Avril 2015
Marseille, Ville-Monde de la Méditerranée, Ville du Monde de la Méditerranée… Quittons maintenant les Villes-Monde du Big five et retournons en France, où nous laissons Paris pour Marseille, Sartre pour Camus. Pourquoi Marseille ? Parce qu’après avoir exploré les deux capitales nationales postcoloniales, à savoir Londres et Paris, Marseille se présente comme une occasion unique de revenir sur cette Histoire, et beaucoup plus encore. Marseille ne se présente pas comme une capitale majeure de la mondialisation, en tous les cas pas de celles qui auraient été mondialisées par le CBD (Central Business District). Mondialisée par l’empire, la cité a ensuite été en partie transnationalisée par la communauté marseillaise issue du grand brassage colonial. Mais si j’ai choisi cette cité-monde d’un type particulier, c’est aussi parce que par rapport aux villes précédemment abordées, Marseille rajoute encore de nouvelles échelles identitaires, de nouvelles couches de complexité. Marseille est entre autres une des capitales du Monde méditerranéen, ensemble suprarégional identitaire mais pas politique.
Marseille doit donc trouver la bonne recette pour conjuguer son âme méditerranéenne avec toutes les autres facettes de son identité : urbanité, Provence, France, Europe et Monde. En pleine mutation, Marseille se situe plus que jamais à un carrefour. Au carrefour de deux espaces régionaux, maritime et continental. Entre la Méditerranée et une Europe qui semble avoir sorti les grands moyens pour en faire un de ses fleurons. Mais comment Marseille gèrera-t-elle cet appel du pied ? Saura-t-elle plonger dans son futur sans renier son passé ? Marseille la rebelle parviendra-t-elle une fois encore à proposer une voie détournée ? Marseille devra relever le défi de renégocier son identité, entre la pierre et la mer, la ville et l’Ailleurs arrivé par la mer. Entre régionalisme intra et supra national. Entre bataille européenne et méditerranéenne, inclusion dans la nation et la mondialisation. Entre résurgence des religions, des identités régionales, et recherche des origines. Comment s’ouvrir à l’Europe, ne pas renier son Histoire, sa tradition d’accueil et le mythe de sa fondation, réapprendre le patois provençal, s’imposer comme une des trois grandes métropoles nationales, tout ça simultanément ?
Chaque ville imprègne ses habitants de sa façon d’être au monde, qui dans un processus mutuel enrichissent l’âme de la ville. Ainsi, il existe une façon marseillaise d’être au monde. Une façon marseillaise d’être algérien, français, italien. Les port(e)s du Monde ne perdent pas leur identité, bien au contraire. Marseille, porte du monde avec son identité bien vivace, en est un parlant exemple.
Avant de la fouler, j’étais comme tout le monde, saturée d’images sur cette cité. A son évocation, je pensais calanques, foot, quartiers Nord et règlements de compte, pastis, pétanque, cabanons, mer, soleil, accent chantant, films de Robert Guédiguian, I Am, Pagnol et clientélisme politique. Puis vint l’année 2013. Dans le cadre de Marseille-Provence 2013, Marseille, pour un an capitale européenne de la culture, occupa le devant de la scène médiatique. Et pour une fois, pour d’autres raisons que des scandales. Je me suis alors penchée sur la question, et découvert une ville en pleine mutation. Depuis, il y eut les élections municipales. Et d’autres règlements de compte. Mais au-delà des clichés et du changement d’image, je découvre régulièrement Marseille à travers les déclarations de mon entourage. Marseille, mes amis ne parlent plus que de toi ! En mode love, car tu les séduis.
Vitrine marseillaise
Marseille-Provence 2013 s’avéra donc une bonne occasion pour Marseille de se présenter au monde, qui en profita pour mettre en avant la première phase de sa spectaculaire réhabilitation, dont l’inauguration du MuCEM signait la consécration. Par MuCEM, entendez Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, un lieu des plus pertinents au regard de l’identité de la cité, et une vitrine qui remporte l’adhésion. On célébra également le mouvement, partie intégrante de son Histoire, avec le projet TransHumance : cheminement poétique, errance de troupeaux de chevaux en terres méditerranéenne, à travers des sites naturels d’exception, avant de se rejoindre à Marseille.
« dans La poussière souLevée par nos pas, iL y aurait La poussière de toutes Les errances, de toutes Les transhumances, de toutes Les migrations passées et à venir. Ce serait moi, ce serait toi, mais pas tout à fait, ce serait nous. Je voudrais être un troupeau en marche, emporté… réuni ». camiLLe et manoLo (http://www.mp2013.fr/wp-content/uploads/2013/01/transhumance-progweb.pdf)
Si la mer et le mouvement ont été célébrés, la cité a cependant oublié de mettre en avant des composantes essentielles de son identité, à savoir les quartiers Nord, les cultures urbaines ou encore son arabité. Omission illustrée notamment avec le Festival du cinéma arabe devenu Festival du cinéma méditerranéen. Avec Marseille-Provence 2013, la ville a donc laissé passer une occasion de s’unifier. De capitale de la culture à capitale de la rupture.
Après le MuCEM, le pharaonique projet Euroméditerranée constitue la phase suivante du chantier de transformation. On le voit notamment à travers ces deux projets, Marseille ambitionne à la fois de devenir ville européenne importante et centre méditerranéen. Mais si l’esplanade, le projet Marseille-Provence 2013 et la première phase de réhabilitation lui ont permis de briller, il ne faudrait pas que Marseille perde son âme sur la route terrestre de ses rénovations. Car au-delà de la réhabilitation de ses quartiers, ce qui se joue à Marseille c’est aussi une réhabilitation de son image, de son identité.
Pour se faire une idée de son avenir, il est désormais temps de se mettre en route. Que nous dit l’espace urbain marseillais ? Saura-t-elle embrassé à la fois le continent et la mer ? Où se situe Marseille dans les trends observés en chemin ? Entre réhabilitation, européanisation et boboisation, comment Marseille gèrera-t-elle la complexification du duo pastis-couscous ? Et au milieu du marasme religio-civilisationnel mondial, Marseille saura-t-elle continuer à afficher fièrement la composante arabe de son identité ?
Port d’accueil
Marseille a toujours été au cœur de l’histoire de l’immigration en France, et fut dès sa fondation une ville de migrants. Depuis toujours lieu d’arrivée et d’installation, Marseille deviendra en outre la capitale de l’empire colonial français, un relais entre la métropole et l’outre-mer. Mais avant de devenir tour à tour romaine, bourguignonne, provençale, française, méditerranéenne, mondiale… en somme marseillaise (!), la cité fut fondée par les Grecs il y a 2600 ans pour y installer un comptoir commercial. Selon l’histoire semi-légendaire de Protis et Gyptis, Massalia est née de l’histoire d’amour entre un phocéen et une autochtone ligurienne. Avant même de lier son destin à celui des immigrants, le métissage n’est donc rien de moins que le mythe fondateur de la cité.
Ville ouvrière et portuaire, Marseille va accueillir Italiens, Grecs, Turcs, Espagnols, réfugiés russes ou arméniens, Maghrébins, Comoriens, Asiatiques, Moyen-Orientaux, Africains subsahariens. Ces ajoutés ont forgé l’histoire et l’identité de la cité, véritable melting pot de langues et de cultures. Véritable « Cosmopolitanie » (Soprano) à laquelle a récemment rendue hommage un artiste du cru. Italien, arabe, corse, kabyle, espagnol, russe, arménien, bengali, hébreu ou comorien résonnent comme autant d’accents de l’identité marseillaise. Au gré des réfugiés des génocides, des migrants coloniaux, des migrants luttant pour leur survie économique, des rapatriés et des guerres de décolonisations, Marseille est devenue tout à la fois juive, chrétienne, musulmane, composée d’Arméniens, de Juifs, d’Arabes. « Marseille appartient à qui vient du large », disait Blaise Cendrars. Ainsi, la Communauté des Marseillais est formée de gens venus de toute la Méditerranée. Une société unie par une histoire commune, un climat, une civilisation méditerranéenne. Au-delà de la Mare Nostrum, la communauté des Marseillais est composée et nourrie par des populations extérieures, le résultat d’incessants brassages.
Ville de brassages et destin intimement lié à la Méditerranée, aujourd’hui quelle empreinte a laissé cette histoire sur l’identité et la cohabitation ? Marseille, ville cosmopolite ou laboratoire de l’ethnicisation ? Le futur de Marseille s’écrit-il sous le prisme de l’effondrement du brassage des populations qui ont forgé le mythe de la cité pour afficher des divisions en communautés ethniques ?
Comment une ville organisée spatialement comme Marseille aurait-elle pu échapper au trend de l’ethnicisation ? Ville coupée en deux, ses quartiers Nord sont dévolus aux plus pauvres, pauvres qui sont souvent des immigrés fraîchement arrivés qu’on concentre dans des zones de ségrégation, depuis trop longtemps déjà réservées aux ajoutés. Avec 30% de Marseillais vivant sous le seuil de pauvreté, et un maire qui aborde trop souvent la ville sous le prisme communautaire, comment éviter les divisions ? Les politiques ont tendance à noyer le statut socio-économique sous l’ethnicité, à focaliser sur les origines pour éviter de parler du niveau de vie, empêchant l’émergence d’une société unifiée. Lors des dernières élections, si les candidats du parti socialiste présentaient une image plus diversifiée, plus marseillaise, quelques sursauts n’auront pas suffi à apporter plus de cohésion.
Paysage urbain
Vous connaissez mon penchant pour les confidences des murs, alors allons voir maintenant ce que l’espace nous raconte sur les cohabitations. A priori il nous parle d’une ville divisée entre Nord et Sud. Mais croise-t-on sur les pentes de ses buttes une société ou des communautés ? Et qu’en est-il des espaces tam-ponts ?
Avant d’entrer dans l’image, je vous propose un bref aperçu de mes observations. L’espace marseillais est traversé par des courants de réhabilitations, d’ethnicisation, de boboisation, et présente quelques zones qu’on peut distinguer. La zone musée (le Panier), la zone réaménagée (le Port), la ville nouvelle (la Joliette), la zone commerciale (autour notamment de Paradis, Rome, Grignan), la zone carrefour et convergence, l’espace neutre (Vieux Port), la zone en gentrification (République), le Bazar (Noailles), les Boulevards aseptisés (dont La Canebière, pas folklorisée, pas gentrifiée, sans charme mais vraie), une zone de transition entre ethnicité et ethno-bobo (Aubagne), la zone ethno-bobo (Cours Julien), l’espace du bord de mer (Plage de Catalans, Corniche Kennedy, Vallon des Auffes), plus loin les calanques et les villages provençaux.
Marseille et la Cité. De la Cité radieuse aux Quartiers Nord
Commençons ce tour de ville par sa partie Nord, une moitié que je n’ai paradoxalement pas explorée. Comment pourrais-je ne serait-ce qu’envisager de capter une ville dont je n’aurais vu que la moitié ? Que peut-on savoir d’une ville qu’on a juste effleurée, entrevue ? Quand on ignore une partie de la ville, une partie de son identité, une partie de sa population, une partie de la réponse ? Si je ne peux écrire sur cette partie de la cité, je peux écrire sur le fait que je ne l’ai pas visitée. Les quartiers Nord souffrent d’une réputation sulfureuse, et la semaine précédant ma visite, un nouveau règlement de comptes a fait plusieurs morts dans une des cités. Un ami qui a résidé à Marseille m’a par ailleurs déconseillé de m’y aventurer seule. De toute façon, j’aurais pu y être intégrée à condition d’avoir un contact pour l’immersion, à condition d’avoir du temps pour rencontrer. Au-delà de l’itinéraire du GR 2013 qui propose de longer les « cités interdites », rien n’est fait pour avoir besoin d’y passer, ou d’y avoir quelque chose à visiter. Alors on ne va pas visiter des zones résidentielles en difficulté, on ne va pas heurter. Un simple musée pour ouvrir et faire entrer la cité dans le guide touristique, une si mauvaise idée ? Juste ouvrir une voie. Apporter un peu de mixité sociale et démographique. Les quartiers Nord sont en mal de gentrification ! Ce que nous dit cette division spatiale, c’est le glissement d’une Ville-Monde Méditerranée à une ville coupée en deux, dont un seul des mondes serait accessible et visible, dont l’unité se limiterait à quelques zones tampons. Il semblerait qu’à Marseille ceux qui sont arrivés par la mer aient été relayés loin de la mer. Excepté pour une plage, Corbières. La ville compte une frontière invisible qui associée au manque d’accessibilité, fait dire aux habitants des quartiers Nord qu’ils « descendent à Marseille » lorsqu’ils se rendent au centre-ville.
Les Quartiers Nord sont une concentration de grands ensembles. Et à ce propos, j’aimerais vous faire part d’une réflexion. Il existe à Marseille un autre représentant des grands ensembles. Le témoignage d’un temps où ces derniers, avant leur construction au rabais et en grande série, relevaient d’une utopie urbaine. Cette utopie, elle est née dans la tête du Corbusier. Ce témoignage, c’est la Cité Radieuse. L’objectif du Corbusier était la construction d’une unité d’habitations, une cité-jardin verticale, pouvant accueillir une large population bénéficiant sur place de nombreux services. L’exemplaire marseillais entrait dans une vision urbanistique plus large. Les principes ? Ordre, rationalité, uniformité, égalité. Ces principes, qu’on peut penser comme étant à la base des Cités, devaient permettre de s’ancrer dans l’État-nation et la ville industrielle. L’idée ? Dans un paysage anti-ethnicisé, chacun arrange son petit monde intérieur comme il l’entend, et offre une façade uniforme sur l’extérieur. La cité se présente ainsi comme une métaphore du projet égalisateur républicain. Unifier, moderniser, lisser les différences.
L’utopie du Corbusier ne se sera réalisée qu’à de parcimonieux exemplaires, et à Marseille, la Cité Radieuse propose aujourd’hui des appartements en copropriété, un centre d’art et une visite touristique. Si on a effectivement retenu quelques principes pour construire des villes nouvelles ou des grands ensembles, la gestion de ces derniers a plutôt conduit de l’égalité et l’uniformité au désordre et à l’ethnicisation. Les villes sont des utopies urbaines, rappelant le rôle des aménageurs, architectes, urbanistes, penseurs de l’espace. Mais s’ils définissent un cadre, une vision, l’espace urbain est également le résultat d’un projet politique. Sa gestion peut donc s’éloigner de l’utopie qui l’a inspiré. Marseille et la figure de la Cité, c’est le glissement de la Cité utopie à la Cité relégation. C’est la Cité Radieuse qu’on visite, les Quartiers Nord qu’on évite.
A Marseille, pour loger une population en pleine expansion, on a donc construit en série des unités d’habitation, où on a concentré les habitats sociaux. Certains quartiers présentent des regroupements communautaires et une tendance à la mono-ethnicité, regroupements parfois organisés. « Les Rosiers, Bon Secours, la Savine, le Plan d’Aou abritent des Comoriens et, à des degrés divers, des familles aux patronymes nord-africains ; la Castellane, des Maghrébins ; à la Renaude s’entassent Arabes, Gitans et Comoriens. Plus fort encore à la Savine : « Il y a quinze ans, témoigne Mme Anne-Marie Chovellon, qui y a travaillé, les nouveaux arrivants ont été regroupés par origine. Des tours pour les Asiatiques, d’autres pour les Maghrébins, d’autres pour les Comoriens. » (Source : https://www.monde-diplomatique.fr/2012/09/LEMOINE/48118). Au-delà de leur diversité, pratiquement tous connaissent une même réalité : chômage, trafics, violence. Pour endiguer les problèmes, on a commencé à réhabiliter. Mais à quoi sert de démolir pour agir selon les mêmes principes ? A quoi peut servir de se contenter de mettre une couche de peinture sur un fonctionnement ancré ? Les habitants de ces cités, se sentant oubliés par l’État, tout comme ils ont été écartés de Marseille-Provence 2013 ou des chantiers d’Euroméditerranée, organisent une autre société, parallèle, à la marge, à la périphérie de l’État. Les quartiers Nord, ébauche en construction d’un monde sans État ? En tous les cas, une certaine économie parallèle l’y a partiellement remplacé. Une économie qui ne saurait être qualifiée « d’ethnique », mais doit être qualifiée de locale. Une économie devant répondre aux besoins d’une population désœuvrée professionnellement et désargentée. Le sort de ces quartiers pousse donc à un premier constat : les Quartiers Nord nous racontent une ville qui aurait davantage relégué ses immigrés qu’intégrer sa diversité.
Marseille : un Port
Premier port de France, le Port de Marseille s’étend sur septante kilomètres de côtes. Septante kilomètres qui nous racontent la culture maritime de ce monde de la mer. Sa partie urbaine regroupe tous les types d’activités portuaires : port de plaisance, de croisière, de pêche, de commerce, d’industrie, navettes. Monde des dockers, monde des navetteurs transnationaux ou monde du tourisme en paquebots. Peut-être plus que nulle part ailleurs dans la ville, ce sont ces espaces qui attestent du rapport inextinguible de Marseille à la mer. Marseille aura beau regarder vers l’Europe, elle ne pourra pas se permettre de tourner le dos à la Méditerranée.
Espace Méditerranée
« Qu’est-ce que la Méditerranée ? Mille choses à la fois, non pas un paysage, mais d’innombrables paysages, non pas une mer, mais une succession de mers, non pas une civilisation, mais des civilisations entassées les unes sur les autres. »
(Fernand Braudel, La Méditerranée, 1977 in Brochure de présentation Galerie de la Méditerranée du MuCEM)
La Méditerranée est une mer qui unit 427 millions d’habitants répartis sur vingt-quatre pays, entre le sud de l’Europe, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord. Des peuples unis par la mer, mais aussi liés par un même climat, et un héritage culturel, historique et religieux. A Marseille, pour mettre en lumière cette unité, on lui a offert une vitrine à la hauteur de son importance. Ainsi le MuCEM – Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, a été inauguré en grande pompe en 2013. Le MuCEM, avant d’être un musée, est d’abord un bâtiment imaginé par l’architecte Rudy Ricciotti. Une œuvre devenue le nouveau symbole patrimonial de la ville. Un symbole embrassant à la fois Histoire et futur. Le MuCEM regarde vers la mer et le passé, tout en étant relié à la ville et représentant architecturalement un symbole de post-modernité.
Au niveau du contenu, à côté du J4 qui regroupe la Galerie de la Méditerranée et les expositions temporaires, le Fort Saint-Jean permet de jouir du panorama et se promener dans le Jardin des Migrations. La Galerie de la Méditerranée, l’exposition permanente, est consacrée à quatre singularités de l’espace méditerranéen : « Invention des agricultures, naissance des Dieux », « Jérusalem, ville trois fois sainte », « Citoyenneté et droits de l’homme », « Au-delà du monde connu ». A côté, l’exposition temporaire du moment s’intitulait « Lieux saints partagés. Chemins de traverse entre les monothéismes ». J’ai rêvé du MuCEM pendant deux ans, et ça m’attriste de l’avouer, mais j’ai été profondément déçue par le minimalisme de l’exposition permanente, au regard de la variété de présentations que la richesse de cet espace méditerranéen aurait pu inspirer. On se promène dans deux salles parcourues de rideaux blancs en guise de séparations, qui traitent d’agriculture, religion, démocratie, découvertes. L’exposition temporaire consacrée à ce qui est partagé entre judaïsme, christianisme et islam arrive elle à point nommé. Abraham, Marie ou certains lieux de pèlerinage tentent de montrer la voie de la cohésion à cet espace méditerranéen où la religion se rapporte à la culture et donc à l’identité, et dans lequel ces identités sont contraintes de cohabiter.
Si l’écrin, le site est magique – jeux de lumières, jeux de matières, jeux d’Histoire. Les époques de Marseille communiquent entre elles, tout comme la culture communique avec la nature, la mer avec la pierre. Le musée communique avec les éléments. Le bâtiment, le vent, la mer semblent en symbiose – je ne suis apparemment pas la seule à taxer le MuCEM d’objet culturel non ou mal identifié. Deux ans après son ouverture, les chiffres montrent qu’une partie des visiteurs parcourt le site sans s’intéresser aux expositions. La partie Nord de la ville ne se sent en outre pas vraiment concernée, et sa gestion se révèle un casse-tête pour son président qui doit organiser un musée qui embrasse toutes les identités de la cité : « Par la grande baie vitrée de son bureau, le président du MuCEM peut découvrir chaque jour le paysage qui résume pour une bonne part ses missions. Il voit les quais du port d’où partent ferrys, paquebots et porte-conteneurs à destination des îles et pays méditerranéens. Au loin, on aperçoit l’Estaque et son viaduc ferroviaire qui furent peints par Cézanne. Sur la droite de ce site, au nord de la ville, s’élèvent les tours de la Castellane. Trois images, trois feuilles de route pour cet historien, qui rappelle que l’institution a également une vocation européenne. Alors comment faire ? Il explique : Marseille est une ville complexe, c’est un ensemble de villages qui ne communiquent pas forcément entre eux. Ce sont des blocs refermés sur eux-mêmes. » (Source : http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20150225.OBS3350/mais-a-quoi-sert-le-mucem.html)
Le défi du MuCEM ? Ne pas se contenter de demeurer juste une belle image, la célébration d’un mirage, mais constituer un pont.
Monument désormais le plus photographié de Marseille, on est hypnotisés devant toutes les perspectives différentes qu’il offre, se présentant ainsi comme une métaphore de cette cité.
Vieux Port et bord de mer, espaces de convergence
Grâce au gigantisme du Vieux-Port, touristes et Marseillais de tous points cardinaux peuvent se croiser et cohabiter nombreux dans ce qui apparaît comme l’espace central de la cité.
La nature maritime fait partie intégrante du mode de vie à Marseille, qui peut se targuer d’inclure un parc national à son espace urbain.
Le Panier. Un mythe
Comme toute métropole d’importance qui se respecte, Marseille a dû élire son quartier populaire-vitrine à patrimonialiser. Le choix s’est porté sur le Panier, selon la légende, plus vieux quartier de France. Enchevêtrement de ruelles pentues et colorées, d’ateliers ou d’anciens monuments religieux, le Panier séduit toujours autant par ses vieilles pierres et sa saveur provençale. Et séduit apparemment encore davantage depuis qu’il a été popularisé par une série qui lui est consacrée. D’après les informations que j’ai pu glanées, le Panier ne se serait pas encore transformé en Hôtel & Musée. On y trouverait encore de nombreux appartements à loyers modérés habités par des Marseillais.
Gare – Belsunce – Canebière. Quartier de transit au cœur du Port d’entrée
J’ai parlé des quartiers Nord et de l’immigration. Mais il existe dans l’hyper-centre de Marseille un quartier mythique de l’immigration. Belsunce, depuis toujours, quartier sas, de transit ou d’enracinement. Avant qu’on lui attribue l’image de quartier maghrébin, il fut quartier juif ou arménien, et devient aussi subsaharien.
L’histoire de Belsunce en a fait un véritable melting pot et une vitrine du cosmopolitisme marseillais. « Belsunce se présente comme une zone à la fois ouverte et enclose, centrale et populaire. Sa géographie entre port et gare est mouvante, évoluant au gré de sa composition sociologique, des vagues migratoires, des implantations commerçantes et des politiques publiques successives de restructuration. » (http://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2004-2-page-19.htm)
Belsunce est pour moi l’occasion de vous glisser, mine de rien, une petite théorie sur les réseaux. J’ai dit en introduction que Marseille avait été transnationalisée par sa base. Explication. La figure du Réseau est aussi évanescente et insaisissable que les théories qui le concernent sont denses et inextricables. Le quartier maghrébin de Belsunce, situé au cœur de Marseille, est l’un des lieux qu’Alain Tarrius, arpenteur et grand poète des Réseaux, a choisi pour illustrer le phénomène des réseaux commerciaux transnationaux et des « territoires circulatoires ». Dans la théorie d’Alain Tarrius, les lieux comme Belsunce doivent être appréhendés non pas du point de vue de l’ancrage local, mais en tant qu’espace support aux réseaux de circulation marchands transnationaux.
Ancienne capitale coloniale, Marseille est devenue une des capitales d’une économie post-coloniale et transnationale, incluant les deux rives méditerranéennes, et s’organisant en marge des États. Marseille, un des plus importants comptoirs commerciaux méditerranéens, apparaît comme un relais majeur pour les échanges économiques entre les deux rives, dont une large économie informelle qui concerne tous les types de biens. Une économie qui inclut non seulement France, Tunisie, Maroc, Algérie, mais s’étend également à tout l’espace méditerranéen, à l’Afrique sub-saharienne et désormais au-delà. Cette économie informelle s’appuie en partie sur le mouvement des immigrés, et est organisée par des migrants entrepreneurs commerçants transnationaux. Marseille est donc le témoin du destin méditerranéen, un monde en soi, qui comprend ses deux rives et dont l’économie informelle en réseau se superpose aux frontières des États.
Les pouvoirs publics donnent de Belsunce l’image uniforme et stigmatisante de quartier populaire maghrébin, une image qui entre en distorsion avec la réalité de Belsunce comme espace relais d’un vaste réseau commercial méditerranéen. Vu du réseau, Belsunce est le symbole non pas d’une mondialisation pauvre, mais d’une mondialisation autre, d’un monde qui échappe aux classifications et aux organisations étatiques. Belsunce est un centre économique nié et occulté parce qu’il est le symbole d’un « retournement colonial », d’un transnationalisme comme alternative à l’assimilation.
Là où les pouvoirs publics parlent de pauvreté et de trafics, Alain Tarrius met en lumière patrimoine migratoire, culture de la mobilité et « savoir-circuler ». Dans une vision étatique, on considère Belsunce comme un quartier arabe plus ou moins ghetto, peuplé de migrants et de Français appartenant à une minorité dominée au sein de l’espace national. Dans une optique transnationale, les entrepreneurs de Belsunce appartiennent à une catégorie dominante au sein de l’espace transnational, sachant jouer avec les marchés et les frontières. L’œil extérieur perçoit le quartier comme un collectif arabe indifférencié. Loin de l’amalgame, sa sociologie intérieure révèle une juxtaposition de groupes sociaux différenciés, une cohabitation entre plusieurs couches de populations très variées. D’un côté on a Belsunce le quartier pauvre, de l’autre Belsunce le lieu-relais clé, centre d’une vaste économie transnationale. Preuve de ce malentendu, si le prix du foncier se négocie à des valeurs dérisoires par les promoteurs publics, en tant que nœud du réseau euro-méditerranéen, il se négocie à prix d’or entre les entrepreneurs du quartier.
Apparemment, Belsunce n’échappe pas aux velléités de reconquête des espaces centraux métropolitains : « élus et aménageurs préconisent la « reconquête » de Belsunce, et le remplacement de cette « marge arabe » par ces classes moyennes du secteur tertiaire, si possible international, instruments mythiques et mystificateurs des réhabilitations. Là comme ailleurs, la seule population mobilisable pour la réalisation de telles stratégies est celle des étudiants, délocalisés dans tel immeuble historique rénové. » (Tarrius, 2001) Quoi qu’il en soit, Belsunce, en tant que « territoire circulatoire » n’a pas besoin du lieu pour subsister, il lui suffit de se déplacer. Centre du réseau, son existence s’avère davantage dépendante de ce dernier que du lieu où cette centralité a pu pour un temps s’installer.
Hyper centre. Canebière – Aubagne – Noailles
L’hyper centre de Marseille, organisé autour de la Canebière, boulevard commercial tampon sur lequel les mondes se rejoignent et finissent par se confondre, concentre tous les visages de Marseille. D’un côté de la Canebière s’étend donc Belsunce jusqu’à la gare Saint-Charles et la porte d’Aix où se situe le très « oriental » Marché du Soleil. De l’autre, on trouve les Galeries Lafayette, les commerces tout venants ou chics des rues Paradis, Montgrand, Grignan, Saint Ferréol ainsi que le marché de Noailles. L’espace qui débute à droite de la Canebière jusqu’au Cours Julien offre tantôt un visage mondialisé et populaire, chic ou populaire, avec des gradations.
Parce qu’il présente un caractère maghrébin, on dit qu’il souffle un air d’Alger sur le marché de Noailles. Les termes qu’on entend le plus souvent pour le qualifier sont « oriental », « exotique », « souk », « nord-africain », « ethnique », « caverne d’Ali Baba », « dépaysement ». « On se croirait au bled, moi j’adore » m’a soufflé un ami. « Noailles, c’est le Maghreb, le bazar, comme le marché aux Puces des quartiers Nord », me confia un Marseillais. Mais au fond, rien d’extraordinaire à trouver au cœur de Marseille des lieux aux airs méditerranéens…
En remontant depuis les rues commerçantes en direction du cours Julien, on chemine notamment par la rue d’Aubagne, qui concentre entre autres des commerces africains.
Si je devais résumer, je dirais que cet hypercentre mélangé est à l’image de ce café « En Suisse », où l’on mange des pizzas halal tout en regardant les matchs de l’OM en direct. C’est hybride. C’est Marseille, tout simplement.
Cours Julien – Plaine. Ethno-Bobo
Le chemin qui mène de la zone marchande mondialisée et des boulevards uniformisés de l’hyper centre au cours Julien via les rues ethniques, marque spatialement l’évolution entre deux types de mondialisation, deux modes de vie urbains globalisés, en même temps qu’il propose un autre mode de cohabitation. Le cours Julien, c’est la version marseillaise du quartier gentrifié.
Estampillé quartier des étudiants et des créatifs branchés, le cours Julien et ses alentours sont l’antre marseillais du commerce indépendant, en opposition aux enseignes mondialisées qui ont pignon sur les rues d’en-bas. Il concentre bars, cafés, librairies, nombreux lieux culturels et de création, artisanats, boutiques branchées, vieux troquets et marchés. Il mêle douceur de vivre, bio, vintage, centre de vie nocturne. Lieu d’élection d’une urbanité alternative, le quartier peut faire la jonction entre bio, populaire, bobo et cosmopolitisme. Autour de la grande place et dans les rues piétonnes adjacentes, on trouve cuisine provençale, bio ou ethnique. A Marseille, on adore l’esprit alternatif cours Ju’, on déplore son côté marginal et sale. On aime ses terrasses, ses fontaines, ses couleurs, on déplore son bruit la nuit. Pittoresque, glauque, canaille, bobo, folklorique, le cours Ju’ est un véritable laboratoire urbain, un lieu en mouvement, où tout le monde se croise. Et comme le mode de vie urbain du jeune bobo mondialisé ne se conçoit pas sans évasions, ça permet aux restaurants ethniques de faire le plein. Dans le coin, on mange pakistanais, sénégalais, ukrainien, japonais, haïtien, libanais. Sur la rue des Trois Rois, reblochonnade sans prétention jouxte cuisine grecque familiale. Contrairement à d’autres quartiers en gentrification, ici, vague commerciale verte et vague commerciale ethnique semblent entraînées dans le même mouvement et relever de la même vibe.
Et au Cours Ju’ toutes les devantures partagent aussi une même esthétique. Le Street Art et les tags donnent un côté ethno-bobo stylisé. Le cours Ju’ fait dans le registre de la standardisation artistique. Les fresques murales font ressembler le quartier à un musée d’art de rue, une galerie à ciel ouvert. Chaque commerce a droit à sa mise en scène picturale, donnant paradoxalement une certaine uniformité au quartier, en tous les cas une identité de quartier coloré, vivant, gai. Ici gargote ethnique bon marché et café hype ont droit au même type de parure. Au cours Julien jeunesse et ethnicité riment toutes deux avec branché.
Au cours Julien, communautés ethniques et communauté bobo liées dans un rapport marchand sont liées aussi, visuellement en tout cas, par un même état d’esprit. Et visuellement en tout cas, un mariage réussi. Et comme le message passe toujours par l’image, si le goût du monde des bobos peut permettre de faire rimer ethnicisation avec branchitude plutôt qu’avec inquiétude, c’est déjà bon à prendre. La cohabitation dans la consommation, à l’heure qu’il est la meilleure façon que les hommes aient trouvée pour s’entendre. Ca se vérifiait jusqu’à présent dans les allées des grandes enseignes mondialisées, ça se vérifiera encore demain à travers un nouveau mode d’urbanité. La ville, reflet d’une seule humanité, ancrée ou en mouvement, à la recherche incessante de style et de poésie.
Réhabilitation
Un des premiers mots qui viennent à l’esprit en parcourant Marseille est réhabilitation. Marseille fait son grand lifting, se réinvente. De l’esplanade du MuCEM aux Quais d’Arenc, toute une partie de la ville prend des airs de chantier géant. Dans le quartier de la Joliette, sur le Boulevard du Littoral, après avoir traversé la gare maritime, on découvre les Docks (365 mètres d’anciens entrepôts maritimes, d’anciens greniers réaménagés en d’autres types de lieux de négoces pour en garder l’esprit : bureaux, boutiques, restaurants), le Silo (ancien silo à blé devenu salle de spectacle), ou les Terrasse du Port (centre commercial flambant neuf). La mutation est visible partout, jusqu’aux quais d’Arenc où une tour géante a poussé pour y abriter les bureaux du troisième armateur mondial, la société maritime CMA-CGM. Cette tour est un possible prélude à une skyline de type CBD, qui sera dans un premier temps composée de quatre tours futuristes. En effet, en sus de la tour CGM, trois gratte-ciels sont aujourd’hui en préparation.
En redescendant par le boulevard de Dunkerque, puis via la rue de la République, le constat ne se dément pas. Le lifting en cours de la Rue de la République est à vrai dire assez impressionnant.
En fait, ce vaste chantier porte un nom : le projet Euroméditerranée, opération de réaménagement titanesque de plusieurs milliards d’euros, qui bénéficie entres autres de fonds européens. Il s’agit d’une mutation pensée dans son ensemble et pilotée conjointement par plusieurs niveaux d’administration.
« Euroméditerranée pilote aujourd’hui la plus grande opération de rénovation urbaine d’Europe du Sud sur un principe de transformation des grands terrains industriels sous occupés situé en coeur de ville pour y développer de nouveaux quartiers économiques, commerciaux et résidentiels. »
(Source : http://www.euromediterranee.fr/quartiers/presentation/le-projet-urbain.html).
Le projet doit permettre tout à la fois d’étendre le centre-ville vers le nord, réaménager une zone dégradée en créant un quartier de mixité sociale et fonctionnelle, créer une interface entre la ville et le port, et promouvoir le rayonnement métropolitain et l’attractivité économique de Marseille. Avec sa réhabilitation, Marseille entend reconquérir sa rive, changer sa réputation tout en conservant son âme.
Culture, shopping, bureau, architecture, nature, futur, voilà quelques mots qui pourraient résumer le projet Euroméditerranée. Plus que ces mots, Euroméditerranée se situe dans la grande ligne des projets urbains du 21ème siècle : mélange de partenariat public-privé, réaffectation des centres villes, architecture innovante, développement durable, développement culturel et participation citoyenne. Après les grands boulevards et les grandes cités, Marseille intègre donc à son visage la dernière utopie urbaine, ajoute à son paysage le courant urbain contemporain.
J’ai envie de poser sur ce beau tableau un bémol et une réflexion. Marseille laissera-t-elle passer une deuxième occasion d’unifier son territoire et sa société ? La partie Nord, après avoir été oubliée de Marseille Provence 2013, va-t-elle être la grande oubliée des requalifications ? Voilà pour le bémol. En voyant l’ampleur maîtrisée du chantier, je ne peux m’empêcher de me demander quel genre de ville on va créer. Une ville qui bannirait le désordre au profit de l’ordre, qui remplacerait vibrations par domestication, ville organique par ville pilotée ?
Épilogue
Accueillie par un déluge, après avoir gelé à Toronto, m’être liquéfiée à Singapour, je me suis noyée puis envolée à Marseille. Difficile de voir cette mer tant convoitée lorsqu’elle se confond avec la brume. Heureusement, pour moi, l’horizon s’est rapidement éclairci… Et j’ai découvert une grande ville qui fait village. En fait ça l’est. Ou plutôt leur conjonction. Marseille est la conjonction de 111 villages. Marseille et la couleur chaude de ses murs. Marseille, ville de tags. Marseille ville de tchatche, ville de bavards qu’on devrait écouter au lieu de stigmatiser. Pour capter l’âme marseillaise, il faut peut-être commencer par cesser d’entretenir avec cette cité une relation par médias interposés et y importer ses sens.
Et qu’est-ce que mes sens m’ont-ils appris de tes cohabitations ? Que tu es Diversité, mais restes clivée socio-économiquement, et que ce clivage est aussi ethnique. Apparemment, à Marseille « Si si les gens se parlent, mais après chacun reste un peu de son côté, avec sa communauté ». Le centre est néanmoins partagé par tous les Marseillais. De même, la Bonne Mère veille et le Mistral souffle sur tous ces Marseillais un peu turbulents, tous imprégnés d’un esprit méditerranéen.
Ce que j’ai ressenti, c’est une cité qui se situe à la croisée des Mondes et des chemins. Je me demande quelle identité elle revêtira demain. Se tournera-t-elle vers l’Europe ou la Méditerranée ? Glissera-t-elle un peu plus vers l’ethnicisation ou formera-t-elle une société unifiée ? Sa métamorphose rimera-t-elle avec réhabilitation pour tous ? Quel visage présentera-t-elle demain, celui d’une ville domestiquée ou d’une ville de diversité ? Marseille, tu changes de visage en bas… Te clives-tu un peu plus ? Marseille, tu ambitionnes de devenir une métropole d’importance, mais vas-tu laisser une partie des tiens se consolider dans un monde parallèle, un monde en marge ? Je ne peux pas répondre à ces questions, ce que je peux néanmoins affirmer avec de plus en plus de conviction, c’est que dans une apparente mondialisation de l’urbanité, on retrouve à Marseille comme dans les autres métropoles les mêmes trends urbains.
A Marseille les peuples de la Méditerranée qui partagent un héritage commun, partagent également un lieu commun. Sauront-ils, même si l’Union pour la Méditerranée a été pour l’instant relayée et balayée, se forger un destin commun ? Pour l’instant les deux rives partagent avec Marseille un même territoire, mais chacune se tourne vers ses réseaux, méditerranéens ou G20. Peut-être en viendront ils à réaliser que leur semblable peut aussi être celui qui se trouve juste à côté. Cité où les habitants partagent un même espace tout en étant connectés, souvent inconsciemment, géo-politiquement-idéologiquement à des réseaux différents, Marseille s’inscrit dans la mouvance d’une post-colonisation qui rime avec territoire postcolonial divisé, et souscrit à la contradiction identitaire d’une mondialisation qui nous connecte plus volontiers à un réseau différencié qu’elle ne nous relie dans un espace partagé.
Marseille, ta lumière, ton accent, tes accents, ta mer, tes dédales, ta voix, tes tags.
Marseille, je t’ai à peine effleurée. Une seule certitude en te quittant, il me tarde de te retrouver…
Consultations / Pour aller plus loin
Spartiates, Nicolas Wadimof
Nous les Marseillais, Patrick Mennucci, 2013
Le Siècle de Le Corbusier,
Philippe Pujol, La fabrique d’un monstre, immersion…
http://www.marseille-citeradieuse.org/cor-cite.php
http://www.mp2013.fr/wp-content/uploads/2013/01/transhumance-progweb.pdf
http://www.jcbechet.com/?page_id=2755
https://www.monde-diplomatique.fr/2012/09/LEMOINE/48118
http://www.politis.fr/Albert-Camus-a-Aix-en-Provence-une,24032.html
http://www.scienceshumaines.com/les-fourmis-de-la-mondialisation_fr_21593.html
http://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2004-2-page-19.htm
http://www.euromediterranee.fr/quartiers/presentation.html
http://www.herodote.net/Le_Corbusier_1887_1965_-synthese-1904.php
http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20150225.OBS3350/mais-a-quoi-sert-le-mucem.html
Sources Belsunce
Mazzella Sylvie, « Belsunce, laboratoire urbain de la migration ? », in Terrains & travaux, 2004/2 (n° 7)
http://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2004-2-page-19.htm
Tarrius Alain, « Territoires circulatoires et espaces urbains. Différenciation des groupes de migrants », 2001. http://1libertaire.free.fr/Tgv03.html
Tarrius Alain, Costa-Lascoux Jacqueline, Hily Marie-Antoinette. « Au-delà des États-nations : des sociétés de migrants » in Revue européenne des migrations internationales, vol. 17, no 2, pp. 37-61. 2001