’échappe en tout cas pas à la mixité-mutation. Je me joue de ces contrastes, et après avoir traîné dans un Café-Gallerie bobo, je prends un buffet dans un des nombreux restaurants indiens du quartier. La clientèle s’y compose à part égale de touristes et de clients de culture indienne. A la table d’à-côté, deux couples de touristes, dont les femmes courent les bonnes affaires de soie dans les enseignes de Gerrard Street. Quant à moi, je sympathise avec le serveur d’origine indienne, qui travaille à Gerrard mais habite Etobicoke, à Kipling (j’ai justement lu un article dessus… banlieue cosmopolite mais défavorisée), quartier situé totalement à l’autre bout de Toronto, ce qui lui fait faire chaque jour d’interminables trajets pour venir travailler. Il n’a pas le choix, car « there’s nothing to do there ».
Il m’apprend que Gerrard Bazar est fréquenté par de nombreux touristes. De Toronto, il parle un anglais assez hybride, à l’image des nombreux anglais parlés dans cette ville. En tous les cas, preuve en est encore une fois qu’en tant que voyageuse féminine, il est toujours facile d’entrer en contact, particulièrement any waiter in any neighborhood from any nationality will help. Facile d’entrer en contact en villes mondiales, même si j’ai récolté jusqu’ici moins de numéros de téléphone à Toronto qu’à New York, dans une ville pour settle down où tout va moins vite qu’à NYC, y compris les « amitiés ».
Sur Gerrard Street, en ce début d’après-midi, on croise une population très mélangée démographiquement. On n’est assurément pas à New Dehli, mais dans une enclave commerciale culturelle et touristique, surtout fréquentée le week-end. On y trouve outre des restaurants, beaucoup de palais du sari, des librairies islamiques, des mosquées, des épiceries sud-asiatiques, quelques vitrines vides aussi. Grande mixité culturelle, principalement sud asiatique. Mais en observant plus attentivement, on se rend compte que la plupart des enseignes revisitent la culture indienne, en la mixant avec la culture locale, à l’image de cette enseigne de burgers revisités à la sauce indienne.
Du quartier indien au quartier coréen
De retour en ville, je prolonge jusqu’aux très animés quartiers The Annex et KoreaTown sur Bloor Street. Le premier occupe la portion de rue entre Robert and Bathurst Street, le second s’étend de Bathurst à Christie’s. Les librairies, disquaires, cafés et cinéma dominent sur la première portion, les commerces et restaurants coréens se partagent la seconde. Population pas essentiellement coréenne. Quartier plus accessible que Chinatown. Je crois avoir trouvé mon quartier et mon café d’élection à Toronto. Les meilleures surprises se révèlent celles qu’on n’a pas planifiées. Plus généralement, c’est grisant d’être dans une ville où personne ne penserait à nous prendre pour touriste. Dans la rue, on me confond souvent pour agence d’orientation. Nombreuses sont les personnes me demandant leur chemin… à l’instar de ces « international students » perdus dans cette portion de la ville.
Configurations torontoises. Après l’ensemble Chinatown – Kensington Market – Art et Tech District – University – Baldwin… The Annexe & KoreaTown, autre configuration spatiale qui fonctionne. Another good match.
Typologie des quartiers visités jusqu’ici. Greektown : dead, commercial, history. Gerrard Bazar : dying, commercial. Korean: alive, commercial. Pour ce qui est de Kensington Market, il ne correspond pas aux images que je m’en étais faites, celles d’un Big Bazar. Je m’attendais à quoi ? It may be many neighborhoods but One world.
Kensington Market, découverte de papiers. Pour en apprendre davantage sur l’énigmatique Kensington Market j’ai entrepris quelques lectures qui m’ont permis de mieux cerner son esprit et comprendre son évolution. Je ne résiste pas à vous résumer celui qu’a publié Jason McBride dans le Toronto Life, intitulé For the Love of Kensington. On y apprend que le quartier traverse aujourd’hui une crise d’identité, et s’interroge sur son futur. Lieu traditionnel de refuge de la contre-culture, le progressiste Kensington est un mélange de « punks, neo-hippies, earth mamas, Rastas, ravers and other freethinkers, but also young families darting (se précipitent) into greengrocers and fish mongers before dinner, ramshackle (délabrés) patios filling-up with happy-hour drinkers, artists carrying canvases on their bike racks.” (Toronto Life, 07/14, 50). Au cœur de cette ville de quartiers, Kensington Market apparaît comme une mini-ville, faite de différentes couches, reflets de sa tradition de refuge et de ses transformations successives, du Jewish Market du XIXème à aujourd’hui.
L’article dévoile aussi que Kensington Market et ses habitants ont résisté, unis par leurs luttes, à tous les grands projets de développement. Ils ont repoussé l’installation des chaînes et l’invasion de leur monoculture, permettant au quartier de rester cet antre du commerce indépendant. En outre, dans ce refuge pour tous, les nouveaux arrivants ont de tout temps trouvé comme alliés des esprits alternatifs qui ont défendu avec vigueur le maintien de zones de bas loyers. Ainsi Kensington a pu rester ce symbole puissant dans l’imaginaire de la ville : “The battle over the market reinforced just how rich a symbol it is in the city’s imagination. The palimpsest narrative of Kensington – of striving newcomers eking out a living before moving elsewhere in the city and up in the world – is one of the favorite stories Toronto likes to tell itself about itself. As our downtown streets become both more dense and, to a great degree, more homogeneous – bank, Starbucks, Shoppers, bank – Kensington is one of the last pockets that doesn’t look and feel like the rest of the city.” (Toronto Life, 07/14, 52)
Mais aujourd’hui, Kensington s’inquiète d’une nouvelle évolution, d’une invasion plus insidieuse menaçant l’esprit du quartier : la gentrification. Une invasion tranquille de commerces indépendants contre laquelle il est difficile de mener le même genre de combat que contre la menace des grosses corporations. Cette vague de commerces branchés modifie la clientèle du quartier, amenant dans son sillon une clientèle plus aisée et moins diversifiée. Cependant les esprits divergent quant à l’appréciation de cette évolution. Car ces clients consomment également dans les commerces anciennement installés, compensant en partie la perte de clientèle des commerces ethniques qui voient leur communauté les déserter quand elle part s’installer ailleurs. D’autre part, le Kensington populaire n’est pas encore enterré. On y trouve encore des prix abordables et des logements sociaux, permettant toujours à de nouveaux arrivants de venir s’y installer. Pour ses habitants, Kensington étant un espace déjà investi, la gentrification n’y prendra jamais les proportions qu’elle a pu prendre dans des quartiers tout juste découverts. Mais Kensington doit rester vigilante pour veiller à conserver son esprit et son équilibre, et ne devenir ni un parc à bobos, ni un piège à touristes.
Autre article sur le quartier : http://www.theglobeandmail.com/life/food-and-wine/restaurant-reviews/kensington-market-is-an-unbelievably-tasty-place-to-wander/article14841459/
On peut faire une analogie entre Kensington Market tant avec le Lower East Side new yorkais que le Mile End montréalais, à savoir que le quartier fut d’abord une enclave d’immigration juive, plus tard rejointe par d’autres arrivants, puis connaissant une vague de bohémisation et de gentrification. Mais ici l’esprit est différent. A Kensington, l’esprit de résistance commun est ancré depuis plus longtemps.
Gentrification. Après trois villes, je m’interroge de plus en plus sur ce phénomène qui semble bouleverser les villes nord-américaines. Ce qu’on appelle inlassablement gentrification, ne serait-ce pas tout simplement l’éclosion d’un nouveau modèle sociétal ? Si les alternatifs-progressistes-résistants se battent contre l’uniformisation des chaînes, cette vague commerciale bio, nostalgique et indépendante ne représente-t-elle pas le futur modèle culturel uniformisant ? Institué par une population qui donne le ton des changements de modèles de « civilisation », son message de consommer autrement deviendra peut-être demain le nouveau modèle uniforme de consommation, si ce n’est l’unique modèle, en tous les cas un contre-modèle dominant.
Bribes de Toronto. Comprendre une ville c’est aussi en saisir les débats, les figures marquantes. Et parmi les exemplaires de Toronto Life à ma disposition, j’ai déniché d’autres pépites pour mieux cerner cette Cosmopolis, tantôt confirmant certaines de mes intuitions, tantôt porteuses de révélations. Parmi les débats qui animent la place publique, outre la gentrification et l’évolution des quartiers cités plus haut, on trouve le déséquilibre entre le centre et ses banlieues, les transports, les Condos, le multiculturalisme, les taxes, les chantiers, Rob Ford, …
Quant aux figures de Toronto, on ne parle que de lui en ce moment, du Globe and Mail au Toronto Star : le scandale de Gomeishi, journaliste star accusé de harcèlement sexuel. Il en aurait presque éclipsé les élections municipales et leurs candidats.
Day fourteen. Vie de quartier
Over breakfast. Mes logeurs ont soupé à Little India hier soir avec des amis de leur quartier, avec lesquels ils formaient une troupe très multiculturelle, constituée d’eux, Philippins ; de leur ami indien des Émirats en outre l’instigateur de cette virée ; d’un ami artiste jamaïquain, et d’autres artistes dont ils apprécient la compagnie. C’est d’ailleurs l’épouse néerlandaise de son ami indien qui initia Tess à l’art. Lui vit à Baldwin, mais aime se rendre à Gerrard Bazar pour manger, acheter des produits qu’il ne trouve que là-bas, « ce genre de trucs ». Il les a emmenés chez un marchand de fruits-légumes, où Tess a découvert des fruits qu’elle n’avait jamais vus. Le programme de ma nouvelle amie aujourd’hui : trouver des idées pour redécorer un de leur Inn. Elle veut faire quelque chose d’urbain, avec Toronto et ses vitrines pour thématique.
Quant à moi, bien que now I begin to have the Map in mind, je vais m’atteler à la boucler. Surtout si je veux avoir assez de temps pour tester toute cette food, il faut vraiment que je m’active ! Oui, j’avoue, j’ai été contaminée par le virus de cette ville…
Queen Street W. et E., Chinatown. Après avoir déchiffré la portion de Queen St. au-delà de Spadina, qui s’avère être un H&M et Zara land, je me suis mise en tête de déchiffrer le côté gauche de Spadina, artère principale de Chinatown. Dans le désordre, j’y ai relevé un club de rencontre, un marchand de bonzaïs, des marchés d’alimentation, des supermarchés, deux grands centres commerciaux, des magasins de bijoux, de lunettes, des marchands de babioles et de gadgets, des services de spas, de massages, d’acupuncture, beaucoup de restaurants, des boulangeries chinoises, des herboristeries, un bureau d’immigration, etc.
Guesthouse chats. J’ai enfin rencontré le fameux professeur de géographie. Lui et son épouse sont tous les deux professeurs de géographie-historique dans une petite faculté en Pennsylvanie. Ils se trouvent à Toronto, accompagnés de leurs étudiants respectifs, pour assister à un congrès de sciences sociales, portant sur la démographie, principalement sur les questions d’immigration. Mr le Professeur a envoyé ses étudiants sur Spadina pour qu’ils se frottent au terrain et repèrent les enseignes, profitent de mettre en pratique la théorie qu’ils étudient dans leur petite ville où il n’y a pas grand-chose à observer. Pour sa part, il a passé la journée à étudier les gros changements en cours à Little Portugal. Une mutation qui aux dires de Tess est très déplorée par nombre de gens qui préfèreraient que les choses restent comme elles sont, attitude qu’elle ne partage pas.
Quoi qu’il en soit, le domaine de prédilection du Professeur, c’est l’évolution des quartiers urbains (sympathique coïncidence !). Tess lui parle de Baldwin, ancien quartier juif, dont cette maison, ancienne fabrique de chaussures qui leur a été vendue par un Juif qui possédait plusieurs commerces dans le quartier, faisait partie. Lui me parle de l’importance des quartiers ethniques historiques comme Little Italy ou Kensington pour les descendants, même si ces derniers n’y vivent plus. Ils restent le lieu où leurs grands-parents ont vécu, le lieu où se trouvent encore les églises ou les synagogues. Ils restent des lieux symboliques importants pour la communauté, ils appartiennent à son histoire. Bon j’abdique… Chaque fois que je crois avoir pigé quelque chose à cette ville, une lecture ou une conversation vient complexifier la situation ! En l’occurrence non seulement ces quartiers ne sont pas juste « morts », mais apparemment concernant Little Italy, beaucoup d’Italiens vivraient encore à proximité du Café Diplomatico.
Creux du soir, bonsoir. Je reçois souvent des encouragements à profiter de mon voyage du style « éclate-toi, fais la fête, c’est ton voyage ». Même si je n’ai pas cette vision-là du « profiter », j’avoue que ce soir I could die to go out. Il y a ce petit moment à passer entre 18h et 20h30. Mais Toronto est une ville tellement intéressante tellement inspirante que ça compense.
Day fifteen. The Annex & Koreatown
Today’s state: with three dreadful nights in a row, no prolific day. Demi-dizzy, half there state. Mal aux yeux.
Over breakfast. Je complète mon instruction sur Baldwin Street, qui après avoir fait partie d’un quartier juif, est aujourd’hui une rue très mélangée. Selon Roger, les Chinois habitant la rue seraient tous des étudiants de l’université… Bon pas le temps de débattre, je me mets en route vers mon nouveau quartier et mon café préférés.
The Annex & Koreatown. Je rêvasse autour d’un cheese cake… Et commençant à être habituée aux débats, et moins étonnée par mon environnement à mesure que je me le fais décrypter, je me dis qu’il est préférable de ne pas rester trop longtemps dans une ville, parce qu’after a while, you’re just becoming part of it, et du coup arrive le moment où on perd the fresh, outside look. Dans le même ordre d’idée, rester trop longtemps at other people’s place signifie rester in other people’s lives. Et qu’inévitablement après un temps, that would make you feel bad about yourself, in a sort of way. A savoir seule, chez les autres. So never stop running. It’s about moving, again, as fast as you can. Travelers are no allowed to take some rest and just being here, just being part of it. They will always have to answer this question “Where are you going today?”
Allez trêve de rêvasserie, jumpons plutôt chez PAT, « Canada’s first Korean supermarket ».
Koreatown, présentation. « On ne se lasse jamais de le répéter, Toronto est une ville multiculturelle et nombreux sont les quartiers ayant une composante ethnique intéressante. Tel est le cas du quartier coréen situé sur Bloor West entre Bathurst et Christie. Vous aimez le Kimchi, le Bulgogi ou le Bibimbap, alors sortez du métro à la station Christie ou Bathurst de la ligne Bloor-Danforth. Les coréens de Toronto sont arrivés après 1967, date à laquelle les procédures d’immigration furent libéralisées et sont installés dans ce quartier autrefois peuplé par des populations hispaniques. Les Coréens y ont ouvert restaurant, boutiques, services bancaires, pâtisseries et un supermarché où l’on trouve une foule de produits importés nécessaires pour la cuisine traditionnelle du pays. Si vous visitez ce quartier, n’oubliez pas de visiter le supermarché PAT, vous pourrez y acheter de le la seiche salée en lambeaux ! » (Source : http://decouvrirtoronto.com/le-quartier-coreen/)
http://www.koreatownbia.com/koreatown/index.html
Je rechigne d’habitude à utiliser ce terme, mais un tour chez PAT se révèle être une expérience très exotique. Et un petit moment de solitude…. La caissière s’est amusée de mon isolement en me parlant en coréen, et elle a eu l’air de trouver ça très drôle ! Dans une ville où personne ne semble t’identifier comme touriste, où les gens ont l’habitude de ne pas considérer les autres comme potentiels étrangers, où you could just be one of them, c’est plutôt amusant de se faire un peu repérer. So, PAT, it was like being in a manga avec en sus des ptites bêtes congelées et autres oreilles de porc marinées de saison avec stands de frais et de crêpes fourrées en formes de poissons faits minutes. Une clientèle 99.2% coréenne speaking et à 60% composée de jeunes, en ce vendredi après-midi. Pour tous ces jeunes coréo-canadiens, ou ces étudiants ayant laissant pour quelque temps derrière eux le Dragon, la mobilité is not anymore about economic hardships or political persecution, it’s also about l’envie de « faire mondialisation », faire monde, in places such as Toronto.
Après ce détour dans le monde coloré de PAT, je me rends au Bloor Docs Cinema, pour visionner le documentaire, Slums : Cities of Tomorrow. It’s basically about the right for everybody to have a place they can call Home. De « Tent City » aux États-Unis à un campement de gitans en France, d’une favela brésilienne aux bidonvilles d’Inde ou du Maroc, le réalisateur nous fait entrer dans ces sociétés organisées et auto-suffisantes, qui se sont établies en-dehors du système, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux. Le discours du réalisateur autour du futur de nos Cosmopolis, c’est qu’il faudra composer avec ces lieux stigmatisés, qui représentent une partie de la solution au grand exode mondial vers les villes, mais pas seulement. As Governments will not be able to provide housing for everybody, we have better work with slums, which are real organized communities, than trying to eradicate them and calling these people homeless. Les Slums, territoires parallèles et auto-créés, une solution aux villes pleines, aux exodes et à la crise des migrants ?
Après cette nouvelle vision fort stimulante, je poursuis mon tour du monde gastronomique sur Koreatown, avant de regagner my « home », at dusk, in a very refreshing good cold of an end of fall day, via the great houses of Robert Street, just enjoying looking through windows, walks and sink into leaves. C’est à l’aurore, quand la lumière éclaire les intérieurs des commerces, des restaurants, des cafés et des maisons, que la ville et ses quartiers se révèlent. J’aime cette ambiance, j’ai aimé cette vision.
Day sixteen. Through St. Lawrence Market, The Distillery, King St., Eaton Center, Dundas
Échos de Mobilités. La table du petit déjeuner est bien fournie ce matin, et raisonne des histoires de mobilité des uns et des autres. La conversation est lancée par Tess qui nous montre un article dans la presse du jour sur les migrants qui traversent la Méditerranée. Gabriela nous conte alors son histoire. Elle quitte son Mexique natal à l’âge de vingt ans, pour fuir les remous familiaux, débarque au Canada, marrie « the first guy she mets » et y reste. Après avoir élevé leurs trois enfants, elle essaie de « figure out who she is », et se trouve à Toronto pour suivre un séminaire de développement personnel. Tess rebondit pour nous parler de l’immense diaspora philippine répartie partout dans le monde, y exerçant principalement les fonctions de households and caregivers, à travers un network qui certes garantit du travail mais place ces travailleurs de maison dans des situations où ils sont souvent abusés. Pour Tess, cette immigration philippine est la faute de l’Eglise qui interdit le contrôle des naissances. Les familles trop nombreuses n’ont alors pas d’autres choix que de migrer pour trouver du travail. Pour l’anecdote, Tess emploie elle-même une femme de ménage philippine dans la guesthouse. Tess revient ensuite sur sa passion pour la généalogie et la génétique. Elle affirme qu’on pourrait aller jusqu’à lire dans nos gênes où nos ancêtres ont voyagé, migré. Ainsi, après avoir retracé l’arbre généalogique côté maternel, elle va s’atteler à la version paternelle, pour avoir the whole picture.
La conversation se poursuit en français avec la famille marseillaise présente au guesthouse. Ce jeune couple et leur fillette de trois ans sont en attente du visa de résident qui leur permettra de s’installer à Montréal. Si ça ne fonctionne pas, ils envisagent de bouger éventuellement à Dubaï. Seul hic : cette destination demande de maîtriser l’anglais. Ils m’expliquent le système canadien basé sur les points. Plus tu engendres de points, plus tu as de chances d’obtenir le précieux sésame. Et les critères sont larges, tenant compte entre autres des domaines de compétences professionnelles ou de la situation familiale. Manque de chance pour eux, les quotas de francophones ont été atteints pour 2014. Ils doivent attendre avril 2015 pour redéposer un dossier. Reste la solution du visa de travail, mais là l’employeur doit payer. Ils sont dépités, d’autant qu’ils avaient déjà scolarisé leur fille et pris un appartement à Montréal. Du coup, ils profitent de leur temps libre pour voyager au Canada avant de retourner en France dans trois semaines. Ce qu’ils désirent désormais ? S’installer, acquérir une maison. Il va donc certainement reprendre son entreprise de télécommunication, et elle mettre fin à son congé soldé et reprendre son poste d’instit. N’empêche qu’ils vivent cette migration avortée comme une déception. Ils n’imaginaient pas que ce serait aussi dur, qu’obtenir le visa prendrait autant de temps. D’autant qu’ils n’envisagent plus de rester en France. La France, son chômage, son économie, sa politique, son ambiance pesante, ses charges écrasantes. La France, « c’est plus possible ». Quant à Marseille, elle est belle mais très mal habitée. C’est un règlement de compte entre réseaux au centre-ville les a finalement décidés à migrer.
Fin de mes histoires d’Auberge pour aujourd’hui. En route. Je dois encore trouver un vrai marché comme je l’entends, avec des artisans, de la bouffe, des animations, alors direction St. Lawrence Market.
Programme. St. Lawrence Market & The Distillery.
St. Lawrence Market est un grand marché couvert situé dans le quartier historique de la ville. Un véritable paradis pour épicuriens. Après avoir dégusté quelques perogies, je suis initiée au port du boubou africain par une mère et sa fille qui tiennent un stand ici trois jours par semaine. Je ne pose jamais la question “Where do you come from?” but people will always tell. Elles disent venir d’Afrique. Je dois insister pour que l’Afrique rétrécisse et qu’elles précisent qu’elles viennent d’un pays africain, le Nigeria. La fille a beaucoup voyagé et s’est sentie par ailleurs très à l’aise à Genève. La mère rentre d’un voyage au Nigeria, « back home », où elle a passé six semaines. Elles me parlent un peu de l’Afrique. Elles apprécient Toronto où elles vivent non loin du marché.
The Distillery. Dans le quartier historique de la ville, lieu regroupant boutiques artisanales, cafés et galeries d’art dans les 44 bâtiments en brique rouge d’une ancienne distillerie. Lovely place.
C’est dans ce café bondé au vieux décor industriel revisité avec goût que je vais naturellement sympathiser avec Liz et Rob, qui faute de place se sont installés à ma table. Liz est arrivée de Hong Kong avec ses parents à l’âge de dix ans, et a grandi dans la banlieue torontoise de Mississauga (celle-là même où mes hôtes avaient migré). Elle vit maintenant sur Queen Street (quartier hype), près du lac. Ses lieux de prédilection à Toronto ? Ossington, Queen, une portion de King, Yorkville, que des lieux branchés. Liz apprécie Hong Kong pour sa famille et pour la « very good and cheap food everywhere », mais celle qui dit avoir trop besoin de son espace ne se voit définitivement pas y vivre : « Crazy crowded ». Too crowded everywhere. Tiny space. Tiny apartments. Sinon, Liz est dingue de food. Son boyfriend canadien de souche est lui trop classique dans ses goûts, même s’il s’ouvre petit à petit il n’est toujours pas assez « food open » pour Liz ! Elle va donc m’emmener manger des Dims Sums, qui sont en fait la version chinoise des tapas. Rob me parle du « boring » Toronto d’avant, et trouve dingue qu’aujourd’hui cette cité ait la réputation d’être un paradis de la bouffe, image qui contraste totalement avec l’ancienne Toronto, classique, « steak-frites », sans variété et reconnue comme tel. Liz et Rob connaissent aussi un peu la Suisse et me racontent leurs clichés sur le pays. L’unique expérience de Liz y fut Zurich, où elle trouva la neige en octobre et paya 6$ pour un café. Peu importe, Liz et moi, ce fut un coup de cœur entre deux membres de la Globalization Generation. We may not have been born at the same place, but we do share the What’s app language.
The Distillery, a place full of …
… and so was my heart on this rainy windy Saturday. With all these nice chats along the day. Nice encounters. And the feeling of this City.
Le grand rassemblement. Boostée par ces rencontres, je décide de prolonger la ballade et boucle la visite de Old Town, le quartier historique, via King Street, puis enchaîne via le King Design District, Yonge, Dundas Square, et finis par faire une halte au Eaton Center. Car mon truc à moi dans cette ville, encore plus que la gastronomie je crois, c’est d’observer la très cosmopolite société torontoise. Et pour ce faire, je me pose par exemple au Eaton Center, the kind of place where you can find the whole city on a rainy Saturday afternoon. Le genre d’endroit where you can feel the pulse of this city. Which I do love. Eaton Center un samedi c’est l’équivalent en terme d’observation du grand rassemblement urbain de Central Park un dimanche.
Ensuite, après avoir profité de l’ambiance pré-Noël du centre en contemplant quelques vitrines animées, je m’arrête sur Dundas Square à un stand d’information sur l’islam tenu par deux jeunes hommes désireux de faire connaître la religion musulmane au-delà des préjugés, au-delà des médias. L’un est originaire de Russie, l’autre d’Inde, les deux sont nés à Toronto et parlent des anglais assez différents. Mais ces deux-là affirment être les mêmes, en dépit de leur couleur de peau, parce qu’ils ont le même Dieu. Et, m’expliquent-ils, l’islam ne reconnaît qu’un seul Dieu, contrairement à certaines autres religions.
Je termine cette riche journée à Kensington, dans une ambiance encore différente des autres fois, celle d’une tombée de nuit automnale. La savoureuse tarte homemade de ce café me coûte un bras, mais je peux lire les journaux, et surtout le café est bercé par le son du jazz. And I love so much listen to jazz in Cafés, activité irrésistible, depuis que j’ai découvert les jazzy breakfasts new yorkais.
Believe me, I’m not done with that place yet. Very rich day in term of feelings, places and, above all, human encounters.
Day seventeen. Gay Village, Yorkville, Bloor, Bay
Tess feelings about immigration. Ce matin Tess me parle de son immigration, des immigrés, et de son sentiment par rapport au Canada.
Tess et Roger avaient 27 et 28 ans, lorsqu’ils sont arrivés au Canada, mariés, avec un enfant dans leurs bagages. C’était au milieu des années 1970. A leur arrivée, Tess n’a pas travaillé durant un an, mais leur banquier leur faisait confiance, savait qu’ils pouvaient réussir, faire de l’argent. Alors elle s’est dit, si ce type croit en moi, je peux aussi croire en moi. Avant d’émigrer au Canada, elle avait d’abord effectué une migration intérieure, de la campagne à la ville philippine, transition qui selon elle a rendu les choses plus faciles pour la suite. Si quitter son travail à 59 ans pour ouvrir ce B&B, « it was about daring », émigrer au Canada fut la chose la plus courageuse qu’elle ait faite. Oser partir, sans la moindre idée de ce qui va se passer… Ils étaient jeunes alors. En vieillissant, on devient plus prudents. Quoi qu’il en soit, elle ne regrette pas, elle aime vivre à Toronto, ville très ouverte, où ça ne semble pas étrange mais normal de strike une conversation avec quelqu’un dans la rue.
Tess revient sur la réputation qu’on colle au Canada d’être une Mosaïque de communautés contrairement aux États-Unis qui eux auraient fusionné dans leur mythique Melting Pot. Elle réfute pour sa part cette réputation. “Believe me”, le Canada est un vrai Melting Pot. Ici, « People are really melting”, affirme-t-elle. Pour exemple, sur ses trois enfants, un de ses fils sort avec une Néerlandaise, un avec une Vietnamienne, et sa fille sort avec un Canadien. Elle aurait préféré qu’ils sortent avec des Philippins, ç’aurait été plus facile. Le truc c’est qu’avec toutes ses « tantes » autour, ses fils n’ont jamais vu les Philippines comme de potentielles girlfriends, mais comme des cousines.
Lorsque je lui demande si elle se sent plus Canadienne ou Philippine, elle me dit qu’elle a intégré des choses qu’elle aime chez les Canadiens et conservé d’autres qu’elle apprécie plutôt chez les Philippins. Du côté canadien, elle aime la relation que les parents entretiennent avec leurs enfants, et cette façon de les traiter comme adultes, égaux, avec respect. Elle aime qu’au Canada elle ait le droit de dire non, alors qu’en Asie on ne dit pas non pour des questions d’honneur, par peur de perdre la face. Ce qu’elle préfère chez les Philippins, chez les Sud-Asiatiques en général, c’est leur « natural kindness ». En Asie du Sud-Est on n’a pas besoin d’être « mean » pour se faire respecter.
I think something special happens between Tess and me. Like a connection. She makes me feel special, précieuse. Pudeur se traduit par “modesty”, mmhhh interesting.
Journey
The Village. Balade dans le dénommé « Gay Village » de Toronto. Drapeaux aux couleurs de l’arc-en-ciel, bars, cafés, restaurants, boutiques, terrasses… Centre communautaire et quartier ordinaire. Pour tout le monde, et pour une très dynamique et très diversifiée communauté qui fête ici la Pride Week chaque mois de juin, « an arts and culture festival that celebrates diverse sexual and gender identities, and the lives of Toronto’s lesbian, gay, bisexual, transsexual, transgender, queer and questioning communities” (http://www.toronto.com/events/pride-week/). Lunch dans un café dont je découvre qu’il fait aussi lounge pour « consommation médicale de marijuana ». Etrange ballet.
Yorkville. Quartier chic de Toronto où se concentrent les enseignes de luxe. Flânerie dans les galeries, sur Yorkville Avenue, puis sur la chic Bloor St. Foule du dimanche en mal de shopping et de lèche-vitrines. Peuple des lunchs. Rues animées. Absorption dans une grande librairie. Retour via Bay St., rue « plate ». Après le hongrois-thaillandais, l’italo-jamaicain, le coreo-japano-chinese, on trouve sur Bay un restaurant Indian-Thai. Villes des métissages, indubitablement… Retour via le quartier des hôpitaux. Toronto est aussi un vrai hub pour les établissements hospitaliers. Puis marche à travers Discovery District, Art & Design District, Fashion District. Bref, le style des patronymes des quartiers torontois semble carrément inspiré par Disneyland. Toronto possède bien ses monuments, ils portent le nom de ses quartiers !
Météo : Un bon froid d’automne.
Day Eighteen. Chinatown neighborhood stuffs & University
Guesthouse. En ce moment le Inn est animé par trois drôles de dames de Détroit d’une soixantaine d’années et juives pratiquantes. Pour lesquelles even the coffee has to be kosher! Donc pas de café ce matin, à la place leur jus d’orange, kosher, est sorti du congélateur. Leur mode de vie a l’air plutôt compliqué à respecter en voyage, ainsi durant leur séjour elles vont traverser toute la ville et ses banlieues à la chasse au vrai kosher, pour pouvoir tout simplement se nourrir. Un casse-tête assurément, quand on apprend que même Kaplinski, le deli le plus réputé de la cité n’est pas « assez kosher ». Nourriture mise à part, elles nous racontent leur quotidien ponctué de rituels, comme le fait de ne pas travailler, conduire ou se déplacer du vendredi au crépuscule au samedi au crépuscule. L’une d’elle travaille pour la municipalité de Détroit, et elle est persuadée que la ville va se relever.
Avec leur style très direct, alors qu’il m’a fallu des jours pour entrer deeper dans l’histoire de mes hôtes, l’une d’elle just popped abruptly this question : “So, who are you and where do you guys come from? You didn’t grow up here, right? Have you met here…?” J’apprends dans la foulée que Tess et Roger ont choisi d’émigrer au Canada parce que l’immigration y était ouverte, qu’il était facile de s’y installer et que dans leur domaine, la banque, ils étaient en mesure de travailler rapidement. Qu’ils avaient en outre appris l’anglais à l’école aux Philippines. Je réalise que si pour moi Roger and Tess sont les installés qui me déchiffrent la ville, et je suis l’étrangère ici, pour ces visiteuses, Roger et Tess restent des immigrants.
Chinatown. My new home. Je commence à me sentir à l’aise à Chinatown, à trouver quelques repères, rentrer dans les commerces. Je prends mon lunch dans une Chinese Bakery. Le principe ? Tu fais le tour des boîtes réparties tout autour de la pièce et déposes tes aliments sur un plateau, avant de payer le tout au comptoir. Si ce n’est un trio d’une quarantaine d’années, la clientèle y est très âgée, certains ne tiennent pas debout. On n’entend pas un mot d’anglais. Je paie mon lunch 1.75 $, mais je sais pas trop ce que j’ai pris. Depuis ma table j’ai une vue sur le coiffeur d’en-face, qui pratique lui aussi des prix défiant toute concurrence : 18$ pour shampoing, coupe, brushing…
Je passe ensuite mon après-midi dans le village de l’Université, qui se trouve être situé à deux pas de ma rue. Je flâne dans les impressionnants bâtiments historiques, les cours intérieures, les bibliothèques, églises, jardins et parcs. Toutes les heures, un flot d’étudiants surgissent from every corner. D’ailleurs, l’intersection entre College et McCaul Street s’avère un autre point stratégique d’observation du ballet de cette cité. L’université est cosmopolite, à l’image de la cité.
Overnight observation. J’ai remarqué une différence entre les spontaneous chats que j’ai ici à Toronto et ceux que j’ai pu avoir à New York : il semblerait qu’au Canada, les immigrants parlent plus librement de leur situation. Peut-être est-ce dû au fait qu’ils possèdent plus facilement des papiers, en raison des politiques d’immigration différentes pratiquées des deux côtés de la frontière ?
Avant le coucher, je tombe sur le poste Facebook d’une amie qui émet des doutes sur son choix de vie nomade, mode de vie qu’elle pratique depuis plusieurs années… Devrait-elle cesser d’errer pour se fixer ? Le monde est-il fait pour les errants ?
Day nineteen. CN Tower, Baldwin, Kensington
Dernière belle journée avant l’hiver, quatorze degrés annoncés, un ciel parfaitement dégagé, la Tour CN m’appelle. Perspective : voir la mappe d’en-haut.
CN Tower. C’est fou comme au fur et à mesure que les jours passent, la ville se rétrécit. La CN Tower qui paraissait il y a deux semaines perchée à l’autre bout de la ville, aujourd’hui me paraît right here. Fascinant phénomène. Bref, j’ai payé une fortune pour grimper cette tour, et une fois là-haut, J’ai repéré deux-trois connaissances. L’école d’art sur McCaul, l’Université, l’AGO, Spadina, Downtown, King Street, Parkdale, le Waterfront, Yorkville. De là-haut, on voit aussi les avions atterrir sur aéroport-island et on prend conscience de l’immensité de la mer-lac. Mais contrairement à ce que Tess m’avait laisser entendre, pas de Niagara Falls dans mon champ de vision.
More Kensington Market. Et oui, encore, je sais. Je ne m’en lasse pas. Pour élargir le tableau, il faut varier les jours, les heures, les climats… Après avoir goûté au résultat de l’amour conjugué des Jamaïquains et des Italiens pour la cuisine, amour commun affiché comme mantra sur les murs du Rasta Pasta, je me fonds dans la little Tuesday afternoon crowd de Kensington Market, on a sunny bright November. J’en profite pour pénétrer dans de nouvelles échoppes, certaines très décalées du reste. En admirant les objets insolites rassemblés dans une boutique, je ressens de l’admiration pour les gens qui créent ces sortes de boutiques-musées, qui finalement rapportent plus au plaisir des yeux des visiteurs qu’à leur tiroir-caisse. Merci à eux. Et dans la foulée merci à Kensington Market grâce auquel j’ai bientôt bouclé mon tour du monde culinaire.
Je profite aussi de ces déambulations pour affiner ma carte mentale du quartier. En y regardant de plus près, Augusta est véritablement une avenue latino. Baldwin-Est une portion de Caraïbes et Kensington un mix de bobo-vintage-green avec des touches himalayennes. Mais il s’agit là d’une image simpliste à nuancer. On a du green sur Augusta, du tout-venant sur Baldwin-Ouest et centre, des marchands de fruits-légumes dans chaque coin, et le grille du Rasta Pasta qui trône fièrement au milieu de Kensington.
In the local Press today : l’article “Poppy hijab to show loyalty to the nation” parle d’un mouvement de jeunes musulmanes qui après les attentats décident de montrer leur allégeance à la nation. Un encart présente Navut.com, a site to help newcomers to find a good place to settle in Canada.
Pré-end conclusions. Je suis restée hyper focus, voilà le grand + du séjour. But atteint. Loin de la maison, loin des siens, loin du travail, de la vie sociale et des distractions. Here, it was all about it, about Le Projet Cosmopolis.
A l’ère des tabloids, des stories tellers, et autres chaînes d’infos en continue, les social “scientists” ont tendance à chercher des histoires extraordinaires là où il est peut-être juste question d’ordinary people living ordinary lifes, in places that makes sound all this just natural. On découvre des lieux comme Toronto où des réalités sociales inédites ailleurs semblent simplement aller de soi. Vu d’extérieur une réalité peut sembler exotique, alors qu’une fois dans le lieu, it’s just there. It is just the way it is. Chaque configuration semble avoir été taillée sur mesure pour chaque lieu. And after a few days, your staring look just fades and you become part of it, and you’re no longer “studying” the place but living the place, or at least living in the place.
Day twenty. Chinatown. Kensington, AGO
Guesthouse. Ce matin j’apprends que Tess récolte des fonds pour une école aux Philippines. Elle m’explique qu’après ne s’être pas du tout sentie concernée par les Philippines durant plusieurs décennies, elle reprit contact avec ses racines lorsque sa mère tomba malade et y retourna pour finir ses jours, conduisant Tess à s’y rendre quatre fois en un an. Tess fut si émue par la présence de tant de gens du village à l’enterrement de sa mère après des décennies d’absence, qu’à son retour elle commença à monter ce projet d’école.
« Visiter » Chinatown. Repérer les hybridités, évolutions, complexités. Balade dans les deux centres commerciaux, Chinatown Center, vieillot et peu accessible. Regardée comme une attraction. Dragon City, culturellement hybride, plus moderne aussi.
Kensington Market, Acte ?. Encore un peu plus de Kensington… Escale au Tibet cette fois. So freezing today, la bise genevoise à-côté, c’est les alizées…
Art Gallery of Ontario – AGO. Visite gratuite du musée d’art contemporain le mercredi soir. Musée de prédilection de Tess. Ne pouvais pas passer à côté. Exposition sur les artistes des Grands Lacs. Questions de territoire, d’identité, d’hybridité, de rapport des First Nations à la nation canadienne. A côté, drôleries et découvertes propres à tout musée d’art contemporain.
Ce soir amis à qui j’envoie des Lol pix et ne parle que de mouvements, ce soir I
Baldwin. Terminer la soirée avec un bon verre de vin. Dans mon fief baldwinien. J’y trouve pas mon buddy, mais un autre serveur amical, qui a la main un peu lourde sur le vin. Il a grandi à Toronto, vit dans le quartier de High Park, préfère les bars locaux aux endroits hips. A pas mal bourlingué. Aime le sud des States. Trouve le Québec magnifique mais les gens fermés. Songe à bouger à l’Ouest, du côté de Vancouver, pour la nature. Aborde le sujet des hipsters. M’explique qu’il n’y a pas de définition précise de ces gens mais « a lots of jokes on them ». Il me demande si on a nous aussi des hipsters en Europe. Il considère que les hipsters contribuent à changer beaucoup la ville, ce qui le désole apparemment. Oui, il semblerait que toutes les communautés are constantly reshaping global cities…
R-2. Le séjour touche à sa fin. Suis un peu dans le flou réflexif en ce moment. Déchiffrer une réalité c’est comme apprendre une langue y’a un stade où tu mélanges tout tu sais plus rien t’as besoin d’une phase de digestion.
Day twenty-one. Yonge, Eaton
Journée débutée par une très bonne et une très mauvaise nouvelle. Mix feelings.
Retour à Downtown. Yonge, Dundas Square. First Snow… Chicken-beef Shawarma sur Yonge. Eaton Centre. Dundas Square, a little party sur la place, organisée par les étudiants de la Ryerson University. Le grand sapin n’est pas encore allumé. Postée à un passage piéton je prends des vidéos, j’observe la foule affairée.
Guesthouse. Je passe ma soirée à faire plus ample connaissance avec une cliente du Guesthouse, complice d’art de Tess, qui vit à deux heures de là, et se trouve à Toronto pour voir des amis, faire du shopping et repérer des galeries pour exposer. On se livre nos impressions sur la ville. Elle me dit aimer son côté très multiculturel de la ville et admire tous ces gens qui ont “having such harsh time to make it here and doing so well”. Elle trouve en outre les Torontois “very friendly”, et Toronto a “very vibrant city”. Son mari vient du Québec, mais anglophone. Elle a du mal avec l’état d’esprit de Montréal, qu’elle trouve quelque peu fermé comparé à Toronto.
Day twenty-two. Art District, Kensington Market, shopping, packing.
Bon froid sec d’hiver avec soleil… Mine de déterrée.
Guesthouse. Je rencontre finalement Pia, la fille de mes logeurs. Une fille cool, sûre d’elle, avec cette relax and easy-going way. Très busy avec ses deuxièmes études. Elle tapotte sur sa tablette. Son Carlin et son King Charles are running around. Son boyfriend canadien la rejoint pour le lunch, with his biiig pick-up.
Puis Tess took me to the Alex Colville exhibition at the AGO…
Kensington Market. Dernier round
I really don’t want to leave this place. Je ne pouvais quitter Toronto sans avoir papoté et chillé dans les enseignes d’Augusta. Yummy tacos dans un Mexicain. Les clients se font attendre, l’occasion de sympathiser avec la serveuse chilienne, à Toronto pour un an, le temps d’améliorer son anglais. Pas l’intention de rester. Trop froid ici, rentre en janvier. Le serveur vient du Mexique, vit au Canada depuis quatre ans. Will stay. Il me parle de l’évolution d’Augusta, où les enseignes latino-américaines ont fleuri ces deux dernières années. Avant on trouvait seulement deux restaurants latinos sur cette rue, maintenant tout le monde vient, beaucoup de Latinos ouvrent des business dans le quartier. De tous les coins d’Amérique latine, Mexique, Colombie, Argentine, … C’est comme Chinatown, on peut faire un trip dans le continent. Il aime Toronto, y trouve les gens so friendly. Une grande ville, mais relax, pas comme New York. Tant de gens de partout. Il s’est d’abord installé à Vancouver, beau en été mais trop de pluie, rend les gens dépressifs. Est aussi allé quatre fois à Montréal, mais “people don’t like immigrants there, they will not talk to you, stay together, will always tell you you can make efforts to speak French”. Vient de Mexico City. Il me parle des plages magnifiques, de la couleur du sable, de son beau pays, où l’on trouve énormément de différents types de nourriture, de la gentillesse des gens. Mais aussi de la politique et de la violence, qui vous poussent à émigrer. « You don’t feel safe, and you just need to feel safe.” Il se dit très heureux à Toronto. Vit sur Sherbourne St., tout près de là. Seul bémol : « Here the winter soooo cold ! » Il semblait vraiment content d’être là et sincère en disant aimer la ville, pas « à défaut de mieux » comme j’ai pu l’entendre parfois.
Avant de boucler mon tour de Kensington, passage obligé dans une boulangerie vegan pour un bun sans gluten…. Enfin détour chez mon kiosquier de Chinatown, apparemment surpris de m’entendre lui dire “It’s too cold in your country ! ». Jette un œil dans la boutique pour vérifier que je ne m’adresse pas à un client, avant de me demander, amusé, « and, by the way, what is your country ? »
Day twenty-three. Last Day… and way home
Mon little while, où il n’aura été question que de moi, is over. No matter what, c’est une apprentie écrivain-géographe qui va remonter dans cet avion.
Guesthouse. Dernier breakfast partagé avec un couple d’Ottawa, retraités de l’enseignement et de la finance, dont un des quatre fils effectue une formation de brasseur à Toronto. Ils ont aussi travaillé pour un programme d’éducation dans un camp de réfugiés à la frontière somalienne. Un camp de plusieurs centaines de milliers de personnes censé être provisoire où les réfugiés, dont beaucoup s’y trouvant depuis des années, ont fini par s’installer, et mettre en place une véritable économie à l’intérieur du camp.
Ils me demandent mes impressions sur la ville, glissant cette phrase devenue culte « You won’t find a more multicultural city in the world. ». On parle de Montréal aussi. Ils m’expliquent le débat qui a secoué le Québec toute l’année dernière avec cette proposition de loi contre les signes religieux, et que le débat était devenu very confusing débordant sur l’identité les femmes etc. Finalement la loi a été enterrée. Elle me parle de la lutte identitaire des Québécois. Et affirme que ce débat sur l’identité, « This would have never ever ever happened in Ontario », où on ne se pose pas ces questions identitaires, on vit le truc c’est tout. Roger complète ce tableau idyllique avec un « People here, they accept, they embrace. »
Puis Roger nous livre un petit gag dont il a le secret, en nous contant qu’avant d’ouvrir le guesthouse, ils faisaient déjà B&B gratuitement et régulièrement pour toute la famille philippine. La seule différence, c’est que désormais ils sont payés et les gens arrivent moins souvent à l’improviste.
Visite
Tess m’emmène ensuite visiter leurs Inns. Ils ont acheté toutes ces maisons après le 11 septembre quand les gens fuyaient le centre, qui n’avait plus la cote.
Ces visites nous donnent encore une fois l’occasion de parler de mobilité. Tess me confie que c’est le first move le plus difficile, un saut si grand qu’après peu importe où on vit. Aucun changement n’aura de comparaison avec le first move. Par contre, ses enfants qui ont grandi dans la maison de Mississauga l’ont détestée quand elle l’a vendue pour les « déraciner » au centre-ville. L’ont vécu comme une trahison. En fait à la base la raison de leur migration à Mississauga était leur éducation, très importante pour Tess. Elle ne voulait pas que ses enfants aillent en classe avec d’autres immigrants, le temps passé à expliquer la langue ralentissant l’apprentissage. Et cette banlieue avait la réputation de compter de très bonnes écoles publiques.
On reparle de son héritage philippin aussi. Bien qu’avoir été élevée aux Philippines dans la religion catholique, Tess n’est aujourd’hui pas religieuse, même si elle se sent davantage proche de la philosophie bouddhiste. On reparle de la « communauté » philippine de Toronto enfin. Elle n’a jamais entendu parler du « Little Manilla » de Toronto. Je lui montre le site avec le festival culinaire qui s’y déroule en été. Elle ne se sent pas concernée. C’est sûrement destiné à cette grande communauté de Philippins à Toronto qui bossent dans le daycare, me dit-elle. Avec l’extension de la communauté, certains Philippins ont naturellement ouvert des commerces. En parlant avec Tess, j’ai souvent le sentiment qu’alors qu’elle se solidarise des Philippins de « là-bas », à contrario elle se distancie de ceux « d’ici ».
En route. Une des premières choses que me dit mon chauffeur de taxi indien sur Toronto, c’est que c’est la ville la plus multiculturelle. Ma parole, un vrai mantra. Qu’ici on peut manger de tout, de partout, en me désignant les enseignes. Ca l’amuse que je sois allée manger indien à Gerrard Bazar, il s’y rend bien sûr, pour les restaurants, on trouve énormément de nourritures indiennes différentes là-bas. Il habite Brampton, en banlieue (abrite une grande communauté indienne d’après internet). En traversant le coin Condos City, me dit qu’il n’y avait rien, quand il est arrivé il y a trente ans. Il est venu sur le tard à Toronto, du Punjab, pour rejoindre sa famille. Il me parle de l’Inde qui « change très très vite », et où il retourne tous les deux ans. Il me parle du temps, comme tous les nouveaux venus auxquels j’ai parlé, du froid, à quel point c’est sooooo cold here en hiver, genre -20 degrés.
Et puis last but not least, mon guichetier British Airways vient de Genève, où une grande partie de sa famille habite encore, et où il se rend chaque année. Avant de s’installer à Toronto, il a vécu avec sa famille en Amérique du Sud, puis a effectué une halte à l’Ecole hôtelière de Lausanne. Ils se sont ensuite tous rejoints à Toronto. Ça fait 35 ans qu’il y est. Il a fondé sa famille et fait sa vie ici. Il dit avoir eu la même réaction, le même enthousiasme que moi lors de sa première fois à Toronto…
Je quitte cette ville le cœur serré et les larmes aux yeux. Toronto va me manquer. Quelques heures plus tard, en transit, très tôt le matin, à l’aéroport de Londres, je me rends compte que je cherche désespérément inconsciemment un visage asiatique pour me sentir un peu à la maison.
Bye Bye North-American Global Cities
J’achève cette première partie de mes errances, riches en découvertes, rencontres, surprises, émotions. Le contrat est rempli, j’ai découvert plus que ce que j’étais venue y chercher. J’ai aussi eu de véritables coups de cœur. La High Line et le quartier d’Astoria à New York, le quartier du Mile End et la Rue Duluth à Montréal, Queens St. pour l’ambiance à Toronto, et surtout deux ensembles spatiaux fonctionnant comme des entités, à savoir Chinatown – Kensington Market – Discovery & Design District, ainsi que The Annex et Koreatown, échantillons de recompositions et réinventions de la mappe monde qui semblent fonctionner.
L’atmosphère cosmopolite diffère selon la configuration de chaque ville. Du reste, si on considère qu’on redessine le monde à petite échelle dans les villes globales, alors je me dis que les urbanistes jouent un rôle crucial pour l’avenir de l’humanité ! Si sa configuration reste toujours « cadrée » par l’histoire de la ville, que ce soit à New York, Montréal ou Toronto on peut observer des trends communs, dont la gentrification, l’asiatisation, et la greenification semblent bien résumer le trio.
Et en parlant gentrification, elle va sans doute continuer sa marche rapide à Toronto, où le retour des populations au centre, le trend de migrations inverses, est un phénomène très prégnant. D’où la prolifération des quartiers de Condos, qui modifient l’identité de la ville. Parce que Toronto est avant tout une ville de quartiers. Ainsi les quartiers ethniques centraux rentrent dans cette logique d’identité territoriale. Chaque quartier doit avoir une personnalité forte et identifiable, une saveur particulière. Pour ce faire, les quartiers sont organisés en BIA (Business Improvement Area) « association of local businesses and commercial property owners within a defined area who work in partnership with the City to create thriving, competitive, and safe business areas that attract shoppers, diners, tourists, and new businesses.” La mise en avant du caractère ethnique des quartiers répond donc davantage à une logique de marketing territorial. De plus, les quartiers ethniques centraux sont d’abord des hubs, principalement commerciaux, mais aussi religieux ou historiques pour la communauté, les lieux de résidences se situant davantage en périphérie.
Il s’agit bien sûr d’un avis personnel et subjectif, mais je pense que Toronto peut incarner la Cosmopolis. Alors que New York semble overcrowded by the world, trop aseptisée étant en phase finale de gentrification, et désormais sous influence de la politique nationale, et que Montréal est le champ d’enjeux identitaires régionaux trop forts pour lui laisser une place, j’ai eu le sentiment qu’à Toronto il y avait davantage de marge, d’espace mental et physique pour inventer et laisser se déployer, s’installer, s’exprimer la Cosmopolis. “Toronto is not about the buildings, it’s about the people”. So true. Toronto apparaît comme a good balance between the overcrowded NYC and the underdensed Montréal.
Toronto semble avoir réussi le mariage des cultures, intégrant les immigrés tout en leur laissant maintenir leurs traditions et identités culturelles. Et puisque la Cosmopolis, c’est avant tout le métissage, j’ai adopté une autre approche pour Toronto. Je me suis concentrée sur l’hybridité qui est partout, essayant de révéler le « Best of Worlds » que doit représenter la Cosmopolis. Par conséquent, je n’ai pas axé ma visite sur les quartiers dits communautaires. Par ailleurs, pour une meilleure immersion et pour casser les préjugés, j’ai logé chez de deux types de « communautés », à savoir chez une membre de la fantasmée communauté hipsters, ainsi que chez des représentants d’une soi-disant communauté transnationale. J’espère que ce récit vous aura convaincus qu’ils sont avant tout Torontois, définis par la ville et non par un trend culturel ou une origine. Car si les signes du transnationalisme sont partout, l’expression des différences n’empêche pas la ville de respirer dans un même souffle.
En me baladant dans ces cités, j’ai recueilli les tracts de citoyens défendant des causes politiques, religieuses, ou sociales sur les cinq continents, récolté la presse transnationale de toute double nationalité, goûté aux cuisines du monde entier, écouté les sons d’innombrables déclinaisons de l’anglais. J’ai visité un nombre incalculables de variantes d’enclaves aux degrés de mixité ou de polarisation différents, mais aucune ghettopolis. J’ai découvert que derrière chaque enseigne, il y a une histoire à découvrir, à raconter. J’ai aussi eu l’occasion d’évaluer le degré d’acceptation du transnationalisme en conduisant mes interlocuteurs à s’exprimer sur la valorisation des identités multiples ou sur l’émergence d’une identité urbaine globale, qui connecterait davantage au sein de l’Archipel mégapolitain mondial qu’entre Ville globale et périphéries d’une même nation. Ce qui fut l’occasion d’observer qu’il est encore compliqué pour les ajoutés de speak out leur désir de vivre ni pleinement dans un ni pleinement dans l’autre, mais entre deux pays.
Durant ce voyage, j’ai vécu l’errance dans ma chair, ce qui m’a parfois conduit à revoir et nuancer mon opinion sur la mobilité. J’ai pratiqué le cabotage spatial, tenté de privilégier les sens, le feeling, parvenant à une sorte de méthodo qui s’est affirmée avec le voyage et que je tente maintenant d’appliquer, à savoir « walking to feel, observing to guess, talking to learn, researching and reading to know ».
J’espère ne pas vous avoir trop ennuyés et être parvenue ne serait-ce qu’un tant soit peu à partager la façon dont l’image de ces villes se sont construites, day after day, ainsi que vous communiquer mon coup de cœur cosmopolite pour Toronto. Le voyage n’est pas terminé, mais ces quelques semaines pour sonder la mondialisation et tenter de dénicher la Cosmopolis m’ont rassurée sur l’état de la cohabitation des cultures dans ces concentrés du Monde. So far, the world appeared to be a much more better place than we’ve been told. Choc des civilisations ? Impossible cohabitation ? Ce n’est pas ce que semble dire le pavé…. Affaire à suivre donc… Je rentre prendre un peu de « maison », et on se retrouve d’ici quelques semaines pour expérimenter une autre version de la Ville-Monde, rendez-vous à Singapour…
Consultations / Pour aller plus loin
Le Guide du Routard
What we All long for, Dionne Brand
Before and after the horizon. Anishinaabe Artists of the Great Lakes
http://decouvrirtoronto.com/category/quartiers-de-toronto/quartiers-ethniques/
www.lapresse.ca/arts/201405/05/01-4763797-week-end-culturel-a-toronto.php
www.Easyvoyage.com/canada/toronto
settlement.org
Diversity
Canadian Immigrants
Immigrer.com
Ici.radio-canada
Toronto Life
http://www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/as-sa/99-010-x/99-010-x2011001-fra.cfm
http://www.blogto.com/eat_drink/2014/08/taste_of_manila_draws_a_crowd_to_bathurst_and_wilson/
http://www.collectionscanada.gc.ca/obj/008004/f2/E-31_fr.pdf
http://www.thestar.com/news/immigration.html
http://www1.toronto.ca/wps/portal/contentonly?vgnextoid=1e68f40f9aae0410VgnVCM10000071d60f89RCRD
http://www.ontarioimmigration.ca/OI/fr/index.htm
https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2006/as-sa/97-557/p24-fra.cfm
http://www.lexpress.to/archives/4081/
http://www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/as-sa/99-010-x/99-010-x2011001-fra.cfm