La Gazette du PC 2016 / I. Printemps – Hiver

PC Blog. Le Voyage continue…

A la base, le Projet Cosmopolis, c’était l’idée de mener un projet de A à Z. Un projet autour de la Mobilité. Un projet pensé comme un voyage. Un voyage qui devait avoir un début, une fin et une durée, un an.

Mais voilà qu’au terme du voyage, il a fallu composer avec les éléments… De un le projet était bien décidé à jouer les prolongations. Le deuxième fut une urgence à partager le PC.

Du coup pour satisfaire le deuxième, j’ai publié le pavé sur ce site. Parce qu’un site internet ça n’a (pour l’instant du moins) pas de nationalité, apatride, il flotte, se rit des frontières, constitue l’espace de liberté de la société civile transnationale, a vocation à rassembler une « communauté d’idées » dispersée. Et en dépit de son apparente froideur, son côté impudique, son manque de sensualité, il offre la liberté d’être foutraque, incarné, expérimental, hybride, maladroit, longuet, hors contingences politiques ou commerciales. Bref, le site s’est révélé comme la meilleure façon de partager le PC.

Pour répondre au premier, le site se fait blog. Et le voyage se poursuit. Continuer… Parce que malgré la « démobilisation », convaincue qu’il n’est pas trop tard (!) (?) (.) (…) ?

Mon PC restera un grand bazar, une réflexion globale sur la mobilité. Une façon de lire le monde parmi des millions. Des millions de non vérités qui ne doivent pas s’affronter mais se compléter, s’enrichir, se complexifier. Le PC ne juge pas, n’arbitre pas. Il a vocation à observer et déformer, montrer ou inventer, être dans et hors-réalité. Au-delà de la psychose, de « l’anxiogénité », de la morosité. Assez d’autres voix pour ça. Le PC nourrit un rêve aussi. Rejoindre une communauté de gens qui croient. Utopique ? Honteux ? Il en faut bien aussi quelques uns pour défendre le monde post-moderne et post-colonial en gestation, montrer son côté lumineux, pour répondre aux éternuements des populistes et autres apôtres de la serrure qui exècrent mouvements et métissage.

Un blog enfin pour m’extraire de mon localisme et évoluer ponctuellement dans un borderless world. Parce qu’en plus de « deux maisons », on a besoin du transnational aussi.

Génération Mondialisation et Nouvelle(s) Mondialisation(s)

Souvenez-vous, nous nous étions quittés sur le constat suivant : c’est à la Génération Mondialisation que revient le défi de réinventer la mondialisation. Pour son profit d’abord. Pour réconcilier aussi. Les citoyens marginalisés tentés par de burlesques extrémités. Pour préserver harmonie, modes de vie, et osons le susurrer, démocratie…

Du coup mon nouveau défi à moi c’est d’être attentive à ce qui émerge comme nouvelles voies, alternatives engagées sur la route du rassemblement, la bonne quoi.

Explorons, partons donc en quête de rêveurs et voyons un peu ce qui est en train de s’esquisser…

Première escale : « Demain »

Parce que cette nouvelle mondialisation s’incarne aussi au cinéma, le documentaire « Demain » sera ma première escale de l’année. « Demain » donc, sorti en ce mois de janvier 2016, se présente un peu comme le nouvel hymne d’une partie de cette Génération Mondialisation, comme un chant d’espoir pour une néo-mondialisation. Et comme un prétexte pour le PC pour aborder un désormais puissant courant de pensée…

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« Demain », de Cyril Dion et Mélanie Laurent, 2015, 1h58.

Le pitch

« Alors que l’humanité est menacée par l’effondrement des écosystèmes, Cyril, Mélanie, Alexandre, Laurent, Raphaël et Antoine, tous trentenaires, partent explorer le monde en quête de solutions capables de sauver leurs enfants et, à travers eux, la nouvelle génération. A partir des expériences les plus abouties dans tous les domaines (agriculture, énergie, habitat, économie, éducation, démocratie…), ils vont tenter de reconstituer le puzzle qui permettra de construire une autre histoire de l’avenir. » (http://www.demain-lefilm.com/).

Les mots clés : localisme, communautés, auto-suffisance, lien social, proximité.

Le compte-rendu

La première partie propose une sorte de tour du monde d’initiatives écologiques originales, souvent le fait de la société civile. La démonstration convainc : on peut réinventer, on peut agir, d’abord localement, dans un mouvement qui vient du bas pour s’étendre horizontalement.

La deuxième partie, c’est le gros bazar. Les narrateurs mélangent tout, « refont » tout : économie, politique, éducation… Et ça fonctionne moyennement. Manque de cohérence. Exemples isolés, décontextualisés, incomparables, sans liens entre eux. Exemples prétextes à servir le postulat suivant : dans le modèle actuel, tout est à jeter ! Quid de la réflexion historique sur l’évolution, le pourquoi a été atteint un tel degré de mondialisation. Nos héros ne se contentent pas de dénoncer les abus d’un système, mais condamnent un système entier fatal et essoufflé.

En gros, d’abord séduite et concernée, j’ai ensuite progressivement décroché. Ils m’ont perdue. Trop politique, trop idéologique, trop dans la démonstration. Je suis ressortie de la projection à la fois rassurée et inspirée, mais dubitative. Mon ami lui carrément emballé.

Au terme de la projection, je me suis aussi interrogée : « Demain » ne serait-ce pas un peu hier ? Un hier un peu trop lointain ? Demain, ses petites communautés locales et auto-suffisantes, ne serait-ce pas un peu le… Moyen Âge 😉 ?

Pour être clair, le message que j’ai cru entendre en arrière-plan et dont je m’éloigne, aussi bien intentionné qu’il soit, dans un monde en « démobilisation », est le suivant : le « made in ailleurs » c’est mal. Pas éthique, pas écologique, pas proche, pas social. La charge mériterait d’être nuancée.

Ce mot-ci m’a davantage émoussée : horizontalité. Horizontalité du mouvement « local » porteuse d’espoir. Espoir de voir émerger un autre type de pouvoir. Et plus concernant pour le PC, un localisme horizontal, « cross borders », c’est aussi l’espoir d’un localisme qui ne mette pas fin aux échanges et ferme les frontières. Ben oui, imaginez qu’on atteigne très improbablement cette utopique auto-suffisance, quel besoin alors d’échanger au-delà de sa communauté ?

Horizontalité = espoir de l’émergence de mouvements prônant proximité et localisme, mais interconnectés. Me demandez pas comment tout ça pourrait se concrétiser, pas grande idée… Après tout c’est un peu comme se demander à quoi ressemblerait une « internationale de mouvements nationaux populistes »… En gros partager le même idéal de fermeture, … mais transnationalement.

Génération Mobilité ou Réacs post-modernes ?

Cyril Dion c’est un peu le porte-parole d’une « Communauté Bio » en expansion. Et son docu se situe bien dans le trend de ces émissions qui font un carton, nous montrant des tribus préservées, à l’image de ces Rendez-vous en Terres inconnues. Authenticité comme vertu portée aux nues. Mot d’ordre : figeons ces tribus ou la gangrène uniformisante va les tuer ! Taisons leur envie de changement. Mais le changement n’est pas qu’une fatalité et l’évolution parfois une nécessité. Alors convoquons celle qui se présente comme notre meilleure alliée en ces temps bouleversés : l’Hybridité, la Glocalisation ! (http://leprojetcosmopolis.com/12-eloge-de-la-mobilite-et-du-batard/)

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« Demain », hymne d’une communauté en expansion et documentaire qui n’a pas fini d’inspirer. Paraît qu’il n’arrête plus de faire des petits. « Demain », échantillon d’une nouvelle mondialisation durable qui se dessine aussi dans des lieux comme Portland ou la tristement célèbre Détroit, cité dont le déclin a été retourné et a permis de libérer de la place pour un nouvel espace social. Détroit la moribonde devient laboratoire pour de nouveaux modèles de société. Le mouvement, tout le temps :-)… Enfin « Demain » clin d’oeil pour moi aussi. Ben oui, après avoir traversé moultes quartiers estampillés « bobos » ou « hipsters » dans les Villes-Monde, regarder « Demain », c’est un peu comme ajouter le discours au décor ;-).

Finalement, peu importe le nom qu’on leur colle, ces rêveurs communautaires sont des pionniers. Espérons simplement qu’ils ne figent pas une/ne s’ancrent pas en communauté exclusive, mais élargissent le mouvement. Que leur rejet du « made in ailleurs » ne scinde pas davantage une Génération Mondialisation déjà fragilisée par la « démobilisation ». Qu’à l’heure de la quête désespérée de « familles », des grands rassemblements communautaires, que les communautés « ethniques, bio, wasp, secundos ou régionales » puissent se rassembler dans un même mouvement.

Car après tout, la génération de la fluidité, de l’éphémère, c’est nous tous non ? Rompus au monde, au mouvement voulu ou subi, à la crise, à la quête d’authenticité. Bougres pleurés mais jamais à cours d’idées pour poétiser la précarité, nous avons substitué les mouvements aux partis, les projets aux CDI, les manifestations aux lieux, … Moins d’espaces, moins de temps, moins d’argent ? toujours une solution. Adeptes du co-working, des réseaux sociaux et l’économie solidaire. On conduit un Uber, créons nos propres jobs et fréquentons des auberges déjà habitées… On a substitué fluidité à précarité. Subtilement su doser entre Réseaux et Territoires. Ce qui semble poser quelque problème aux anciens en ces temps secoués où R et T se battent en duel…

Bref, pour conclure sur ce mouvement « durable » en expansion, sur l’idéologie localiste qu’incarne « Demain », une bonne nouvelle : j’ai entendu un homme politique déclamer dans un célèbre talk-show français que l’écologie est forcément un internationalisme et qu’elle ne peut pas être raciste. Tant mieux, restons vigilants à ne pas dériver vers un national-écologisme mais vers une apologie du localisme transnational(e).

:-) Vous avez demandé de l’Hybridité ? Dans les villes mondiales (http://leprojetcosmopolis.com/18-babel-eloge-a-la-ville-monde/) on se gène pas pour réinventer le futur avec le passé, pour conjuguer, pour métisser régionalisme et mondialisme. Des Villes-Monde où notre communauté de rêveurs, qui n’a de loin pas déserté les centres pour les prairies, s’amusent à innover. Allez donc faire un tour chez Bouboule à Paris (http://www.chezbouboule.fr/), lieu hybride où l’on joue à la pétanque et mange des burgers arrosés au pastis… Moi qui vous crie que la mondialisation ça peut aussi être marrant !

Médias, élections, pollution, tout ça tout ça…

Le PC joue donc les prolongations. Avec cependant quelques changements. 1. Une vision, des convictions affirmées. 2. Je me laisse moins polluer. Du moins médiatiquement. Je vois en coin ces acteurs continuer à s’agiter sur les grands plateaux de Jeu. Englués dans le temps médiatique, les récupérations politiques. Perdus, pris dans un jeu dans lequel il n’y a pas de gagnants. Echo du matin politique, écho du midi géopolitique, le soir on zapperait presque sur la téléréalité 😉 Et toujours ce décalage, on a élu des gens qui ne parlent pas nous, qui ne parlent que d’eux. Pour ça qu’une presque moitié se tourne vers ultra-nationalistes, ultra-populistes aux réponses trop faciles qui créent + de guerres et + de réfugiés, et ce faisant érigent leur propre prison ? Allez savoir…

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Ces passéistes crient « plus d’autorité, plus de pouvoir pour agir… moins de démocratie, gangrène qui les ferait forcément échouer ». Et ils se multiplient, font des petits. A quand une « internationale de nationalistes »? Le Pen, Poutine et leurs friends pourraient lancer un Réseau transnationale d’ultra Territoriaux ! Avec quoi comme crédo ? « Ok pour jamais se visiter » ou « puisqu’on est d’accord, ok pour se visiter entre nous » ou encore « la mobilité ok, mais à l’intérieur d’un bloc de démobilisation » lol ?!

Je m’arrête là. Vous retrouverez ces histoires de démondialisation idéologico-politique dans la rubrique Revue de presse, chronique d’une démobilisation (http://leprojetcosmopolis.com/category/pc-blog-le-voyage-continue/revue-de-presse/). Une démobilisation à peine dérangée par quelques lueurs. Comme l’élection d’un Justin Trudeau et ses mesures anti-sécuritaires à contre courant. Décidément, it’s true « The World needs more Canada » (http://leprojetcosmopolis.com/toronto-bienvenue-dans-cosmopolis-immersion/). Rigolez si vous voulez, mais parmi les lueurs on retrouve aussi François Hollande, certes peu adapté au monde de l’image et over piètre communiquant, mais qui même aux heures les plus sombres est resté rassembleur dans ses discours. Tenant bon sur la mondialisation et restant modéré. Et c’est bien ce qu’on lui reproche, cette hybridité « y’a pas de ligne, il change tout le temps de pieds » (NKM, ONPC, 12/03/2016). Moi ce sont ses opposants modérés que je supplie de se modérer, s’ils ne veulent pas se tirer une balle dans le pied et faire un boulevard encore plus grand à leurs adversaires populistes.

Bref, le jeu politique. Et avec 2017 en ligne de mire, on va déguster. Entendre dépeindre un monde chaotique pour assouvir des ambitions personnelles. Ca fait pas rêver. Apparemment on ne se fait pas élire sur une vision optimiste. Comme c’est triste. Moi qui croyais qu’il nous fallait des gens inspirants pour passer le cap et entrer dans cette nouvelle ère. Bref j’en viens presque à préférer suivre l’actualité sur Facebook c’est dire. Des membres y proposent des détournement hilarants, une actu souvent vue avec mordant et ironie. Lassée par les grands débats d’actualité réservés aux gens très intelligents et très angoissants, je peux toujours trouver du réconfort dans les émissions littéraires, qui même quand rattrapées par le réel, l’actualité, abordent la géopolitique autrement. Ainsi le plateau du 24 avril d’Au Fil de la Nuit (https://www.tf1.fr/tf1/au-field-de-la-nuit)était constitué d’invités français parlant de la richesse de leurs racines. Des êtres métissés qui m’ont fait voyager en Bulgarie, en Algérie, en Pologne, en Russie, …

En même temps, pas besoin des médias pour sentir la température du Moment. On débat souvent avec des amis, dont un bon nombre ne sont pas convaincus par le postulat du PC. Pour eux, le degré de mondialisation frise l’écoeurement. Ils parlent de mondialisation économique. Si on raisonne en terme idéologique, moi je pense qu’il est grandement temps d’ouvrir les yeux. Dans un temps pas si lointain, on assistait au sacre de Barack Obama, héros postmoderne (http://leprojetcosmopolis.com/13-portrait-barack-obama-devenir-metis/). Huit ans plus tard, on assiste à la fascination morbide pour une campagne électorale US qui révèle un Donald Trump en passe de s’imposer à la tête du monde.

J’entends aussi l’autre bord, ceux qui traitent Trump de vieux fou mais qui au fond partagent ses idées. Ainsi ce vieux monsieur qui confond univers médiatique anxiogène et réalité. Il n’est pas sorti depuis plusieurs années, se réjouit de s’en aller pour quitter ce monde chaotique, et affiche un mépris haineux face à mon optimisme, m’opposant que je ne suis qu’une intello privilégiée qui ne sait rien de rien. Ignorance revendiquée si c’est pour finir si amer. Je tente en vain de lui parler du vrai monde, dehors, il ne veut rien entendre. Alors je m’interroge. Comment un homme parti de rien et qui à son modeste niveau a bâti un mini-empire, engendré ribambelle d’enfants, qui petit garçon tapait sa professeure parce que cette dernière ne parlait pas sa langue, la langue de l’étranger, peut-il désormais partager ces idées ? Comment un homme qui a choisi le passeport suisse uniquement pour faire des affaires peut-il vomir sur le libéralisme économique et soutenir que l’ouverture mondiale, nul n’en a profité ? Comment un homme qui a eu honte de ses origines toute sa vie à cause des ravages de la guerre peut-il penser que le protectionnisme est la panacée ? Enfin comment un homme qui a souffert du racisme et des préjugés blessants peut-il confondre Daesch et musulmans ? Alors ok moi je ne sais rien, mais je vis, dehors, et ça se passe plutôt bien…

« Signé Genève »

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« Démobilisation » générale ou plusieurs échelles, plusieurs niveaux de lecture ? Voilà en gros l’analyse d’un ami qui désavoue mon constat démobilisation. Niveau ouverture, peut-être que le monde va mal, mais Genève, Ville-Monde, elle, se porte bien. Genève, ma ville d’élection, qui voit les partis populistes reculer et expose fièrement « sa gueule » métissée dans une exposition. Alors ok, penser l’état du monde localement, penser « glocalement« , pourquoi pas. Je veux bien adhérer.

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En fait, à droite ou à gauche toute même constat. Mais en ce qui concerne mes amis socialistes pour qui la première urgence est de renverser le capitalisme, j’ai envie de leur crier : Oui à l’alter-mondialisme, non non non à l’anti-mondialisme ! Force est de constater que la démobilisation, la peur du mouvement a désormais atteint la jeunesse, à différents degrés et selon différentes sensibilités. Et je ne suis pas assez naïve pour penser que la Génération Mondialisation constituerait une sorte d’entité pro-mouvement. Entre ces connaissances de gauche libéraux politiquement et pro-ouverture mais pour davantage d’État et anti-libéraux économiques ; ces connaissances Bio au mode de vie international mais ne jurant que par le local et fans des circuits courts; ces connaissances Secundos en lutte identitaire, et toute cette jeunesse périphérisée qui ne jure plus qu’en la nation. Au final, socialistes, localistes, nationalistes disent tous la même chose mais différemment. Stop au mouvement.

Quant à moi, qu’on me dise pourquoi mondialisation et nations devraient forcément être en opposition ? Tout est question d’équilibre entre Territoire et Réseau. C’est un peu comme la cuisine, suffit de trouver la bonne chimie… On l’a peu mis en avant, mais Barack Obama fut à la fois le grand défenseur des accords TAFTA et l’un des présidents les plus interventionnistes, s’opposant à un nombre substantiel de fusions-acquisitions de firmes transnationales. En fait, en défendant la nation on défend la mondialisation et vice-versa. On ne les oppose pas, on les marie en leur laissant une part d’autonomie.

Sacre de l’Identité et ethnicisation des rapports sociaux

Quoi qu’il en soit, l’envie de révision de la mondialisation, elle porte d’abord sur l’Identité. 2001 a précédé 2008, « le choc des civilisations » la débâcle de l’économie mondialisée. Et le « huntingtonisme » (http://leprojetcosmopolis.com/4-arjun-appadurai-vs-samuel-huntington/) a depuis gangréné la société mondiale en gestation.

Avant pour cerner quelqu’un on lui demandait d’abord ce qu’il faisait dans la vie. Voilà principalement ce par quoi on était d’abord défini. Désormais le « tu viens d’où? » l’aurait presque supplanté. Si le premier peut en dire long parce qu’il renseigne sur un parcours, des choix, parfois la deuxième option ne dit rien sur soi. Sur un héritage peut-être. On parle du sang, de la lignée, pas du sol. Mais y’a pléthore de « bâtards » qui se fichent de ces questions-là.

Ainsi j’ai été amenée à fréquemment observer cette progression de l’ethnicisation des rapports sociaux dans mon quotidien. Un « T’es originaire d’où? » balancé d’entrée lors d’une rencontre fortuite dans un café. Ben, … je je sais pas je suis là… Ce mode de connaissance classe d’emblée les gens en deux catégories : ici / pas d’ici. En gros il divise des gens qui concrètement se trouvent à priori au même endroit. On parle même plus de nationalité là. Carrément d’origine. Pour la petite anecdote, j’ai rencontré un Genevois ghanéen à un festival l’été dernier. On discute un peu, assez vite il me demande « si je suis d’ici ». Je finis par lui retourner poliment la question. Alors il me dit « voilà c’est parce que j’ai l’air africain que tu penses que je suis pas d’ici, peut-être clandestin, ce genre de choses ». Moi je lui qu’honnêtement ne m’était pas venue l’idée de me lancer sur ce terrain, mais lui ai simplement retourné sa question. Il a admis et bien rigolé. La glace était brisée. Une autre fois, j’ai accompagné la sortie d’anniversaire d’un garçon de onze ans. L’occasion d’être frappée par cette ribambelle de rejetons appliqués à faire l’inventaire de leurs origines, et semblant se demander, un peu perdus, qui ils étaient. « Moi je suis Américain-Vietnamien », « moi Marocain-Italien », « moi Portugais-Suisse », etc. J’ai saisi la balle au bond en complétant le « moi je suis… » du suivant par un « Ben t’es genevois quoi » ;-). Ma proposition d’identification a emporté une large adhésion. Ils n’y avaient pas pensé…

Démondialisation idéologique

Ces observations de « terrain » ne sont finalement que le prolongement, le miroir, de cette démondialisation idéologique qui agite la politique et les médias. La question de l’identité devient extrêmement sensible dans des débats aussi stériles que divisant. Face à un Territoire de plus en plus « national », le Réseau transnational suscite l’opprobre. Le commerce international aurait vocation lui aussi à répondre à une certaine loyauté laïcitaire. L’exemple emblématique de ces derniers mois fut le tollé provoqué par des grandes marques de prêt-à-porter, qui s’adaptant à nos sociétés multiculturelles, ont proposé des vêtements adaptés à la culture musulmane. Un événement tout sauf anodin. Des gens qui se déchirent sur les plateaux télé, une polémique jusque dans les plus hautes sphères de l’État français. On fustige ces marques nauséabondes qui placent le mercantilisme au-dessus du patriotisme. On devrait peut-être saluer un commerce qui lui au moins n’a pour l’instant pas de « nationalité nationaliste ». On se calme, tout va bien. La coquetterie reste une valeur partagée…

Majorité ? Minorité majoritaire ?

Je ne saurais dire s’ils constituent une des minorités du nouveau puzzle social mondialisé ou encore la majorité. Quoi qu’il en soit, subsiste encore cette large tranche de la société civile qui vit dans ce monde-ci (futur ancien monde ?). Vous savez, la société engendrée par la mondialisation, qui tente de « faire carrière » et invoque constamment la possibilité, l’envie de partir pour d’autres terres plus chaleureuses, plus « communautaires », tout en reconnaissant ses fortes attaches ici. Des citoyens qui ne se reconnaissent encore dans aucune des communautés post-modernes, ni bobos, ni ethnos, ni nationalos, et qui continuent à se situer dans un monde en mouvement, à dire sans arrière-pensée « l’anglais c’est juste indispensable aujourd’hui ». Bref, ceux qui ne remettent pas en cause leur réalité mondialisée…

Que sont-il devenus ? Retour sur les « stars » de l’année médiatique & géopolitique 2015

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Une autre frange de la population mondiale qui ne remet pas non plus en cause le Mouvement mais qui est elle nettement moins privilégiée sont ceux qu’on appelle désormais communément les « migrants » et qui se rappellent régulièrement à nous, bien que l’hystérie 2015 soit passée. Quelques uns semblent prêts à les accueillir et scandent un « Refugees Welcome », d’autres à les défendre comme les stars G. Clooney ou A. Jolie, dont les mots restent inaudibles, trop privilégiés pour être légitimes. D’une manière générale, on continue à rejeter ces demandeurs d’asile, considérés comme des migrants du Territoire, parce que se déplaçant en familles, ils auraient forcément vocation à s’ancrer. Ils viennent pour la plupart de Syrie, sont pour la plupart musulmans et même pas miséreux. Des enfants, des sous et une éducation. Ils ne sont même pas authentiquement en détresse ! Pire, ils rêvent, croient en des sociétés dans lesquelles le cynisme est devenu valeur suprême…

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J’ai signé cette pétition pour que la Suisse accueille 50’000 réfugiés syriens. En accueillant tous un peu, on stoppe les images d’invasion, donc la surfocalisation, l’instrumentalisation et la récupération, les filières criminelles. Analyse simple : un pays en guerre, des gens pris en étau entre État terrorisant et réseaux terroristes. Si comme eux, on ne souscrit ni à l’un et ne sommes pas uniquement dans la réaction émotionnelle aux actions des autres, soutenons-les. Or nous simples citoyens sommes pollués par la vision du « all or nothing » : abandonner à la mort ou accorder à vie la nationalité. Voie hybride ? Dans un premier temps déjà simplement protéger. Point. Plus de discours, plus de théorie, de l’action.

Nous simples citoyens sommés d’arbitrer là où il n’y a en fait que la géopolitique qui décide. Pour preuve le récent accord signé entre Europe et Turquie et qui a sensiblement diminuer les flux. Illusion. Dans un monde où les États se durcissent, c’est clair que les réfugiés ne sont pas prêts de pouvoir rentrer. Au final, à nous de donner la mesure à nos États. En regardant le film « Promised Land » l’autre jour, je me demandais comment nos sociétés pouvaient à la fois souscrire de plus en plus au localisme, à l’attachement à la terre, aux valeurs simples et à la communauté, et en même temps penser que le monde entier rêverait chez nous de rester… En tout cas, y’en a un qui aux côtés de feu Samuel Huntington et son choc des civilisations doit regretter ses mots, c’est Michel Rocard et sa tristement célèbre phrase sur la potentielle invasion planétaire de la misère dans nos contrées glacées… Heureusement, pendant que la nation, trop occupée à s’interroger sur son identité, ne fait rien, y’a des Villes-Monde qui agissent, comme la Mairie de Paris en ouvrant ses propres centres pour accueillir des réfugiés.

La règle des « Deux Maisons »

On s’arrête là pour ce printemps. La Gazette reviendra cet été. En attendant j’ai à faire pour retrouver une deuxième maison dans ma région d’origine et compléter ma maison de la mondialisation. Je cherche ma terre d’été du côté des campings, lieux éphémères, communautés éphémères, ancrage limité… On aura l’occasion d’en reparler…

Mais au fait, c’est quoi la règle des deux maisons ? C’est ma maxime de réconciliation –> pour vivre heureux, doublons nos lieux 😉 et … nos identités.

L’identité ? Un concept en mouvement… :-)

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Matisyahu, le rabbin chanteur devenu rabbin hipster, devenu juste chanteur…Trois stades identitaires… (telescoop.tv/browse/1563498/4/l-effet-papillon.html)

 

 

 

 

 

 

 

À propos de l'auteur: CeceT

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