La Gazette du PC 2016/III – Automne

Vous n’en doutez plus. L’heure est géopolitiquement-identitairement-démocratiquement délicate. Avec les élections présidentielles aux États-Unis dans quelques semaines et en France au printemps prochain, le monde tel qu’on le connaît pourrait bien basculer. Les populistes pas encore proclamés vainqueurs, mais déjà donnés grands gagnants.

Alors Action ! Redonnons goût au monde post-moderne, libéral et métissé. Les journalistes semblent avoir gambergé durant l’été. Et en cette rentrée, les magazines francophones, culturels surtout, l’ont bien intégré. Pris acte de leur responsabilité. Le ton a quelque peu changé. Il va dans le sens du PC. On donne la parole aux métis. On montre la richesse du monde vrai, le nôtre, le seul qui soit authentique.

Ainsi le magazine littéraire La Grande Librairie (http://www.france5.fr/emissions/la-grande-librairie/diffusions/01-09-2016_503373) a choisi pour sa rentrée comme fil conducteur l’Identité, à travers la voix d’une poignée d’auteurs venus nous parler de résilience, de leur hybridité, de leur cosmopolitisme via les thématiques de leurs romans.

Casting de l’émission

Alain Mabackou, que je ne présente plus (http://leprojetcosmopolis.com/6-black-bazar-afroparis/) venu répéter que le Monde est son langage.

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Magyd Cherfi, ancien chanteur du groupe Zebda qui a grandi dans les quartiers nord toulousains dans les années 80, vient présenter sa « part de gaulois », sa ballade de schizophrène, une névrose identitaire dont il n’est pas sorti. Il se demande encore s’il est plutôt kabylo-toulousain ou franco-boeur, mais n’en fait plus une maladie. Car il a choisi son pays : son identité à lui désormais c’est la langue. et il plaide pour une république cosmopolite capable d’intégrer des symboles qui prendraient aussi en compte les ajoutés de cette grande nation.

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Laurent Gaudé venu défendre l’existence et le mot « cosmopolite« , désormais brandi comme une insulte par ceux qui incarnent les forces de l’obscurantisme.

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Gaël Faye, métis burundais de mère rwandaise Tootsie et de père français, venu présenter son « petit pays », et raconter le passage d’une enfance métisse à la guerre ethnique, durant laquelle les amis devinrent des ethnies et le métissé découvrit son identité tootsie. Pour ce héros qui « tangue entre deux rives« , tanguer n’est pas une maladie. On peut faire une force de cette identité hybride.

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Natacha Appanah, Mauricienne d’origine indienne, venue nous parler des enfants de clandestins abonnés sur Mayotte, 101ème département français, où elle est retournée pour « comprendre les gens des barques ».

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Enfin la fantasque Amélie Nothomb, qui conclura en insistant sur leur point commun, à savoir qu’ils sont tous des étrangers, un destin qui ne rime pas avec tragique, mais avec une vie passionnante, avec richesse, celle de n’avoir pas d’autre terroir que la langue qu’on parle, et ainsi de pouvoir être partout chez soi.

58Dans la même veine, le personnage inspirant de la semaine, qui apporte un regard différent sur notre contemporanéité était lui l’invité d’ONPC (France 2, 3.9.2016) et s’appelle Olivier Rousteing, jeune directeur artistique de la maison Balmain.

59Enfant métis adopté par un couple bordelais, comptant parmi ses amis Rihanna et les Kardashian, cet artiste toujours en mouvement ne se revendique pas plus Kanye West que Sud-Ouest, mais les deux. Ancien enfant métis en mal d’inspirations défend Kim K., qu’il ne voit pas comme l’héroïne vulgaire d’un monde hyperconnecté mais comme le symbole sincère d’un nouveau monde, qui permet à des millions de jeunes gens de croire à nouveau. Ce qu’incarne Kim K., à travers son parcours d’Arménienne-Américaine, osant être elle-même, épousant un afro-américain et donnant naissance à une enfant métisse, c’est un modèle de nouvelle famille, de nouveau monde.

Parmi les échos de cette rentrée, on peut aussi citer la gagnante du Prix Goncourt Leïla Slimani, qui, fatiguée de l’obsession identitaire qui dure depuis le 11 septembre 2001, n’a elle plus rien à dire sur l’identité.

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On peut citer Jean-François Colosimo, qui pousse un cri contre la démulticulturalisation-déshybridation du monde dans un reportage sur « La fin des chrétiens d’Orient«  (http://info.arte.tv/fr/la-fin-des-chretiens-dorient). Il revient sur ce qu’ils symbolisent dans l’Histoire, à savoir avoir « toujours été un entre deux« . Il revient sur la guerre en Syrie, qu’un million de chrétiens a déjà quitté pour un Occident dans lequel « ils n’auront plus l’environnement nécessaire à la transmission de leur identité« . Il pousse un cri contre cette « catastrophe de civilisation« , qui semble préfigurer tout ce qui va désormais se passer, à savoir que les identités ne pourront être que meurtrières ou que folkloriques. Il pousse un cri contre ce monde qui ne veut plus de médiation, plus d’entre-deux. Il pousse un cri contre l’indifférence au drame des chrétiens d’Orient, qui n’a rien d’un drame particulier, mais préfigure un drame universel.

Alors quoi demain, une religion, une nation ?

On peut se convaincre que la fermeture des frontières ne fonctionne pas en jetant un oeil aux statistiques qui n’ont jamais recensés autant de mariages transnationaux pour la contourner.

On peut se convaincre que la fermeture ne fonctionne pas en lisant le bilan de la préférence cantonale genevoise à l’embauche, qui si elle a changé significativement l’atmosphère n’a pas fait baisser significativement le chômage.

On peut rigoler avec ceux qui face à la désillusion politique ont choisi une autre option que la fermeture, en créant carrément des nouvelles nations ;-). Une multiplication des mini-nations inventoriée dans « Royaumes d’aventures : ils ont fondé leur propre État« , de Bruno Fuligni (Ed. les Arènes, 315 pages).

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Un véritable phénomène selon l’auteur – « Ces dernières années, le nombre de ces micronations a bondi, en France comme dans le reste du monde. Elles n’étaient que vingt il y a un siècle, 200 il y a vingt ans. Aujourd’hui, il existe 400 Etats, principautés ou miniroyaumes autoproclamés » – à prendre au sérieux « Lorsque les citoyens n’attendent plus rien des politiques, des syndicats, il reste la solution de créer un État. Même si c’est utopique, c’est plus grisant que d’essayer de réformer un système à bout de souffle« . (http://www.leparisien.fr/espace-premium/actu/les-petits-royaumes-d-operette-poussent-comme-des-champignons-21-05-2016-5815413.php)

Bien entendu, derrière l’aspect politique, la question de l’identité n’est jamais loin. Alors quoi demain, une identité, un territoire, une micro nation ?

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Turning Point

Mais voilà… ce petit et tardif sursaut n’aura pas suffi… Le contexte, l’atmosphère insinuée depuis une quinzaine d’années aura finalement gagné la partie et s’apprête désormais à être instituée.

Au matin du 9 novembre, … réveil avec le discours du 45ème président(?) des États-Unis. Déni de cerveau, n’imprime pas l’info, entend président—-e. Vrai réveil. Réveillée. Cette fois-ci c’est acté. Fini la gangrène latente (http://leprojetcosmopolis.com/8-cest-la-criiiiiiiiiiiiise-repli-et-tentation-demondialisante/) (http://leprojetcosmopolis.com/10-intermede-revue-de-presse/) (http://leprojetcosmopolis.com/revue-de-presse-2016-ii-aout-decembre/), (http://leprojetcosmopolis.com/revue-de-presse-2016-ii-aout-decembre/) on est passé de l’autre côté. On pénètre une nouvelle ère. On pénètre dans l’inconnu.

Un espoir : qu’une formule inédite macérera et que l’hybridation entre le désormais ancien monde post-moderne et le nouveau monde néo-middle-ages s’imposera.

En attendant, une fois la stupéfaction passée, réagissons. Pas le choix, pas question de succomber à l’abattement. Après le chagrin reviendra l’espoir. En attendant, surtout, continuer à s’étonner. Et se rappeler ses cours de sociologie, se rappeler cet auteur qui affirmait que tout a une fonction. Donald Trump sans doute aussi…

Tout de même… l’incompréhension. Vous voulez un vote anti-système ? Bon sang, y’a des libéraux aussi. Il y a des Trudeau et des Macron aussi. Avec qui le dialogue démocratique est possible. Car Trump encore plus que ses idées, c’est son tempérament qui fout les jetons. Face à cette violence, vulgarité, folie, comment dialoguer ? Malheureusement pour les libéraux nouveaux, on ne pardonne en ce moment rien aux estampillés démocrates. On pardonne au nanti qui crache.

En + ils ont l'air tout amoureux

Image : http://mashable.france24.com/mashallow/20170510-justin-trudeau-emmanuel-macron-bromance-fan-fiction

Avenir USA ? Sécession Californie (#Calexit, appel à la sécession) ou réconciliation et hybridation des « deux » pays ? Souvenez-vous ce dont Barack Obama se savait être une étape : le métissage du Monde (http://leprojetcosmopolis.com/12-eloge-de-la-mobilite-et-du-batard/; http://leprojetcosmopolis.com/13-portrait-barack-obama-devenir-metis/) Étape provoquant naturellement des contre-réactions.

Quoi qu’il en soit, l’élection de Trump, victoire du Territoire certes, mais victoire éphémère d’un modèle vénère car le Territoire ne gagne toujours que provisoirement, alors que le Réseau s’installe lui durablement. Les grands mouvements migratoires géopolitiques n’ont jamais perduré, conduisant au contraire à de grands mouvements inverses. Invasions et évictions en bloc. Contrairement aux mouvements, aux flux naturels qui se sont installés. Le monde métissé n’est pas à défaire, il est fait pour durer. De même le protectionnisme est un leurre, un « contre-mouvement » qui suit le cheminement suivant : relocaliser, boycotter, produire local puis… exporter. Le mouvement ? Un mouvement sans fin ;-)…

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Mais en attendant, quelle suite dans l’immédiat ? Rapprochement USA-Russie et sortie des Organisations internationales ? Annulation du rapprochement avec Cuba et de l’accord avec l’Iran ? Annulation des ouvertures ? Fuite des investisseurs, fuite de la poésie, fuite de l’espoir, fuite de l’énergie, fuite de l’optimisme ?

La saison de l’abattement

Trump, une élection qui vient clore une année 2016 qui nous aura déjà contraints à assister au Brexit, à une Union européenne incarnée par des Le Pen, des Hoffer, des Kopetri… Des populistes envoyés par leurs peuples dans le poste de commandement pour faire imploser de l’intérieur la maison.

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Les politiques tournent le dos au Monde, appuyés bien contre leur gré par la classe moyenne supérieure bourgeoise, dont j’ai l’opportunité d’observer un échantillon dans ma région. Adepte du trip carrière en ville – maison à minima un million dans la banlieue-campagne, qui elle tourne le dos au monde, au populaire, cherchant en vain des territoires préservés et isolés lors de ses congés, fuyant les « repères à toutous » comme elle se plaît à les nommer… Libéraux qui adhèrent à la position identitaire d’un Fillon et comprennent les peuples de l’Europe qui s’insurgent contre l’imposition d’une identité européenne qui n’aurait aucune chance d’éclore… Pas d’hybridation, pas d’enrichissement identitaire, un Espagnol est et restera à jamais seulement un Espagnol, voilà ce qui m’a été soufflé…

Alors en cette fin d’année, comment régater, quand même le grand aventurier Sylvain Tesson est « rentré à la maison« , où il parcourt désormais les « chemins noirs »…

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Quand ta collègue frontalière dégoûtée par la politique française te dit que finalement pourquoi pas Marine Le Pen, sans y voir de contradiction avec son propre statut de ce côté-ci de la frontière…

Quand tu découvres au détour d’un sondage que l’immigration est désormais la préoccupation majeure des jeunes Suisses « L’immigration en général, l’asile en particulier, représentent la principale préoccupation des Suisses de 16 à 25 ans, selon un sondage réalisé par l’Institut gfs.bern. Alors que près d’un jeune sur cinq s’en souciait en 2010, ils sont presque un sur deux aujourd’hui.«  (http://www.rts.ch/ino/suisse/8065001-l-immigration-preoccupation-majeure-des-jeunes-suisses-selon-un-sondage.html)

Plus personne ne semble tenter de sauver ce monde-ci et les familles affirment qu’elles ferment la clé pour le bien de leurs enfants, alors sûrement qu’elles doivent avoir raison. A court d’arguments, plus rien à objecter.

Mais enfin pourquoi les gens en colère n’écrivent-ils pas de roman ? Pour nous donner l’opportunité de les comprendre de l’intérieur. Pour ne pas seulement les institutionnaliser mais les intégrer au grand roman collectif, les poétiser, cesser de les laisser de côté, pour adoucir, pour diminuer la rancoeur, pour réconcilier les deux moitiés ? Après tout, désormais c’est acté, les gens en colère représentent la moitié des sociétés occidentalisées.

Nouvelle voie – Du PC au PG…

Pour ma part c’est décidé. Pour coller à ce désormais nouveau monde, le projet va évoluer. Le PC devient le PG, un blog apolitique, un blog plus léger pour porter aux nues, mettre en lumière, encenser tous ceux qui chuchotent et ignorer ceux qui crient. Plus question de chronique de démobilisation. Un blog pour créer, inventer un monde nouveau et contribuer à atténuer la colère, en mettant l’accent sur la lumière, les hybridations. Pour parler des défis qui peuvent mobiliser nos énergies. Plus d’instantanéité, plus de spontanéité, plus d’incarnation.

Un blog qui observera et tentera d’articuler pour concilier ce triptyque identitaire contemporain absolument passionnant : Régions – Nations – Monde. Trois échelles qui coexistent simultanément. Penser leur possible et nécessaire cohabitation, leurs hybridations, leurs interconnexions. Penser une inédite formulation.

Un nouveau projet, une nouvelle année qui gageons-le, amorcera un nouveau mouvement. Après tout, quand on prône l’ouverture, il faut savoir être ouvert aux surprises…

 

La Gazette du PC 2016/II. Été

Retour sur la « démobilisation »

Pour commencer cette Gazette, petite tentative d’explication d’un concept avec lequel je le crains je n’ai pas fini de vous bassiner : « démobilisation »…

Depuis maintenant quasi deux décennies s’est insidieusement ancrée une atmosphère, un climat, portés par deux dates clés (2001, 2008) et permettant les conditions pour le retour du Territoire sacré (État fort, identité circonscrite, nation homogène, prolifération des murs, etc.). Un contexte qui prépare progressivement les consciences à considérer l‘immobilisme comme chic-patriotique-authentique-social-écolo, et le mouvement comme la cause de tous les maux.

Une démobilisation nourrie par des événements terrorisants, comme les infects attentats d’Orlando qui orientent en ce printemps la surréaliste campagne présidentielle américaine. Constat partagé, différemment récupéré. Pain béni pour les disciples d’Huntington (http://leprojetcosmopolis.com/4-arjun-appadurai-vs-samuel-huntington/). Ainsi de Donald Trump qui affiche très vite son camp, préférant la division en minorités à l’union contre les monstres.

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La démobilisation est cousine de la démondialisation. Démondialisation soutenue pour de plus louables raisons par les amoureux des mots trendy du moment : localisme, proximité, autonomie, autosuffisance. On milite pour un développement durable, on pleure quand il sert les populismes. Enfin démondialisation souhaitée par des sociaux-plus-trop-libéraux aussi…

La colère mondialisée ou mondialisation de la colère

« Nous approchons d’une période de désespoir et avec le désespoir c’est l’extrême droite qui en profite. Certains d’entre nous, qui sommes âgés, nous rappelons ce que cette extrême droite a pu faire. Il faut, dans cette période de désespoir, rapporter l’espoir, dire qu’un autre monde est possible et même nécessaire. »

Discours prononcé par Ken Loach, Palme d’Or pour « Moi, Daniel Blake« , cérémonie de fermeture du Festival de Cannes 2016.

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Mais quel monde Ken, quel monde ? Aide-nous Ken, avant que la colère des sociaux pas libéraux ne glisse vers le social-populisme. Ceux-là ont justement vu « Moi, Daniel Blake« . Ils ont vu « Demain » et « Merci Patron » aussi… Influencés par cette vision, pour ceux-là, il n’y a plus rien à sauver. Plus rien à attendre de la mondialisation. Pas de génération mondialisation, pas de classes moyennes crées dans des contrées plus orientales. Ils scandent économie économie économie, abus de l’économie. Monde pourri. Une obsession qui leur ferait presque occulter le trend de fermeture idéologique en cours. Et pourtant. Au retour d’un verre avec un ami qui me soutenait que le problème du monde était le trop plein de mondialisation, je tombe sur un débat France Culture sur la multiplication mondiale des murs…

En partie d’accord sur le constat, pas sur la focalisation, ni sur les solutions. Mais je n’ai malheureusement pas les arguments pour adoucir leur colère contre l’économie mondialisée. Du coup je me contente de parler d’Identités et laisse aux initiés le soin d’éclaircir la mondialisation économique. Je laisse la colère aussi. Je me garde l’espoir, l’ambition d’une pensée tournée vers l’action.

Quand même, pas facile de fuir toute cette colère. L’autre matin, à priori de bonne humeur, la radio achève de me réveiller avec le récit de quatre pelés très fâchés dont j’apprendrai plus tard qu’il s’agissait de la manif des droites à Bézier… Marre qu’on nous pollue avec les minorités, occultant les millions d’autres qui ont simplement envie d’un peu de lumière, un peu d’énergie pour aller travailler.

Cette colère je la retrouve aussi chez des amis à priori juste « mondialisés », pas politisés. Tel cet employé de banque qui gagne correctement sa vie mais se sent si exploité qu’il songe à se tourner vers le côté obscure de l’échiquier. Pour l’instant, il envisage déjà de vivre un temps aux crochets de l’État pour s’en venger, lui qui laisse ses citoyens perdre tous leurs avantages. La faute à qui ? Dans ma région, mon ami a un bouc émissaire tout trouvé : les frontaliers… La faute à « celui qui vient d’ailleurs », alors que lui-même s’apprête à émigrer aux USA. Retrouver l’être aimé, qu’il veut persuader de recommencer à Détroit. Parce qu’il n’est pas que colère, il rêve aussi, de potagers, de communautés et d’usines à réhabiliter. Il rêve devant le film « Demain« , nouvel hymne de la communauté bio en quête d’espace social à territorialiser.

Économie mondialisée : un glocalisme raté ?

A écouter la souffrance professionnelle des uns et des autres, j’en viens à penser que la crise actuelle, ce violent rejet de l’économie mondialisée et ses avatars est peut-être la conséquence d’un glocalisme raté. Quand on y réfléchit, c’est évident : on a importé un système de management sans la culture ni les avantages qui vont avec. Importé en Europe un système économique clé en main, sans l’adapter à la culture du cru.

Mais pour être honnête je n’ai toujours pas tranché : crise idéologique first ou crise économique first ? Peut-être crise économique due à un modèle économico-culturel inadapté et auquel on ne souhaite plus participer.

Futurs réfugiés progressistes

Malheureusement, Donald Trump a remporté l’investiture républicaine aux États-Unis. Ainsi les futurs réfugiés américains d’une potentielle ère Trump se sont déjà vus proposer une terre d’asile canadienne (http://www.courrierinternational.com/article/ameriques-une-ile-canadienne-offre-lasile-aux-americains-si-donald-trump-gagne)…

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Quant à moi si je pouvais me téléporter temporellement au lendemain du 9 novembre, que cette crainte soit passée… Pour les Britanniques en revanche il est trop tard, même si dès le lendemain du vote, les partisans du Brexit avouaient déjà avoir trompé. Victoire totale pour ces populistes qui contribuent à ancrer un « mouvement d’arrêt ». De leur côté, les libéraux britanniques se ruent sur les permis irlandais, leur potentielle terre d’asile à eux. Tandis que les demandeurs d’asile coincés de l’autre côté de la Manche vont désormais pouvoir circuler en Grande Bretagne une fois celle-ci hors de l’UE boutée…

Alors Samuel H. tu la définis comment ta civilisation occidentale au moment où l’Union européenne commence à éclater ? Et en 1914 ? Et en 1939 ? En tout cas, aujourd’hui, au paroxysme de « l’huntingtonnisme », la balkanisation s’accentuant, si ta prophétie auto-réalisatrice a tout pulvérisé, ta théorie elle se délite. En fait ils semblent s’en moquer les Huntingtonniens, on ne les sent excités que par la déconstruction et les réponses faciles. Leur maxime c’est « Après moi le déluge concitoyens désolés ». C’est bien le cas au lendemain du Brexit, ce le fut aussi au lendemain du vote qui avait pour projet d’isoler la Suisse (cf. un fameux 9 février). Reste une grande interrogation. Avec tout ce terrain gagné, comment se fait-il que les 50%+1 pro repli ne se sentent toujours pas mieux dans leur identité ?

Les plus virulents des adeptes du choc des civilisations ont bien compris que leur théorie passéiste ne pouvait fonctionner qu’en faisant totalement fi du… passé justement, fi d’un monde brassé. Et pour y remédier, ils ont élu une autre théorie : la théorie du grand remplacement. Parlant du cas français, ses adeptes seraient partisans de la re-migration des Français musulmans… Daesch et l’extrême-droite ont décidément la même position sur la présence des musulmans en France…

 Je ne serais guère étonnée d’apprendre que le tristement célèbre Robert Ménard y souscrit. Lui qui lance « Allez dans les quartiers difficiles, à la troisième génération, ils ne sont toujours pas intégrés. » Effectivement alors vaut mieux qu’ils rentrent chez eux… D’ailleurs c’est où chez eux ? M. Ménard, j’aimerais vous retourner la question : comment c’est possible qu’une troisième génération vive encore dans des quartiers difficiles ? L’inclusion dès la première génération, qui avait le pouvoir de la mener ? Vous voyez, il n’y a pas de vérité, il n’y a que des visions. En voyant le film « La Raffle » l’autre jour, je me suis interrogée sur la façon dont on racontait l’Histoire vs comment on anglait le présent. Easy de faire changer les méchants…

Goût du « Retour », mouvement global à plusieurs déclinaisons

Nous vivons le sacre des communautés. Communautés toutes azimut mues par une envie de « retour », de changement, d’authenticité fabriquée, de futur à travers le passé. L’innovation désormais c’est la nostalgie, l’innovation désormais c’est la tradition. Un trend global décliné selon différentes sensibilités.

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Au sein de la « société du retour« , que le désir soit provoqué par une nostalgie géographique ou historique, on peut distinguer des types de communautés. Pour l’exemplarité on va opposer les à priori plus antagonistes : communautés du « repli » et communautés cosmopolites. Dans le camp des plus conservatrices on rapproche les sous-communautés huntingtonniennes extrémistes d’étiquette populiste ou d’étiquette islamiste. Chez les progressistes on pourrait dire que communautés transnationales et communauté bio partagent un bout de spectre. C’est à Londres que ça m’a frappée. Du coup j’ai regretté ma stratégie new yorkaise, de m’être concentrée sur les quartiers communautaires ethniques et avoir fait fi de la Communauté Bio de Brooklyn. M’a manqué une moitié de la société modérée pour parfaire le tableau de la Ville-Monde libérale.

Alors le « retour », mouvement passager ou contre-mouvement fabriqué pour s’ancrer ?

Lumière d’été :-)

En attendant de le savoir, moi j’ai choisi ma presse pour cet été. Une presse qui bannit les termes « climat de psychose » et « morosité ambiante » pour leur préférer la frivolité et les héros lumineux.

Rien de tel qu’un bon magazine pour buller à la piscine… Dans Madame Figaro par exemple j’ai découvert quelques personnages inspirants, comme l‘Italien global Renzo Rosso, le patron de Diesel, qui « adore observer le monde en mouvement« . Il a préféré rester entrepreneur qu’intégrer le Gouvernement Renzi parce que »les entrepreneurs peuvent prendre des décisions plus rapides« , « les entreprises globales sont présentes partout, dans les réalités locales« , « l‘entrepreneuriat actuel a les moyens d’agir« , alors que « les gouvernements ont moins de pouvoir parce que leur action est confinée à l’intérieur d’une frontière« .

Réhabiliter le goût du mouvement… Si c’est là la vision du monde de la presse dite féminine, vive les femmes moi jdis. Un optimisme, un goût de l’action qui fait écho à ma propre croyance, à savoir que même face à la démobilisation et la fermeture idéologique, je continue de penser qu’on vit dans un monde qui nous met face à d’extrêmement stimulants défis. Un monde dans lequel il ne s’agit pas seulement de réussir à Vivre ensemble, mais à être en mouvement simultanément. A parvenir à équilibrer des flux multidirectionnels. Il semble qu’on se trouve à un tournant. Il s’agit de ne pas rater le virage. Mission impossible si on tourne le dos à la résilience et à la complexité. TOUS les démocrates doivent se (re)mobiliser.

Alors j’ai envie de supplier mes amis socialistes de modérer pour un temps leur justifié combat anti-mondialisation. De le dire qu’une position antimondialiste est contradictoire avec des frontières ouvertes. Qu’aujourd’hui l’urgence n’est pas là. Qu’ils nourrissent contre leur gré les arguments des populistes, qui à terme les nourriront bien moindrement que le font les capitalistes. J’ai envie de dire à mes amis écologistes d’apprécier aussi quelques nourritures en mouvement. Qu’on ne peut pas prôner l’économie locale sans réaliser que si on atteignait l’autosuffisance ça limiterai de facto le mouvement des hommes… Avoir un peu besoin des autres, avoir un peu besoin des terres des autres –> échanger ! Se rencontrer, se mélanger…

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Soirée « Middle Ages »

Cet été fut aussi l’occasion de passer une soirée en compagnie de quelques représentants de la Génération Erasmus. Partager notre inquiétude, en plaisanter, se consoler. Ainsi l’expression Middle Ages s’imposa vite comme boutade et fil rouge de notre soirée. S’imposa comme une évidence face aux sujets d’actualité abordés… Vagues d’attentats, Brexit, montée de Donald Trump aux USA et des nationalistes en UE, hipsters, fermeture de la Turquie, éviction des réfugiés syriens… Lors de cette soirée en quatre langues, on s’est interrogés sur l’avenir : les dialectes locaux auront-ils pris l’ascendant sur les langues du monde lors des réunions des prochaines générations ?

On a eu une pensée pour nos amis de la génération mondialisation turque aussi, qui au lendemain du putsch manqué se retrouvent désormais assignés à domicile, enfermés dedans. Ainsi de Barish, ex-compagnon de Réjane (souvenez-vous http://leprojetcosmopolis.com/14-portrait-la-generation-mondialisation/), désormais installée à Madrid et ce soir-là accompagnée d’un de ses amis Erasmus allemand, jeune homme pouvant travailler dans le monde entier armée de son PC, et y postulant pour la fin de l’été qu’il passe à Genève, où après avoir oeuvré pour une organisation internationale enseigne les langues à des enfants d’expatriés tout en faisant des escales en Suède où sa petite amie mi-Jordanienne-mi-Argentine rencontrée ici s’est pour un temps installée… Certains ont décidément le monde pour maison !

Middle Ages… Depuis je m’amuse à envisager certaines réalités sous cet angle. Ainsi que sont les intégrismes religieux si ce n’est des interprétations « moyenâgeuses » des textes ?

😉 Le Middle Ages c’est aussi la consécration des cultures régionales. Et qui mieux que la culture celtique pour évoquer ce petit goût d’antan ?

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Cette année même le Village du Monde du Paléo Festival a succombé… Le village celtique y a supplanté le traditionnel village « ethnique ».

L’été de l’assignation

En Turquie, les progressistes ne sont pas les seuls à payer l’État d’urgence. Istanbul étant un Hub important, le repli turc a des conséquences sur la mobilité de toute la région. Enfermés et bientôt isolés. Genève a supprimé ses vols vers la capitale dans la foulée. Et si les Turcs sont assignés, d’autres vont s’assigner cet été. Terrorisés par les disciples de Daech qui bombardés sur leur territoire vont frapper fort tout l’été, allant jusqu’à assassiner un prêtre dans son église pour poursuivre la fragmentation. Les touristes fuient. Ce qui soulagerait presque certaines terres qui limitent elles leur nombre pour préserver leur authenticité. Et moi je repense avec nostalgie à 1996, mes premières vacances en avion, en Tunisie. C’était avant. Avant que l’Occident ne se mette à se détester et considère que le tourisme trans-méditerranéen pervertisse l’exotisme des autres et soit vulgaire. Avant que le monde se mette à se refermer.

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Mais cet été toute mobilité méditerranéenne n’a pas été entravée. La grande transhumance estivale des double nationaux a perduré. Et des destinations européennes victimes de la crise ont été prises d’assaut. A l’exception peut-être de ces plages où l’on redoute de croiser des réfugiés fraîchement débarqués… De l’autre côté de la Méditerranée, si l’Égypte pleure ses touristes, des « gated communities » type El Gouna, ville privée, ville fermée, restent très prisées…

Mon kiosquier turco-genevois lui m’a avoué ne pas oser partir non plus cet été. Pas à cause de la peur des attentats, mais de son faciès et de l’association qui risquait d’être faite en ces temps de stigmatisation…

Bref cet été on est restés assignés.

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Quid du tourisme, reste les « deux maisons »

Good new : on est jamais totalement assignés lorsqu’on a la chance d’avoir « deux maisons ». Une force pas encore toujours revendiquée par ces bi-, qu’ils aient deux nations, une ville et une région, ou je ne sais quel fructueux duo. Pour ma part restée cet été dans ma maison d’élection, j’ai passé le grand rassemblement sous les feux en compagnie de mon amie argento-genevoise qui assume pleinement sa bi-culturalité, mon amie pariso-marocaine qui n’a pas fini de réconcilier ses deux maisons et en évite une, et son collègue au bricolage intéressant, cadre dynamique parisien rejoignant le week-end sa deuxième vie et sa forêt où il se mue en bûcheron nordiste frontalier qui n’hésite pas à se faire belge un peu aussi, exploitant la richesse de la frontière, à l’occasion. Quant à moi qui ai dû renoncer pour un temps à ma deuxième maison, tente de compenser ce manque en m’extrayant du localisme de ma maison-monde d’élection en m’ancrant dans mon univers transnational, mon blog.

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Les partisans des « deux maisons » ont aussi d’éminents représentants, comme les frères Costes que j’ai découvert en zappant, et qui illustrent parfaitement la conciliation entre traditions-cultures-régionales et villes-mondiales-mondialisation. Issus de la communauté des Aveyronnais de Paris, ces immigrés qui après l’abandon du charbon passèrent le temps d’un trajet de Bougnats à limonadiers, et dont on compare volontiers la communauté à la communauté transnationale chinoise (utilisant des mots comme entraide, associations, réseau, solidarité, mafia), celle-là même qui reprend peu à peu leurs établissements parisiens… Le mouvement, tout le temps ;-). Mais subsistent encore quelques grandes familles pariso-aveyronnaises, dont les frères Costes qui ont su « s’appuyer sur le réseau aveyronnais mais bousculer la tradition ». Devenus mécènes sur leurs terres d’origine, ces entrepreneurs qui ont « la tête à Paris et le coeur en Aveyron » n’ont pas oublié leurs racines. Ils prévoient de retourner finir leurs jours dans leur région, contrariant une évolution régionale qui les rend nostalgiques, l’exode rural. Car enfin, il y a les terres qu’on se choisit pour courir, et les terres où l’on choisit de revenir pour s’y reposer…

Nouveaux réfugiés ?

Cet été devons-nous peut-être nous préparer à accueillir les futurs réfugiés turcs, et encore une fois, avant de se braquer, regardons qui sont ces potentiels réfugiés, qui ils fuient, par qui ils sont persécutés. En Turquie les aspirants voudraient fuir un régime autoritaire conservateur. Ailleurs au Moyen-Orient souvent Daech. Ceux qui se mettent en route sont des progressistes qui refusent la démobilisation, « nous » quoi.

Mais en cette fin d’été, certains risquent bien de changer de regard sur les réfugiés venus de loin…

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Tremblements de terre en Italie, nouveaux camps, nouveaux réfugiés...

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… Oui enfin… tout dépend sur quel type d’articles ils tombent…

Ceux là grossiront peut-être la Ville-Monde. Ou s’inspireront-ils éventuellement de ces pionniers qui de par le monde, face à la crise, pour éviter de glisser dans une précarité subie, ont opté pour de nouveaux modes de vie plus mobiles, plus légers, moins territorialisés. Ainsi aux États-Unis, ils sont de plus en plus nombreux à opter pour une « vie en RV« .

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Ca me donne bien envie, mais pas sûre qu’Outre-Atlantique je puisse facilement m’installer. Ni tous les potentiels réfugiés d’ailleurs. Quoique… je viens de lire qu’après New York (http://leprojetcosmopolis.com/new-york-five-boroughs-many-worlds/) la ville de Zurich planchait sur une carte d’identité pour les sans-papiers. Une citoyenneté urbaine pour que celui qui appartient au Monde et non au pays puisse être en règle là où il réside. Un espoir donc que « l’utopie » transnationale (http://leprojetcosmopolis.com/5-le-transnationalisme-dans-tous-ses-etats/) franchisse les barrières du Territoire pour entrer dans la ville.

Nouveau poste d’observation

Bon en ce qui me concerne, je dois délaisser pour un temps mes errances citadines, car j’ai du boulot ici. Déjà oeuvrer à transmettre le PC, puis j’ai un nouveau job aussi, dans les Ressources Humaines où j’ai réussi à m’infiltrer. Un poste d’observation de premier plan, un boulot qui contribue à nourrir le PC. Car enfin c’est là que ça se joue, dans un monde professionnel qui a la mission d’équilibrer les nationalités, les origines, les localisations des salariés pour diminuer la colère et le sentiment de déclassement. Sujet ultra-sensible dans une région frontalière. Importance du recrutement pour contrer la montée du populisme. Sujet capital dans une ville internationale où les travailleurs mondialisés sont recherchés mais pour lesquels dans le courant de l’été les permis extra-européens à attribuer étaient déjà épuisés. (http://leprojetcosmopolis.com/9-geneve-ville-internationale-ou-ville-mondiale/)

Bref, j’ai réintégré la société et poursuis le PC en indé, sans compromis. Recherche de l’équilibre et de l’hybridité. Hybridité des géographies, hybridité des occupations, une formule qui peut fonctionner ?

L’été touche à sa fin… Accélération et Révélation

« A ce stade des négociations, la France dit non au traité de libre-échange atlantique« .

Fin août, la démobiisation s’accélère. Et c’est dans ce contexte, entre la guerre annoncée de l’Union européenne aux multinationales et la fin des négociations sur le TAFTA, que prend son envol le libéral Emmanuel Macron en vue de l’élection présidentielle de 2017. Enfin lui prétend dans un premier temps déjà vouloir oeuvrer à ce que les idées progressistes soient présentes au deuxième tour de la présidentielle. Et il lance dans la foulée son mouvement « En Marche » (https://en-marche.fr/) sur lequel il compte s’appuyer.

Emmanuel Macron, possible étendard pour ma génération ? Futur candidat ? En tous les cas voix dissonante dans une campagne qui s’annonce sur la note « tout va mal » qui va nous plomber jusqu’en mai prochain, ambiance … !

Bref, espérons que cet économiste ait de meilleures propositions que les isolationnistes de la trempe de Trump.

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Car le protectionnisme à terme et poussé dans son idéal-type c’est la guerre… Et les gouvernants ont une responsabilité historique en allant dans le sens de la peur des gens, qui croyant offrir un avenir plus radieux à leurs enfants risqueraient plutôt de les envoyer « au front », comme on peut l’entendre sur le plateau de « 28 minutes » du 31 août (http://sites.arte.tv/28minutes/fr/video/28-minutes-267), lors d’un débat éclairant qui tente de mettre en avant des chiffres pour contrer le climat idéologique ambiant.

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Selon l’économiste Philippe Dessertine, s’il faut évidemment contrer les abus et mieux répartir les richesses, il ne faut pas stopper les échanges, car « si la réponse c’est dire on arrête tout et on est dans le protectionnisme c’est à coup sûr la catastrophe« . Car « quand les marchandises ne franchissent pas les frontières, les armées elles le font« . Laurent Davezies accorde que la mondialisation a créé des catégories, des territoires oubliés, mais montre à force de chiffres que globalement elle ne nous a pas appauvris. Au final sur ce plateau ils sont d’accord, car même Amélie Canonne, responsable de la campagne Stop TAFTA souhaite elle aussi plus de régulation, de nouvelles règles plus sociales et plus écologiques, et ne se reconnaît pas non plus dans le protectionnisme d’un Trump, qui annonce déjà une sortie de l’OMC…

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Quoi qu’il en soit, le lendemain sur Facebook on ne compte plus les mouvements qui crient victoire pour la démocratie avec la fin de cet obscur accord.

See you en novembre…

Voilà, l’été touche à sa fin… La Gazette du PC 2016/II aussi.

Pour conclure, la formule qui résume le mieux cet été 2016, c’est finalement dans le magazine Elle que je l’ai trouvée…

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Allez, see you, on se retrouve après le 9 novembre.

« Dans un monde en mouvement dont on rejette les flux, on perd forcément le contrôle… » (phrase maison)

La Gazette du PC 2016 / I. Printemps – Hiver

PC Blog. Le Voyage continue…

A la base, le Projet Cosmopolis, c’était l’idée de mener un projet de A à Z. Un projet autour de la Mobilité. Un projet pensé comme un voyage. Un voyage qui devait avoir un début, une fin et une durée, un an.

Mais voilà qu’au terme du voyage, il a fallu composer avec les éléments… De un le projet était bien décidé à jouer les prolongations. Le deuxième fut une urgence à partager le PC.

Du coup pour satisfaire le deuxième, j’ai publié le pavé sur ce site. Parce qu’un site internet ça n’a (pour l’instant du moins) pas de nationalité, apatride, il flotte, se rit des frontières, constitue l’espace de liberté de la société civile transnationale, a vocation à rassembler une « communauté d’idées » dispersée. Et en dépit de son apparente froideur, son côté impudique, son manque de sensualité, il offre la liberté d’être foutraque, incarné, expérimental, hybride, maladroit, longuet, hors contingences politiques ou commerciales. Bref, le site s’est révélé comme la meilleure façon de partager le PC.

Pour répondre au premier, le site se fait blog. Et le voyage se poursuit. Continuer… Parce que malgré la « démobilisation », convaincue qu’il n’est pas trop tard (!) (?) (.) (…) ?

Mon PC restera un grand bazar, une réflexion globale sur la mobilité. Une façon de lire le monde parmi des millions. Des millions de non vérités qui ne doivent pas s’affronter mais se compléter, s’enrichir, se complexifier. Le PC ne juge pas, n’arbitre pas. Il a vocation à observer et déformer, montrer ou inventer, être dans et hors-réalité. Au-delà de la psychose, de « l’anxiogénité », de la morosité. Assez d’autres voix pour ça. Le PC nourrit un rêve aussi. Rejoindre une communauté de gens qui croient. Utopique ? Honteux ? Il en faut bien aussi quelques uns pour défendre le monde post-moderne et post-colonial en gestation, montrer son côté lumineux, pour répondre aux éternuements des populistes et autres apôtres de la serrure qui exècrent mouvements et métissage.

Un blog enfin pour m’extraire de mon localisme et évoluer ponctuellement dans un borderless world. Parce qu’en plus de « deux maisons », on a besoin du transnational aussi.

Génération Mondialisation et Nouvelle(s) Mondialisation(s)

Souvenez-vous, nous nous étions quittés sur le constat suivant : c’est à la Génération Mondialisation que revient le défi de réinventer la mondialisation. Pour son profit d’abord. Pour réconcilier aussi. Les citoyens marginalisés tentés par de burlesques extrémités. Pour préserver harmonie, modes de vie, et osons le susurrer, démocratie…

Du coup mon nouveau défi à moi c’est d’être attentive à ce qui émerge comme nouvelles voies, alternatives engagées sur la route du rassemblement, la bonne quoi.

Explorons, partons donc en quête de rêveurs et voyons un peu ce qui est en train de s’esquisser…

Première escale : « Demain »

Parce que cette nouvelle mondialisation s’incarne aussi au cinéma, le documentaire « Demain » sera ma première escale de l’année. « Demain » donc, sorti en ce mois de janvier 2016, se présente un peu comme le nouvel hymne d’une partie de cette Génération Mondialisation, comme un chant d’espoir pour une néo-mondialisation. Et comme un prétexte pour le PC pour aborder un désormais puissant courant de pensée…

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« Demain », de Cyril Dion et Mélanie Laurent, 2015, 1h58.

Le pitch

« Alors que l’humanité est menacée par l’effondrement des écosystèmes, Cyril, Mélanie, Alexandre, Laurent, Raphaël et Antoine, tous trentenaires, partent explorer le monde en quête de solutions capables de sauver leurs enfants et, à travers eux, la nouvelle génération. A partir des expériences les plus abouties dans tous les domaines (agriculture, énergie, habitat, économie, éducation, démocratie…), ils vont tenter de reconstituer le puzzle qui permettra de construire une autre histoire de l’avenir. » (http://www.demain-lefilm.com/).

Les mots clés : localisme, communautés, auto-suffisance, lien social, proximité.

Le compte-rendu

La première partie propose une sorte de tour du monde d’initiatives écologiques originales, souvent le fait de la société civile. La démonstration convainc : on peut réinventer, on peut agir, d’abord localement, dans un mouvement qui vient du bas pour s’étendre horizontalement.

La deuxième partie, c’est le gros bazar. Les narrateurs mélangent tout, « refont » tout : économie, politique, éducation… Et ça fonctionne moyennement. Manque de cohérence. Exemples isolés, décontextualisés, incomparables, sans liens entre eux. Exemples prétextes à servir le postulat suivant : dans le modèle actuel, tout est à jeter ! Quid de la réflexion historique sur l’évolution, le pourquoi a été atteint un tel degré de mondialisation. Nos héros ne se contentent pas de dénoncer les abus d’un système, mais condamnent un système entier fatal et essoufflé.

En gros, d’abord séduite et concernée, j’ai ensuite progressivement décroché. Ils m’ont perdue. Trop politique, trop idéologique, trop dans la démonstration. Je suis ressortie de la projection à la fois rassurée et inspirée, mais dubitative. Mon ami lui carrément emballé.

Au terme de la projection, je me suis aussi interrogée : « Demain » ne serait-ce pas un peu hier ? Un hier un peu trop lointain ? Demain, ses petites communautés locales et auto-suffisantes, ne serait-ce pas un peu le… Moyen Âge 😉 ?

Pour être clair, le message que j’ai cru entendre en arrière-plan et dont je m’éloigne, aussi bien intentionné qu’il soit, dans un monde en « démobilisation », est le suivant : le « made in ailleurs » c’est mal. Pas éthique, pas écologique, pas proche, pas social. La charge mériterait d’être nuancée.

Ce mot-ci m’a davantage émoussée : horizontalité. Horizontalité du mouvement « local » porteuse d’espoir. Espoir de voir émerger un autre type de pouvoir. Et plus concernant pour le PC, un localisme horizontal, « cross borders », c’est aussi l’espoir d’un localisme qui ne mette pas fin aux échanges et ferme les frontières. Ben oui, imaginez qu’on atteigne très improbablement cette utopique auto-suffisance, quel besoin alors d’échanger au-delà de sa communauté ?

Horizontalité = espoir de l’émergence de mouvements prônant proximité et localisme, mais interconnectés. Me demandez pas comment tout ça pourrait se concrétiser, pas grande idée… Après tout c’est un peu comme se demander à quoi ressemblerait une « internationale de mouvements nationaux populistes »… En gros partager le même idéal de fermeture, … mais transnationalement.

Génération Mobilité ou Réacs post-modernes ?

Cyril Dion c’est un peu le porte-parole d’une « Communauté Bio » en expansion. Et son docu se situe bien dans le trend de ces émissions qui font un carton, nous montrant des tribus préservées, à l’image de ces Rendez-vous en Terres inconnues. Authenticité comme vertu portée aux nues. Mot d’ordre : figeons ces tribus ou la gangrène uniformisante va les tuer ! Taisons leur envie de changement. Mais le changement n’est pas qu’une fatalité et l’évolution parfois une nécessité. Alors convoquons celle qui se présente comme notre meilleure alliée en ces temps bouleversés : l’Hybridité, la Glocalisation ! (http://leprojetcosmopolis.com/12-eloge-de-la-mobilite-et-du-batard/)

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« Demain », hymne d’une communauté en expansion et documentaire qui n’a pas fini d’inspirer. Paraît qu’il n’arrête plus de faire des petits. « Demain », échantillon d’une nouvelle mondialisation durable qui se dessine aussi dans des lieux comme Portland ou la tristement célèbre Détroit, cité dont le déclin a été retourné et a permis de libérer de la place pour un nouvel espace social. Détroit la moribonde devient laboratoire pour de nouveaux modèles de société. Le mouvement, tout le temps :-)… Enfin « Demain » clin d’oeil pour moi aussi. Ben oui, après avoir traversé moultes quartiers estampillés « bobos » ou « hipsters » dans les Villes-Monde, regarder « Demain », c’est un peu comme ajouter le discours au décor ;-).

Finalement, peu importe le nom qu’on leur colle, ces rêveurs communautaires sont des pionniers. Espérons simplement qu’ils ne figent pas une/ne s’ancrent pas en communauté exclusive, mais élargissent le mouvement. Que leur rejet du « made in ailleurs » ne scinde pas davantage une Génération Mondialisation déjà fragilisée par la « démobilisation ». Qu’à l’heure de la quête désespérée de « familles », des grands rassemblements communautaires, que les communautés « ethniques, bio, wasp, secundos ou régionales » puissent se rassembler dans un même mouvement.

Car après tout, la génération de la fluidité, de l’éphémère, c’est nous tous non ? Rompus au monde, au mouvement voulu ou subi, à la crise, à la quête d’authenticité. Bougres pleurés mais jamais à cours d’idées pour poétiser la précarité, nous avons substitué les mouvements aux partis, les projets aux CDI, les manifestations aux lieux, … Moins d’espaces, moins de temps, moins d’argent ? toujours une solution. Adeptes du co-working, des réseaux sociaux et l’économie solidaire. On conduit un Uber, créons nos propres jobs et fréquentons des auberges déjà habitées… On a substitué fluidité à précarité. Subtilement su doser entre Réseaux et Territoires. Ce qui semble poser quelque problème aux anciens en ces temps secoués où R et T se battent en duel…

Bref, pour conclure sur ce mouvement « durable » en expansion, sur l’idéologie localiste qu’incarne « Demain », une bonne nouvelle : j’ai entendu un homme politique déclamer dans un célèbre talk-show français que l’écologie est forcément un internationalisme et qu’elle ne peut pas être raciste. Tant mieux, restons vigilants à ne pas dériver vers un national-écologisme mais vers une apologie du localisme transnational(e).

:-) Vous avez demandé de l’Hybridité ? Dans les villes mondiales (http://leprojetcosmopolis.com/18-babel-eloge-a-la-ville-monde/) on se gène pas pour réinventer le futur avec le passé, pour conjuguer, pour métisser régionalisme et mondialisme. Des Villes-Monde où notre communauté de rêveurs, qui n’a de loin pas déserté les centres pour les prairies, s’amusent à innover. Allez donc faire un tour chez Bouboule à Paris (http://www.chezbouboule.fr/), lieu hybride où l’on joue à la pétanque et mange des burgers arrosés au pastis… Moi qui vous crie que la mondialisation ça peut aussi être marrant !

Médias, élections, pollution, tout ça tout ça…

Le PC joue donc les prolongations. Avec cependant quelques changements. 1. Une vision, des convictions affirmées. 2. Je me laisse moins polluer. Du moins médiatiquement. Je vois en coin ces acteurs continuer à s’agiter sur les grands plateaux de Jeu. Englués dans le temps médiatique, les récupérations politiques. Perdus, pris dans un jeu dans lequel il n’y a pas de gagnants. Echo du matin politique, écho du midi géopolitique, le soir on zapperait presque sur la téléréalité 😉 Et toujours ce décalage, on a élu des gens qui ne parlent pas nous, qui ne parlent que d’eux. Pour ça qu’une presque moitié se tourne vers ultra-nationalistes, ultra-populistes aux réponses trop faciles qui créent + de guerres et + de réfugiés, et ce faisant érigent leur propre prison ? Allez savoir…

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Ces passéistes crient « plus d’autorité, plus de pouvoir pour agir… moins de démocratie, gangrène qui les ferait forcément échouer ». Et ils se multiplient, font des petits. A quand une « internationale de nationalistes »? Le Pen, Poutine et leurs friends pourraient lancer un Réseau transnationale d’ultra Territoriaux ! Avec quoi comme crédo ? « Ok pour jamais se visiter » ou « puisqu’on est d’accord, ok pour se visiter entre nous » ou encore « la mobilité ok, mais à l’intérieur d’un bloc de démobilisation » lol ?!

Je m’arrête là. Vous retrouverez ces histoires de démondialisation idéologico-politique dans la rubrique Revue de presse, chronique d’une démobilisation (http://leprojetcosmopolis.com/category/pc-blog-le-voyage-continue/revue-de-presse/). Une démobilisation à peine dérangée par quelques lueurs. Comme l’élection d’un Justin Trudeau et ses mesures anti-sécuritaires à contre courant. Décidément, it’s true « The World needs more Canada » (http://leprojetcosmopolis.com/toronto-bienvenue-dans-cosmopolis-immersion/). Rigolez si vous voulez, mais parmi les lueurs on retrouve aussi François Hollande, certes peu adapté au monde de l’image et over piètre communiquant, mais qui même aux heures les plus sombres est resté rassembleur dans ses discours. Tenant bon sur la mondialisation et restant modéré. Et c’est bien ce qu’on lui reproche, cette hybridité « y’a pas de ligne, il change tout le temps de pieds » (NKM, ONPC, 12/03/2016). Moi ce sont ses opposants modérés que je supplie de se modérer, s’ils ne veulent pas se tirer une balle dans le pied et faire un boulevard encore plus grand à leurs adversaires populistes.

Bref, le jeu politique. Et avec 2017 en ligne de mire, on va déguster. Entendre dépeindre un monde chaotique pour assouvir des ambitions personnelles. Ca fait pas rêver. Apparemment on ne se fait pas élire sur une vision optimiste. Comme c’est triste. Moi qui croyais qu’il nous fallait des gens inspirants pour passer le cap et entrer dans cette nouvelle ère. Bref j’en viens presque à préférer suivre l’actualité sur Facebook c’est dire. Des membres y proposent des détournement hilarants, une actu souvent vue avec mordant et ironie. Lassée par les grands débats d’actualité réservés aux gens très intelligents et très angoissants, je peux toujours trouver du réconfort dans les émissions littéraires, qui même quand rattrapées par le réel, l’actualité, abordent la géopolitique autrement. Ainsi le plateau du 24 avril d’Au Fil de la Nuit (https://www.tf1.fr/tf1/au-field-de-la-nuit)était constitué d’invités français parlant de la richesse de leurs racines. Des êtres métissés qui m’ont fait voyager en Bulgarie, en Algérie, en Pologne, en Russie, …

En même temps, pas besoin des médias pour sentir la température du Moment. On débat souvent avec des amis, dont un bon nombre ne sont pas convaincus par le postulat du PC. Pour eux, le degré de mondialisation frise l’écoeurement. Ils parlent de mondialisation économique. Si on raisonne en terme idéologique, moi je pense qu’il est grandement temps d’ouvrir les yeux. Dans un temps pas si lointain, on assistait au sacre de Barack Obama, héros postmoderne (http://leprojetcosmopolis.com/13-portrait-barack-obama-devenir-metis/). Huit ans plus tard, on assiste à la fascination morbide pour une campagne électorale US qui révèle un Donald Trump en passe de s’imposer à la tête du monde.

J’entends aussi l’autre bord, ceux qui traitent Trump de vieux fou mais qui au fond partagent ses idées. Ainsi ce vieux monsieur qui confond univers médiatique anxiogène et réalité. Il n’est pas sorti depuis plusieurs années, se réjouit de s’en aller pour quitter ce monde chaotique, et affiche un mépris haineux face à mon optimisme, m’opposant que je ne suis qu’une intello privilégiée qui ne sait rien de rien. Ignorance revendiquée si c’est pour finir si amer. Je tente en vain de lui parler du vrai monde, dehors, il ne veut rien entendre. Alors je m’interroge. Comment un homme parti de rien et qui à son modeste niveau a bâti un mini-empire, engendré ribambelle d’enfants, qui petit garçon tapait sa professeure parce que cette dernière ne parlait pas sa langue, la langue de l’étranger, peut-il désormais partager ces idées ? Comment un homme qui a choisi le passeport suisse uniquement pour faire des affaires peut-il vomir sur le libéralisme économique et soutenir que l’ouverture mondiale, nul n’en a profité ? Comment un homme qui a eu honte de ses origines toute sa vie à cause des ravages de la guerre peut-il penser que le protectionnisme est la panacée ? Enfin comment un homme qui a souffert du racisme et des préjugés blessants peut-il confondre Daesch et musulmans ? Alors ok moi je ne sais rien, mais je vis, dehors, et ça se passe plutôt bien…

« Signé Genève »

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« Démobilisation » générale ou plusieurs échelles, plusieurs niveaux de lecture ? Voilà en gros l’analyse d’un ami qui désavoue mon constat démobilisation. Niveau ouverture, peut-être que le monde va mal, mais Genève, Ville-Monde, elle, se porte bien. Genève, ma ville d’élection, qui voit les partis populistes reculer et expose fièrement « sa gueule » métissée dans une exposition. Alors ok, penser l’état du monde localement, penser « glocalement« , pourquoi pas. Je veux bien adhérer.

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En fait, à droite ou à gauche toute même constat. Mais en ce qui concerne mes amis socialistes pour qui la première urgence est de renverser le capitalisme, j’ai envie de leur crier : Oui à l’alter-mondialisme, non non non à l’anti-mondialisme ! Force est de constater que la démobilisation, la peur du mouvement a désormais atteint la jeunesse, à différents degrés et selon différentes sensibilités. Et je ne suis pas assez naïve pour penser que la Génération Mondialisation constituerait une sorte d’entité pro-mouvement. Entre ces connaissances de gauche libéraux politiquement et pro-ouverture mais pour davantage d’État et anti-libéraux économiques ; ces connaissances Bio au mode de vie international mais ne jurant que par le local et fans des circuits courts; ces connaissances Secundos en lutte identitaire, et toute cette jeunesse périphérisée qui ne jure plus qu’en la nation. Au final, socialistes, localistes, nationalistes disent tous la même chose mais différemment. Stop au mouvement.

Quant à moi, qu’on me dise pourquoi mondialisation et nations devraient forcément être en opposition ? Tout est question d’équilibre entre Territoire et Réseau. C’est un peu comme la cuisine, suffit de trouver la bonne chimie… On l’a peu mis en avant, mais Barack Obama fut à la fois le grand défenseur des accords TAFTA et l’un des présidents les plus interventionnistes, s’opposant à un nombre substantiel de fusions-acquisitions de firmes transnationales. En fait, en défendant la nation on défend la mondialisation et vice-versa. On ne les oppose pas, on les marie en leur laissant une part d’autonomie.

Sacre de l’Identité et ethnicisation des rapports sociaux

Quoi qu’il en soit, l’envie de révision de la mondialisation, elle porte d’abord sur l’Identité. 2001 a précédé 2008, « le choc des civilisations » la débâcle de l’économie mondialisée. Et le « huntingtonisme » (http://leprojetcosmopolis.com/4-arjun-appadurai-vs-samuel-huntington/) a depuis gangréné la société mondiale en gestation.

Avant pour cerner quelqu’un on lui demandait d’abord ce qu’il faisait dans la vie. Voilà principalement ce par quoi on était d’abord défini. Désormais le « tu viens d’où? » l’aurait presque supplanté. Si le premier peut en dire long parce qu’il renseigne sur un parcours, des choix, parfois la deuxième option ne dit rien sur soi. Sur un héritage peut-être. On parle du sang, de la lignée, pas du sol. Mais y’a pléthore de « bâtards » qui se fichent de ces questions-là.

Ainsi j’ai été amenée à fréquemment observer cette progression de l’ethnicisation des rapports sociaux dans mon quotidien. Un « T’es originaire d’où? » balancé d’entrée lors d’une rencontre fortuite dans un café. Ben, … je je sais pas je suis là… Ce mode de connaissance classe d’emblée les gens en deux catégories : ici / pas d’ici. En gros il divise des gens qui concrètement se trouvent à priori au même endroit. On parle même plus de nationalité là. Carrément d’origine. Pour la petite anecdote, j’ai rencontré un Genevois ghanéen à un festival l’été dernier. On discute un peu, assez vite il me demande « si je suis d’ici ». Je finis par lui retourner poliment la question. Alors il me dit « voilà c’est parce que j’ai l’air africain que tu penses que je suis pas d’ici, peut-être clandestin, ce genre de choses ». Moi je lui qu’honnêtement ne m’était pas venue l’idée de me lancer sur ce terrain, mais lui ai simplement retourné sa question. Il a admis et bien rigolé. La glace était brisée. Une autre fois, j’ai accompagné la sortie d’anniversaire d’un garçon de onze ans. L’occasion d’être frappée par cette ribambelle de rejetons appliqués à faire l’inventaire de leurs origines, et semblant se demander, un peu perdus, qui ils étaient. « Moi je suis Américain-Vietnamien », « moi Marocain-Italien », « moi Portugais-Suisse », etc. J’ai saisi la balle au bond en complétant le « moi je suis… » du suivant par un « Ben t’es genevois quoi » ;-). Ma proposition d’identification a emporté une large adhésion. Ils n’y avaient pas pensé…

Démondialisation idéologique

Ces observations de « terrain » ne sont finalement que le prolongement, le miroir, de cette démondialisation idéologique qui agite la politique et les médias. La question de l’identité devient extrêmement sensible dans des débats aussi stériles que divisant. Face à un Territoire de plus en plus « national », le Réseau transnational suscite l’opprobre. Le commerce international aurait vocation lui aussi à répondre à une certaine loyauté laïcitaire. L’exemple emblématique de ces derniers mois fut le tollé provoqué par des grandes marques de prêt-à-porter, qui s’adaptant à nos sociétés multiculturelles, ont proposé des vêtements adaptés à la culture musulmane. Un événement tout sauf anodin. Des gens qui se déchirent sur les plateaux télé, une polémique jusque dans les plus hautes sphères de l’État français. On fustige ces marques nauséabondes qui placent le mercantilisme au-dessus du patriotisme. On devrait peut-être saluer un commerce qui lui au moins n’a pour l’instant pas de « nationalité nationaliste ». On se calme, tout va bien. La coquetterie reste une valeur partagée…

Majorité ? Minorité majoritaire ?

Je ne saurais dire s’ils constituent une des minorités du nouveau puzzle social mondialisé ou encore la majorité. Quoi qu’il en soit, subsiste encore cette large tranche de la société civile qui vit dans ce monde-ci (futur ancien monde ?). Vous savez, la société engendrée par la mondialisation, qui tente de « faire carrière » et invoque constamment la possibilité, l’envie de partir pour d’autres terres plus chaleureuses, plus « communautaires », tout en reconnaissant ses fortes attaches ici. Des citoyens qui ne se reconnaissent encore dans aucune des communautés post-modernes, ni bobos, ni ethnos, ni nationalos, et qui continuent à se situer dans un monde en mouvement, à dire sans arrière-pensée « l’anglais c’est juste indispensable aujourd’hui ». Bref, ceux qui ne remettent pas en cause leur réalité mondialisée…

Que sont-il devenus ? Retour sur les « stars » de l’année médiatique & géopolitique 2015

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Une autre frange de la population mondiale qui ne remet pas non plus en cause le Mouvement mais qui est elle nettement moins privilégiée sont ceux qu’on appelle désormais communément les « migrants » et qui se rappellent régulièrement à nous, bien que l’hystérie 2015 soit passée. Quelques uns semblent prêts à les accueillir et scandent un « Refugees Welcome », d’autres à les défendre comme les stars G. Clooney ou A. Jolie, dont les mots restent inaudibles, trop privilégiés pour être légitimes. D’une manière générale, on continue à rejeter ces demandeurs d’asile, considérés comme des migrants du Territoire, parce que se déplaçant en familles, ils auraient forcément vocation à s’ancrer. Ils viennent pour la plupart de Syrie, sont pour la plupart musulmans et même pas miséreux. Des enfants, des sous et une éducation. Ils ne sont même pas authentiquement en détresse ! Pire, ils rêvent, croient en des sociétés dans lesquelles le cynisme est devenu valeur suprême…

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J’ai signé cette pétition pour que la Suisse accueille 50’000 réfugiés syriens. En accueillant tous un peu, on stoppe les images d’invasion, donc la surfocalisation, l’instrumentalisation et la récupération, les filières criminelles. Analyse simple : un pays en guerre, des gens pris en étau entre État terrorisant et réseaux terroristes. Si comme eux, on ne souscrit ni à l’un et ne sommes pas uniquement dans la réaction émotionnelle aux actions des autres, soutenons-les. Or nous simples citoyens sommes pollués par la vision du « all or nothing » : abandonner à la mort ou accorder à vie la nationalité. Voie hybride ? Dans un premier temps déjà simplement protéger. Point. Plus de discours, plus de théorie, de l’action.

Nous simples citoyens sommés d’arbitrer là où il n’y a en fait que la géopolitique qui décide. Pour preuve le récent accord signé entre Europe et Turquie et qui a sensiblement diminuer les flux. Illusion. Dans un monde où les États se durcissent, c’est clair que les réfugiés ne sont pas prêts de pouvoir rentrer. Au final, à nous de donner la mesure à nos États. En regardant le film « Promised Land » l’autre jour, je me demandais comment nos sociétés pouvaient à la fois souscrire de plus en plus au localisme, à l’attachement à la terre, aux valeurs simples et à la communauté, et en même temps penser que le monde entier rêverait chez nous de rester… En tout cas, y’en a un qui aux côtés de feu Samuel Huntington et son choc des civilisations doit regretter ses mots, c’est Michel Rocard et sa tristement célèbre phrase sur la potentielle invasion planétaire de la misère dans nos contrées glacées… Heureusement, pendant que la nation, trop occupée à s’interroger sur son identité, ne fait rien, y’a des Villes-Monde qui agissent, comme la Mairie de Paris en ouvrant ses propres centres pour accueillir des réfugiés.

La règle des « Deux Maisons »

On s’arrête là pour ce printemps. La Gazette reviendra cet été. En attendant j’ai à faire pour retrouver une deuxième maison dans ma région d’origine et compléter ma maison de la mondialisation. Je cherche ma terre d’été du côté des campings, lieux éphémères, communautés éphémères, ancrage limité… On aura l’occasion d’en reparler…

Mais au fait, c’est quoi la règle des deux maisons ? C’est ma maxime de réconciliation –> pour vivre heureux, doublons nos lieux 😉 et … nos identités.

L’identité ? Un concept en mouvement… :-)

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Matisyahu, le rabbin chanteur devenu rabbin hipster, devenu juste chanteur…Trois stades identitaires… (telescoop.tv/browse/1563498/4/l-effet-papillon.html)